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Crise de foie, 5 fruits et légumes : petit inventaire de ces fausses idées reçues en nutrition
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Grosses taches

Beaucoup d'idées reçues circulent sur la nutrition. Démêlons le vrai du faux avec quelques exemples. 2ème partie.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Il y a beaucoup d'idées reçues qui circulent concernant la nutrition et c'est en même temps un sujet qui préoccupe beaucoup les Français. Qu'en est-il vraiment ? Quelques exemples : 

Alors que l'on recommande de manger cinq fruits et légumes par jour, beaucoup pensent que les fruits et légumes crus ou cuits, c'est du pareil au même concernant leur valeur nutritionnelle. Est-ce bien le cas ?

Stéphane Gayet : Il est évident que le goût des fruits et légumes se modifie radicalement à la cuisson. Par ailleurs, certains fruits ne supportent pas bien la cuisson (avocat, mangue…), tandis que certains légumes ne sont pas tellement mangeables s'ils sont crus (courgette, aubergine, haricot, potiron…) et c'est aussi le cas en général des tubercules (pomme de terre…).

Mais il n'en reste pas moins vrai qu'on a le choix pour un bon nombre de fruits et légumes.

La cuisson des fruits et légumes les transforme en réalité de façon conséquente. Les fruits et légumes contiennent un bon nombre de substances très utiles. Il y a déjà les vitamines et les sels minéraux. La cuisson dénature d'une façon importante les premières et élimine plus ou moins les seconds. Plus elle est longue et plus la perte de vitamines et de sels minéraux est élevée. Ainsi, la cuisson prolongée des légumes à l’eau bouillante peut entraîner des pertes allant jusqu’à 40 %. Mieux vaut donc les cuire assez rapidement (autocuiseur, cuisson à la vapeur). Avec une cuisson à l'eau, beaucoup de substances utiles à l'organisme partent dans l'eau de cuisson ; d'où l'idée de récupérer cette dernière et de l'utiliser (bouillon…).

Les végétaux (fruits et légumes) sont riches en cellulose, le constituant fondamental des cellules végétales. C'est une grosse molécule qui est un polymère du glucose. La cellulose forme des fibres (coton, chanvre, lin, papier…). Elle ne peut pas être digérée par l'appareil digestif de l'Homme. Dans l'intestin, les fibres de cellulose sont un prébiotique : elles transitent sans pouvoir être digérées, mais servent de substrat à la prolifération bactérienne (cela a de bons côtés, concernant le transit et le microbiote intestinal ; mais aussi de moins bons côtés, en provoquant des ballonnements et par voie de conséquence des émissions de gaz). Or, la cuisson scinde les chaînes de cellulose et peut même les décomposer complètement, au point de la rendre assimilable ; mais il est évident que dans ce cas, l'effet prébiotique n'existe plus.

Il faut encore ajouter que la cuisson améliore la composition de certains fruits et légumes : c'est l'exemple caractéristique du lycopène de la tomate ; ce caroténoïde, possédant des vertus antioxydantes, est nettement plus biodisponible quand la tomate est cuite.

On voit donc l'intérêt d'alterner, avec les fruits et légumes, la consommation à l'état cru et celle après cuisson (mais dans la mesure du possible pas trop longue).

On entend parfois dire que certains aliments comme le chocolat et les œufs sont « lourds pour le foie » et qu'en consommer beaucoup peut faire mal au foie, jusqu'à parfois donner une « crise de foie ». De quoi s'agit-il exactement ?

La notion de « crise de foie » est un mythe, curieusement typiquement français (cette notion n'existe pas dans les cultures anglaise, hollandaise, allemande ni même américaine). Le foie, contrairement à une opinion couramment admise, ne sert pas à la digestion : il intervient quand la digestion est terminée, pour passer au crible et traiter son résultat (nutriments), ainsi que modifier les substances toxiques (alcool…) ou suspectes (antigènes…) passées dans le sang depuis l'intestin.

Le foie ne fait pas mal, sauf lorsqu'il augmente rapidement de volume, ce qui est rare et n'est généralement pas d'origine alimentaire. En revanche, la vésicule biliaire et les voies biliaires peuvent être douloureuses. Cela peut survenir quand un calcul biliaire s'est formé et migre. Cela peut aussi arriver quand on ingère une grande quantité de graisses concentrées, car la bile est nécessaire pour digérer les matières grasses. Ainsi, une crise de « colique hépatique » (expression médicale) n'est pas une crise de foie, mais une crise « de bile » (le terme colique signifie violente douleur qui est liée à des spasmes) : elle peut survenir après avoir ingéré et de façon concentrée une grande quantité de corps gras (ou bien également, en cas de migration d'un calcul dans les voies biliaires).

Cela peut arriver lors de la consommation de certaines préparations très grasses à base de chocolat (desserts). Quant aux œufs, ils ne sont pas gras à proprement parler : le jaune d'œuf est très riche en cholestérol, mais il est impropre de classer ce dernier parmi les graisses que sont surtout les acides gras, seuls ou combinés par trois à du glycérol (triglycérides). Car le cholestérol est en réalité un stérol, c'est-à-dire un alcool solide. Par conséquent, s'il arrive qu'un aliment à base d'œufs soit à l'origine d'une crise de colique hépatique ou plus simplement d'une gêne abdominale post-prandiale (après le repas), ce n'est pas dû aux œufs, mais à la manière de les préparer avec beaucoup de corps gras (beurre…).

Toujours à propos des œufs, c'est l'occasion de rappeler que leur cholestérol (exogène, par définition) n'a qu'une très faible incidence sur la cholestérolémie (concentration du sang en cholestérol) et qu'au contraire le jaune d'œuf est fort riche en caroténoïdes qui sont proches de la vitamine A : ils sont des antioxydants puissants et contribuent à prévenir les maladies cardio-vasculaires, certains cancers et les maladies de l'œil liées à l'âge (cataracte et dégénérescence maculaire liée à l'âge ou DMLA). Il faut donc revoir notre suspicion très exagérée concernant le pouvoir athérogène des œufs qui sont en réalité pauvres en graisses saturées (les vraies graisses dangereuses).

Parmi les arguments des partisans du régime végétarien, on dit qu'il y a d'un côté les graisses animales saturées qui sont toxiques et de l'autre les graisses végétales insaturées qui sont bonnes pour la santé. Cette distinction est-elle toujours fondée ?

Il est vrai que les graisses saturées sont les plus athérogènes (elles favorisent la formation d'athérome, processus de base du vieillissement artériel pathologique qui entraîne un durcissement et un rétrécissement des artères).

En revanche, toutes les graisses animales ne sont pas saturées : par exemple, la graisse d’oie et celle de canard font partie des graisses essentiellement peu ou pas saturées ; de la même façon, les graisses des poissons gras (hareng, maquereau) et les huiles de poisson (foie de morue) sont d'autres sources d’acides gras peu ou pas saturés, donc bénéfiques.

Mais il n'en reste pas moins vrai que beaucoup de graisses animales sont saturées : par exemple, le gras de l'entrecôte de bœuf ou celui des côtes de mouton…

Par ailleurs, toutes les graisses végétales ne sont pas insaturées : par exemple, les graisses de palme (elles contiennent de l'acide palmitique et de l'acide stéarique : huile de palme), ainsi que les graisses de coprah (elles proviennent de la noix de coco et sont à la base de la VEGETALINE originelle) sont des graisses saturées et donc non recommandables.

Mais il faut reconnaître que beaucoup de graisses végétales sont insaturées.

C'est aussi l'occasion de rappeler que l'on ne peut pas se passer de corps gras. Les graisses ou lipides sont les nutriments les plus énergétiques (9 kilocalories par gramme), pratiquement indispensables par exemple quand il fait très froid.

Par ailleurs, les lipides sont indispensables à la synthèse et l’entretien de certains constituants de nos cellules (c'est le cas des membranes cellulaires et du tissu nerveux en général, dont les cellules cérébrales) : c'est dire toute leur importance au cours de la croissance, pour développement du système nerveux des enfants. Ils sont également nécessaires à la synthèse d'autres molécules indispensables au bon fonctionnement du corps. De plus, les lipides véhiculent dans l’organisme des vitamines dites liposolubles (vitamines A, D, E et K). On peut enfin ajouter que le tissu adipeux a une importante fonction de réserve énergétique - dont l’organisme peut disposer en cas de besoin : la lipolyse ou dégradation du tissu adipeux peut produire du glucose -, ainsi qu'une fonction de protection (aux points d'appui notamment) et d'emballage protecteur des organes qui sont tous entourés de graisse.

On considère ainsi aujourd'hui que l'apport de lipides doit représenter entre 30 et 35 % de l'apport énergétique quotidien global. Nous ne pouvons donc pas vivre sans manger de graisses ; mais il nous appartient de les choisir avec discernement et de les consommer avec une certaine modération, de façon à préserver au mieux notre capital santé.

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