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Argentine, Hong Kong… et après ?
©EMMANUEL DUNAND / AFP

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Phénomènes d’écho dans les « grands marchés » mi-août ? Ou signes avant-coureurs d’un ralentissement général en septembre, ou pire ?

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Donald Trump est inquiet devant la chute du Dow Jones, en réponse à l’escalade des tensions avec la Chine. Il n’attend pas que cette dernière « cède » à ses nouvelles hausses, prévues en septembre, et décide de les reporter en décembre. La bourse américaine se remet un peu, mais elle est secouée… Et la production industrielle américaine vient de baisser de 0,2% en juin, puis la consommation s’avère meilleure, mais les constructions neuves baissent de 4% en juillet et la confiance des consommateurs replonge à son niveau de janvier ! Bref la rentrée sera inquiète et fragile : tous les chocs d’août vont peser.

Extrême nervosité : c’est le message, le lundi 12 août, de la bourse de Buenos Aires. L’indice MERVAL passe à 27 530 contre 44 355 le vendredi précédent. C’est une chute record, par son ampleur et sa violence. C’est même la deuxième plus forte baisse sur un jour d’une bourse, parmi les 94 que suit Bloomberg depuis 1950 ! Elle la ramène à son niveau de l’an dernier et efface en quelques heures toute la montée qu’avaient fait naître le Président Macri, plus les crédits du FMI. Sa défaite électorale, par plus de 16,5% contre Alberto Fernandez, l’ancien Vice-Président de la Présidente Cristina Kirchner, qui se présente d’ailleurs en tant que Vice-Présidente (alors qu’elle est en procès pour corruption), fait penser que l’ancienne équipe va revenir au pouvoir. Les craintes sur la solvabilité du pays se rallument. Le peso argentin perd 13% le mardi 13 août (et 43% sur un an). Depuis, un léger mieux succède à la panique, mais très léger.

Puis c’est le message d’inquiétude qui vient de la bourse de Hong Kong (Hang Seng) : elle continue sa glissade devant les manifestations et les menaces chinoises. L’indice atteint 25 300, pas très loin de son point bas de fin 2018 : oublié le 30 000 d’avril ! Les arrestations, jugements et licenciements vont-ils suffire à ramener le calme, aux yeux des dirigeants de Pékin ? Devant une intervention militaire, ils mesurent les risques qui pèsent sur son marché financier et le message négatif envoyé au monde, notamment émergent, alors qu'ils veulent partout étendre les douces « Routes de la soie ». Dans l’esprit des dirigeants, Hong Kong devrait remplacer New-York, à la fois pour se déprendre de l’influence américaine, et pour financer l’Asie avec ces fameuses routes. Donc Pékin ronge son frein et fait savoir que des troupes sont à Shenzhen, en face. Comme une intervention armée serait politiquement, financièrement et économiquement catastrophique, Pékin préfère amadouer la population par des aides. Les marchés s’interrogent sur cette nouvelle suavité, par rapport à Hong Kong bien sûr, par rapport aux futurs débats Xi-Trump plus encore.

Alors les taux américains à trente ans passent le 14 août à 1,98% au-dessous de 2% : c’est leur minimum historique. C’est là l’illustration d’une usure, sinon d’une crainte, majeure. Toutes les grandes bourses baissent, puis se reprennent un peu. Il est clair pour les marchés financiers que Donald Trump « marche au Dow Jones » : il est « dur » quand il monte, « mollit » quand il baisse. Mais est-ce une bonne démarche ?

Tous ces mouvements en sens inverse, politiques, douaniers, militaires, boursiers, pèsent en effet : la tension sino-américaine creuse le ralentissement mondial, qui peut conduire à la récession américaine, puis mondiale.

Devant l’incertitude qui s’accumule, les taux courts vont baisser, aux États-Unis en septembre, contrairement à ce que Jerome Powell, le patron de la Banque centrale américaine, avait annoncé. Il croyait qu’il aurait plus de temps ! Est-ce que ce sera suffisant ? Il faudra qu’il soit (plus) convaincant le 18 septembre. Et les autres banques centrales vont suivre. En effet, les taux des bons du trésor à 10 ans, partout en baisse, appelant à de nouvelles baisses des taux courts. Ils sont à 1,5% aux États-Unis, -0,7% en Allemagne, -0,4% en France. Les États-Unis montrent la voie des inquiétudes, avec une inversion de la courbe des taux (taux courts inférieurs aux taux longs) à -0,6%, pire qu’en mars 2007 !

Ces taux courts qui vont baisser vont affaiblir les banques, comme le montrent leurs cours boursiers. En zone euro, c’est un massacre : une action Deutsche Bank cote actuellement 6 euro, contre 107 en 2009, une action BNP 39 contre 88, Société Générale 21 contre 146, BBVA 5 contre 19 et Santander 4 contre 14 (après l’Argentine, qui n’a pas aidé). Ne parlons pas d’UniCredit, la première banque italienne, à 9 contre 377. Les banques centrales veulent continuer leurs politiques de taux bas pour faire repartir l’économie, et l’inflation, en dissuadant d’épargner et en poussant à invertir. Jusqu’où ? Et quand la BCE souligne l’intérêt de gains de productivité bancaire pour qu’elles baissent plus aisément leurs taux aux clients, cela implique qu’elles réduisent leurs réseaux et se concentrent. Mais quelle banque va vouloir en acheter une autre ?

Les taux longs vont devenir plus négatifs encore dans les pays jugés sûrs et sans croissance (Japon, Allemagne, France) et aller vers 1,5% aux États-Unis. Mais qui achètera ces bons du trésor ?

Et si les épargnants veulent rester liquides, que faire ? Viendra-t-il un temps où les banques factureront leurs dépôts en compte courant ou les paieront pour qu’ils s’endettent (avec des taux négatifs au logement) ? Rabotés en silence, vont-ils tomber amoureux des pays émergents (!), ou se ruer vers la bourse, qui verse au moins des dividendes ? Dans la crise actuelle en effet, les entreprises sont généreuses : les dividendes « tiennent » leurs cours ! Alors : aller près du Dow Jones chéri de Donald Trump ou vers l’or ? Attention : ça va secouer !

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