Pourquoi il ne faut pas s’inquiéter de la violence des jeux vidéos<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Société
Pourquoi il ne faut pas s’inquiéter de la violence des jeux vidéos
©INA FASSBENDER / AFP

Cible facile

Les jeux vidéos sont souvent critiqués et pointés du doigt pour le niveau de violence dans certains titres.

Julian Alvarez

Julian Alvarez

Julian Alvarez est Docteur en science de l'information et de la communication.

Il est responsable développement/recherche Serious game/Jeu vidéo à la CCI Grand Hainaut/Supinfocomgroup.

Julian Alvarez est chercheur associé au laboratoire CIREL - Trigone (Université de Lille) et chercheur TIC/TICE (Serious game) à Ludoscience.

Voir la bio »

Atlantico.fr : Suite aux fusillades de masse au Texas et dans l'Ohio, Donald Trump a imputé les violences commises dans la société à celles des jeux vidéos  Existe-t-il des preuves scientifiques du lien entre les violences dans la société et celles des jeux vidéos ?

Julian Alvarez : Non, il n'y a aucune preuve scientifique qui montre le lien de cause à effet. Ce qu'il faut savoir, c'est que quand vous jouez à un jeu vidéo, vous n'êtes pas en train de faire un acte violent; vous êtes dans la représentation de la violence. Il y a une grosse nuance. Il y a un cap entre faire du mal à quelqu'un et jouer à un jeu dans lequel vous avez une illustration de la violence qui est faite à travers des représentations graphiques, par le fait d'incarner un avatar, etc. Donc ce n'est pas du tout deux choses qui sont à mettre sur le même plan. 

Il y a beaucoup d'études qui existent, mais qui prouvent plutôt le contraire; c'est-à-dire qu'il n'y a pas de lien de cause à effet. Ce qui existe aujourd'hui éventuellement, c'est de montrer que quand on a joué à un jeu vidéo avec une violence, sur la thématique de la violence, qui convoque la violence dans le jeu, vous pouvez éventuellement être énervé après avoir joué pendant une dizaine de minutes, mais ça ne va pas au-delà.

Plutôt qu'un levier à violences gratuites, les jeux vidéos ne nous permettent-ils pas au contraire de canaliser notre violence en faisant office de catharsis ?

Tout à fait. Le jeu permet de braver des interdits, de faire des choses qu'on ne peut pas faire dans la société, donc en fait ça joue effectivement le rôle d'exutoire. Mais ça reste de toutes façons symbolique, puisque même si vous avez l'impression de le faire, ça reste toujours pour de faux.

Ce rapprochement systématique opéré entre les violences dans la société et dans les jeux vidéos ne tend-il pas plutôt à occulter facilement des problèmes plus profonds ? 

Bien sur. C'est des raisons politique qui sont invoquées par certains présidents Nord-Américains. Ce n'est pas que Trump, il y en a eu d'autres avant lui. Bush avait fait la même chose. C'est l'argument facile qui permet de ne pas affronter le problème de fond qui est le port d'arme, le deuxième amendement et le lobby que représente la NRA. C'est évident. Et puis après, ce qu'il faudrait étudier si on a de la violence, ce sont les facteurs. Un film traite un peu le sujet, c'est Gus Van Sant qui avait fait un film, Elephant, il y a quelques années de ça, qui montrait très bien qu'il y avait plein de paramètres qui devaient rentrer en ligne de compte, comme par exemple des enfants qui étaient désœuvrés, livrés à eux-même, qui pouvaient très facilement acheter des armes sur internet, des enfants qui écoutaient aussi bien du hard rock que du full métal, qui regardaient des films violents, des documentaires sur le nazisme...

Il interrogeait toutes les sources éventuelles : la maltraitance... Il y a tellement de paramètres, donc quand on creuse un peu la question, on voit bien que le jeux vidéo, c'est vraiment un argument très très simpliste en fait, et qui dessert à la fois celui qui le dit, qui dessert aussi les directeurs potentiels qui sont pris pour des imbéciles. En France vous avez quasiment 90% des gens qui jouent à des jeux vidéos. Donc aujourd'hui ça devient presque contre-productif. On tape dans les loisirs de la masse électorale. En plus, les acteurs qui sont dans le jeu vidéo aujourd'hui sont très virulents quand les arguments qui sont donnés ne sont pas fondés ou sont amenés par un journaliste par exemple qui n'a pas pris le temps de regarder les sources, n'a pas pris le temps d'étudier la question.

Ce qu'il faut savoir aussi c'est qu'aujourd'hui par exemple, la télévision est en train de perdre des parts de marché énormes auprès des jeunes, et pendant longtemps l'argument a été de dire "ils migrent vers le jeu vidéo", donc il faut "torpiller" ça, alors qu'en fait, c'est plutôt de la consommation internet, les séries... Netflix aussi est une nouveauté qui faisait sourire il y a quelques années, alors qu'aujourd'hui les cartes sont complètement chamboulées. On voit que finalement, tous ces arguments n'ont pas beaucoup de choc, et  que l'article que vous écrivez est un article de plus qui montre que la violence par les jeux vidéos n'est pas justifiée. Après, si un jour quelqu'un prouve par A + B que ça rend violent, je crois que ça va attiser la curiosité de beaucoup de chercheurs parce que pour le moment, on a pas vu ce genre de chose en laboratoire ou dans nos expériences. 

Les nouveaux enjeux de notre époques vont-ils influer sur les scénarios des jeux vidéos ?

Oui, ça c'est de longue date. Il y a déjà des jeux vidéos qui portent des thématiques de cet ordre là. Vous avez par exemple dès les années 70, lorsqu'il y a eu l'affaire du Watergate, un jeu d'arcade qui était sorti sur cette thématique là; c'était en 1972. Donc l'approche n'est pas nouvelle : dès qu'il y a une activité de fond qui bouleverse un peu la société, vous avez automatiquement des jeux qui vont traiter de cette thématique là.

Par exemple, des jeux sur la chasse à la baleine, des jeux qui ont été fait par la fondation Ushuaïa, un jeu sur PC sur les narco-trafiquants, sur les braconniers d'animaux, tout ce qui touche à l'environnement de près ou de loin a déjà été traité et continuera d'être traité. Et puis on a remarqué aussi un phénomène, c'est que dès que vous avez un phénomène d'actualité très forte, en général apparaissent très rapidement des petits jeux sur internet qui traient du sujet. Par exemple, le coup de tête de Zidane a fait le support de certains jeux qui ont traité du sujet, l'affaire de la stagiaire au temps de Bill Clinton avait fait aussi l'objet d'un jeu... Dès que vous avez quelque chose de croustillant, ça fait tout de suite ou rapidement l'objet d'un jeu.

Propos recueillis par Aliénor Barrière

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !