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Réorganisation de la droite : cette impasse idéologique et politique qui consiste à s'appuyer uniquement sur les élus locaux
©LUDOVIC MARIN / AFP

Terrain miné

Dans le JDD ce dimanche, François Baroin est revenu sur la mort du maire de Signes. Il a appelé l'Etat à protéger davantage les maires et à leur laisser plus de marge de manœuvre.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico : Retisser le lien avec les maires de France et les élus locaux n'est pas seulement une nécessitée exprimée par le président de l'AMF, c'est aussi la stratégie de la droite. Gérard Larcher et Christian Jacob cherchent tous deux à reconstruire LR grâce à l'aide des élus locaux et en partant du terrain. Si les maires, par exemple, se sentent de plus en plus abandonnés par l'Etat, ils sont également un certain nombre à avoir rejoint En Marche. Dans un premier temps, faire appel à leur aide pour réinventer LR n'est-il donc pas une stratégie risquée ?

Edouard Husson : Les propos tenus par François Baroin sont sincères en même temps qu’ils sont au fond décalés. Le décès du maire de Signes est un symptôme de quelque chose de bien plus grave. Il aurait pu se passer à une autre époque, sans doute, dans les circonstances telles qu’elles nous ont été rapportées. Mais nous sommes en 2019; comme le reconnaît François Baroin, on a affaire à une gigantesque crise de l’autorité. Et le décès de M. Michel a pour écho les centaines d’agressions de divers type, en augmentation constante, contre les maires et leurs adjoints. Le problème, ce ne sont pas les maires: le poisson a d’abord pourri par la tête. Il y a un lent affaissement de l’autorité de l’Etat, encouragé cyniquement par François Mitterrand, pratiqué sans états d’âme par Jacques Chirac et, contrairement à ce qu’il avait laissé espérer, non enrayé par Nicolas Sarkozy. Hollande et Macron sont des pilotes dotés d’un gouvernail bloqué. Ils donnent de la voix, font les gestes mais ils sont bien incapables de faire virer de bord le bateau. Et cela se sait jusque dans les soutes où les représentants du capitaine ne sont plus pris au sérieux. Aborder la reconquête de l’opinion par en bas, à l’échelon du maire comme entreprennent de le faire Larcher ou Jacob, c’est regarder la crise française par le petit bout de la lorgnette. 

Si selon François Baroin "la bataille d'opinion a été gagnée" et "le maire a été replacé au coeur du pacte républicain", une part de défiance envers les élus locaux demeure toujours au sein de la population française. En ce sens, en misant principalement sur le local, la droite ne se trouve-t-elle pas dans une impasse ? 

Insoutenable légèreté des modérés ! La France brûle de toutes parts et nous avons droit à de la communication de vieux routier de la République des notables. Ici il faut faire attention à un point: la mise en cause des maires n’est pas, comme dans le cas de la police, le résultat d’abus de pouvoir. Il s’agit, pour l’essentiel, d’un refus de l’autorité au plan local. Baroin fait comme si les maires avaient à se justifier; alors qu’ils sont, la plupart du temps, dans la même situation que les pompiers: ils viennent éteindre des incendies et se font caillasser. Penser que le président de la République, qui passe ses vacances à 60 kilomètres de Signes, ne s’est pas déplacé pour l’enterrement de Monsieur Michel ! Il s’est contenté de faire lire une lettre par l’un de ses ministres. Mais, si Baroin, Larcher, Jacob, étaient autre chose que des notables, ils auraient interpelé vivement M. Macron ! Depuis plus d’un an, la vie publique française, qui est bonne fille, ne cesse de livrer sur un plateau, des occasions d’attaquer frontalement le gouvernement: Affaire Benalla, crise des Gilets Jaunes, affaire Alstom, euthanasie de Vincent Lambert, mort de Steve à l’issue d’une charge policière. Et nos modérés de prendre des gants, systématiquement ! 

Enfin, après plusieurs défaites électorales majeurs , miser principalement sur "la proximité du terrain" comme compte le faire Christian Jacob n'est-il pas une stratégie trop légère ? Avec une électorat qui semble prendre la fuite vers LREM ou le RN, une refonte complète de LR ne serait-elle plus payante ?

La République, c’est-à-dire l’Etat, se meurt de l’absence de vie démocratique. La vie démocratique consiste entre un affrontement permanent, et sain, entre une majorité et une opposition. Si cet affrontement, qui mime la guerre civile pour mieux l’éviter, n’a plus lieu, alors les forces de dislocation sociale l’emportent. La démocratie, c’est un peu comme les combats singuliers dans L’Iliade: des armées se choisissent des champions et s’affrontent par procuration. Regardez le parlement britannique, qui a gardé une disposition des sièges propre à mettre en scène le combat de la majorité et de l’opposition !  Les électeurs sont de plus en plus nombreux à quitter les Républicains car ils ne voient aucun champion, aucun collectif prêt à défier Emmanuel Macron. Les violences qui se multiplient, comme celles qui ont eu lieu après les matchs de l’Algérie avec, symbole terrible, le déboulonnage d’une statue du Général de Gaulle, devraient être l’occasion d’un discours engagé sur l’immigration, la sécurité publique, le mépris de l’histoire entretenu par Emmanuel Macron. Après tout, c’est le maire d’Evreux qui avait fait installer cette statue le 18 juin 2019 ! Quelle plus belle manière de relier le maire à la nation et son histoire que d’interpeler le président de la République sur son silence après cet acte sacrilège qui s’est déroulé un vendredi soir au vu et su de tous - regardez les vidéos, cela se passe sur la place de l’Hôtel de Ville ! C’était l’occasion de montrer, quand on est LR et - théoriquement - un héritier du gaullisme politique, qu’on allait au coeur des choses, que l’échelon municipal et l’échelon national étaient intimement liés. Eh bien, qu’avons-nous entendu? Quelques déclarations indignées mais aucune mise en cause du silence du président de la République ou des médias. Nous avons affaire à un président qui méprise la vie politique locale et considère que l’histoire de France n’est pas son passé. Qu’en font les élus LR? Rien ! 

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