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1676 : Quand le lieutenant-général Gabriel Nicolas de La Reynie se montrait trop efficace et démasquait Madame de Montespan
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Bonnes feuilles

Les éditions l'Archipel publient Étonnantes histoires de l'Histoire d'Amélie de Bourbon Parme. Extrait 1/2.

Amélie de Bourbon Parme

Amélie de Bourbon Parme

Amélie de Bourbon Parme est journaliste et écrivain.

Docteur en histoire, responsable de collection chez Plon, directrice conseil chez EuroRSCG, elle a écrit deux romans historiques consacrés à deux de ses ancêtres.

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Assis derrière son bureau, à l’étage de l’hôtel particulier qu’il occupe, près du Palais-Royal, Gabriel Nicolas de La Reynie, lieutenant-général de la police de Paris, surveille les allées et venues de ses espions, archers, mouches et ins‑ pecteurs missionnés pour sécuriser le quartier Saint-Denis. Le 26 novembre 1679, il a préféré s’installer loin du Palais de justice, se fondre dans la ville pour mieux y débusquer les hors-la-loi. Avoir démantelé, en ouvrant une brèche dans le mur d’enceinte de Charles V, quartier Saint-Denis, la « cour des miracles », qui fourmillait de faux estropiés, aveugles, boiteux et paralytiques, a été son plus haut fait d’armes depuis que Colbert a créé pour lui cette charge policière, il y a douze ans. Il est fier de s’être imposé auprès du gou‑ verneur, du Parlement et du prévôt des Marchands. D’avoir rétabli l’autorité royale à Paris, dans l’une des villes les plus peuplées d’Europe, avec cinq cent mille habitants, dont il s’agit d’assurer la sécurité et pour lesquels il faut assainir l’environnement. Il se félicite chaque jour d’avoir créé le corps des commissaires, répartis sur dix-sept quartiers de Paris. L’efficacité de cette nouvelle organisation est telle que ses adjoints révèlent tous les jours des affaires. Il ne s’agit plus aujourd’hui de nettoyer la ville des vide-goussets à l’aide d’une police de chasse-coquins, mais de démanteler un réseau tentaculaire d’empoisonneurs et d’empoisonneuses.

Gabriel Nicolas de La Reynie suit une à une les étapes de cette affaire avec une certaine anxiété. Pas un soir ne se passe sans que son adjoint ne vienne lui donner le nom d’une nouvelle personne compromise dans ce dossier à tiroirs.

Gabriel Nicolas entend frapper à la porte, selon un rituel bien établi depuis quelques mois entre l’inspecteur Desgrez et lui.

— Entre ! dit-il.

Comme chaque soir, son fidèle collaborateur doit lui rendre compte de ses avancées. Il est âgé d’à peine trente ans, mais a déjà un air pour repérer des assassins dans des couvents. C’est lui qui a retrouvé la marquise de Brinvilliers, en fuite à Liège, trois ans plus tôt. L’histoire de cette femme, convaincue d’avoir empoisonné son père et ses deux frères, a fait grand bruit dans Paris.

Le jeune homme, l’allure légère, s’avance vers le lieutenantgénéral.

— Je crois que nous tenons quelque chose d’extraor‑ dinaire ! s’exclame-t‑il comme s’il venait de découvrir un trésor. On a trouvé pas moins de quarante-sept paquets de poison chez la Voisin.

La Reynie fronce les sourcils. Les lettres de cachet n’en finissent pas de pleuvoir, les arrestations se succèdent, les pendaisons et les bûchers se multiplient. Chaque jour, une nouvelle officine de miséreux est « logée », des attirails de distillation, des fourneaux, des alambics sont mis sous scellés. Des personnes de qualité, y compris à la Cour, mais aussi des prêtres sont compromis. On dirait que tout le monde, à Paris, veut supprimer ses parents pour en récupérer l’héri‑ tage grâce à ce poison lent baptisé « poudre de succession ».

— Que t’a-t‑elle dit lors de son audition ? demande La Reynie, saisissant les procès-verbaux que lui tend son ins‑ pecteur, à propos de Catherine Deshayes, surnommée « la Voisin », qui jouerait un rôle clé dans cette affaire.

— Elle cite des personnes connues, proches de la Cour. Elle aurait ou aurait eu comme clientes régulières la com‑ tesse de Soissons, la duchesse de Vivonne pour des messes noires, ou la vicomtesse de Polignac, le marquis de Cessac…

— Cette affaire ne me dit rien qui vaille, murmure La Reynie en parcourant les feuillets avec fébrilité.

Son expérience des bas-fonds lui a appris qu’ils recèlent des surprises parfois plus dangereuses encore que les gens qui les peuplent, comme si la mauvaise engeance, rien qu’en se côtoyant, démultipliait les crimes et les périls.

— Ne m’avez-vous pas donné carte blanche ? lance François Desgrez. Voulez-vous que je cesse cette investi‑ gation ?

La Reynie ne répond pas tout de suite, en réfléchissant aux états de service de ces devineresses, tireuses de cartes, avorteuses ou maquerelles, qui proposent toute une gamme de sortilèges, du philtre d’amour aux messes noires.

— Non. Les faits que tu décris sont trop graves. Et qui sait si la vie du roi ne sera pas menacée par l’une de ces poudres.

La Voisin est jugée et brûlée vive le 22 février 1680, non sans avoir emporté avec elle quelques secrets. La Reynie enfile alors son costume de procureur et entend la fille de la Voisin, qui semble très au fait des activités maternelles en relation avec des membres de l’entourage du roi.

— Que portait votre mère au château de Saint-Germain ? demande-t‑il, curieux.

— Des poudres pour l’amour.

— À qui étaient-elles destinées ?

— Au roi.

— Qui les commandait ? 

— Mme de Montespan.

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