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Terrorisme : l’intensité de la menace perçue par les Français recule nettement
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11 septembre, 18 ans après

Un sondage exclusif Ifop pour Atlantico réalisé après les attaques aux couteaux de ces derniers jours.

 Ifop

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L'Ifop est un institut de sondages d'opinion et d'études marketing.

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François Kraus

François Kraus

François Kraus est Directeur des études politiques au département Opinion de l'Ifop.

 

 

 

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Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Atlantico : Les attentats du 11 septembre 2001 ont dix-huit ans aujourd’hui. A cette occasion, l’IFOP a réalisé une étude pour Atlantico sur la perception du niveau de menace terroriste en France. Quelles sont les grandes évolutions dans la perception de cette menace depuis 2001 ?

François Kraus : On voit bien que par rapport à 2001, année où on a commencé à mettre en place ces baromètres, la perception de la menace terroriste reste très élevée. Cependant, depuis novembre 2017, on a un tassement du sentiment d’une menace terroriste élevée en France. Cela rejoint l’oubli progressif de ce dramatique anniversaire, et cela vient aussi probablement d’un traitement médiatique moins important de ces dates. L’anniversaire du 13 novembre 2015 est de moins en moins exposé médiatiquement, de la même manière, de même que l’attentat contre Charlie Hebdo, qui est moins consensuel dans l’opinion. L’absence de traitement médiatique fort autour de ces anniversaires conduit naturellement à réduire le sentiment de menace terroriste. Ce qu’il faut regarder en premier lieu dans ce sondage, c’est l’élément « sentiment d’une menace très élevée » dont le niveau est aujourd’hui de 18% des sondés. C’est trois fois inférieur à ce qu’on pouvait observer il y a deux ans.

C’est à partir du moment où le terrorisme de masse a touché la France, c’est-à-dire à partir de janvier 2015 que le sentiment d’une menace très élevée a vraiment surgi. Auparavant, la menace était ressentie, notamment depuis 2012 avec l’affaire Merah, mais elle n’avait pas atteint ce stade de 2015. En une semaine en janvier 2015, le sentiment d’une menace très élevée est passé de 18% des sondés à 49% des sondés. Après cette période, on était dans des seuils très élevés jusqu’à novembre 2017 où il y a eu décroissance.

Alain Rodier : La date clé, elle est très simple, c’est 2015, avec les attentats en France. Jusqu’à 2015, personne n’avait vraiment conscience de cette menace terroriste djihadiste d’origine salafiste. Le premier attentat contre Charlie Hebdo, c’était Al-Qaida qui l’avait programmé, et les deuxièmes, ceux de novembre, venaient de Daech. Il est évident qu’à ce moment-là, les Français se sont sentis menacés, parce que, quand des actions violentes se passent outre-mer, ils ne se sentent pas directement visés. Tous les autres attentats n’ont fait que développer cette crainte de l’attentat terroriste en France, jusqu’il y a peu.

Le 11 septembre est en partie oublié par rapport à ces dates de 2015. La nature de la mémoire humaine fait qu’on a tendance à oublier. Les nouvelles générations ont oublié ce qui s’est passé à ce moment-là. Elles le savent historiquement, mais l’évènement est entré dans l’Histoire sans qu’il renvoie à une réalité dramatique. La date qui a remplacé le 11 septembre dans la mémoire collective, ce sont les dates de 2015.

Dans quelle mesure la perception de la menace a-t-elle changé avec l'évolution de la nature de la menace ?

Alain Rodier : En janvier et en novembre 2015, les commandos avaient été préparés à l’extérieur. C’était une menace commanditée, préparée par des acteurs extérieurs. Ensuite on a eu une série d’attentats qui ont été le fait de gens qui n’avaient jamais été à l’étranger mener le djihad. Les derniers attentats ont été commis par des gens qui ont répondu à des appels au meurtre sur les réseaux sociaux et qui passent à l’action en faisant allégeance à Daech d’une manière ou d’une autre, mais de façon à ce que Daech puisse ensuite revendiquer l’action, bien qu’en termes de logistique et de préparation, l’organisation ne soit par intervenue directement. C’est l’attentat de Nice, les attaques au couteau. Il est évident qu’il y a eu, suivant les attentats de 2015, il y a eu une montée des inquiétudes beaucoup plus importantes au sein de la population française, parce que les méthodes étaient celles de commandos extrêmement préparés, et que les images de guerre en plein Paris tournaient sur les chaînes de télévision.

François Kraus : C’est à partir du moment où le terrorisme de masse a touché la France, c’est-à-dire à partir de janvier 2015 que le sentiment d’une menace très élevée a vraiment surgi. Auparavant, la menace était ressentie, notamment depuis 2012 avec l’affaire Merah, mais elle n’avait pas atteint ce stade de 2015. En une semaine en janvier 2015, le sentiment d’une menace très élevée est passé de 18% des sondés à 49% des sondés. Après cette période, on était dans des seuils très élevés jusqu’à novembre 2017 où il y a eu décroissance.

Comment expliquer que la perception d’une menace élevée soit de moins en moins importante ?

François Kraus : Depuis les attentats de Nice, la nature de la menace a changé. C’est l’amateurisme qui semble réunir toutes les attaques terroristes qui ont lieu à partir de ce moment-là. Les attaques au couteau, à Paris ou à Villeurbanne, les attentats ratés, donnent le sentiment que la menace de masse, que le terrorisme armé et organisé est de moins en moins présent. Depuis l’attentat de juillet 2016, on est sur une baisse lente mais qui semble constante de ce sentiment de la menace.

Alain Rodier : Il y a deux grandes organisations qui organisent le terrorisme islamiste : Al-Qaida et Daech de l’autre. Ces deux organisations ont d’autres soucis à l’heure actuelle que déclencher des opérations commanditées en Europe et en Occident. Al-Qaida s’en était rendu compte avant, Daech un peu après : quand un attentat est déclenché en Occident, il y a forcément une réaction. En fin de compte, à terme, le bénéfice est discutable. Si cela marque les opinions publiques sur le coup, cela ne renverse par les gouvernements, cela ne provoque pas de révoltes intérieures, mais cela provoque ces pays qui réagissent et qui essaient de neutraliser la menace à la base. Donc, sans crier victoire (bien au contraire, parce qu’Al-Qaida et Daech sont encore extrêmement actifs), il n’est pas de leur intérêt de déclencher une opération d’envergure en Occident. Cela explique qu’on soit dans une période de danger intérieur : cela n’exclue pas d’une initiative individuelle. Il ne s’agit pas de loups solitaires, parce que les nouveaux terroristes appartiennent à un environnement qui les prépare à l’acte terroriste. Nous risquons toujours d’avoir des actions de groupuscules isolés qui agissent à leur initiative en suivant les ordres passés sur internet. C’est ce qui explique que la menace soit perçue de manière totalement différente.

Est-ce que ce phénomène a des conséquences politiques ? Lesquelles ?

François Kraus : Dans l’opinion, ce genre de sentiment de menace est souvent en faveur du parti de l’ordre et favorise donc la droite, républicaine ou non. La droite peut donc profiter de ce genre de sentiments de menace élevée dans la mesure où c’est elle qui met en avant des dispositifs judiciaires, législatifs et policiers qui luttent contre le terrorisme. A l’inverse, les soutiens de la gauche, au nom de la défense des droits de l’homme et des libertés individuelles, sont plutôt hostiles à tout dispositif contraignant les libertés en faveur d’une surveillance des terroristes islamistes. C’est un clivage qui a beaucoup compté, notamment après Charlie. Après le 13 novembre, le débat était un peu moins fort. Mais aujourd’hui, depuis que la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme de 2017, qui a mis fin à l’état d’urgence en mettant un certain nombre de dispositifs administratifs pour lutter contre le terrorisme, il y a moins de débat politique. Les grands médias traitent de moins en moins la question du terrorisme en France si ce n’est sous une forme de faits divers, où sont mis en avant le caractère psychiatrique ou le destin individuel qui serait à l’origine du terrorisme. C’est ce qui s’est passé après Villeurbanne, l’acte n’ayant pas été présenté par les terroristes et les médias comme un acte de terrorisme.

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