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Ces guerres et insurrections qui viennent
©REUTERS/Danish Ismail

Conflits

Dans la chaleur et l’insouciance de l’été, les événements sont en train, non de se précipiter, mais de se mettre en place pour le déclenchement de nouvelles guerres et/ou insurrections. Notamment dans le détroit d'Ormuz, où la situation devient critique en Washington et Téhéran.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Dans la chaleur et l’insouciance de l’été, les évènements sont en train, non de se précipiter, mais de se mettre en place pour le déclenchement de nouvelles guerres et/ou insurrections.

La situation devient critique dans le détroit d’Ormuz, le régime iranien répond à la politique de pression maximum menée par les États-Unis par des provocations maritimes sans parler de la reprise de ses activités nucléaires. En théorie, Washington veut pousser le peuple iranien à la révolte contre ses dirigeants - tout simplement en l’affamant, vieille technique employée à de multiples reprises dans le passé par les États-Unis comme à Cuba, en Irak, en Russie, en Syrie…-. Dans le domaine de la propagande, Asmar el-Assad, l'épouse de Bachar (pour ceux qui l'ignorent, elle est originaire d'une grande famille syrienne sunnite, elle-même diplômée du Queen puis du King's college britanniques; elle a la double nationalité britannique et syrienne) qui était soignée pour un cancer à Damas a affirmé être guérie et démontrer ainsi que le système de santé local fonctionne malgré les sanctions. Ce n'est peut-être pas tout à fait vrai puisque des responsables du régime souhaitaient être traités à Beyrouth mais ont évité de s'y rendre pour ne pas être arrêtés puis extradés pour crimes contre l'Humanité.  Les dirigeants iraniens maintenant, tous unis ("réformateurs" et "conservateurs" si ces mots ont vraiment un sens en Iran) contre l’hostilité proclamée parl’administration Trump et consacrée par la prise de sanctions à l'égard du ministre des Affaire étrangères, Mohammad Javad Zarif, fin connaisseur des USA pour y avoir vécu de longues années, semblent vouloir pousser les Américains à aller jusqu’au bout de leur logique. Pour ce faire, ils les excitent afin qu’ils déclenchent les hostilités dont les conséquences sont imprévisibles. Tactiquement parlant, les forces américaines peuvent effectuer des frappes importantes sur l’Iran ayant de nombreuses bases qui encerclent le pays. Globalement, il convient de se rappeler que les Américains entretiennent quelques 800 bases militaires hors territoire national (la base aérienne "Prince Sultan" située au sud de Riyad a été réactivée après seize ans de mise en sommeil) armées d'environ 200 000 hommes et femmes, soit 10% de la totalité des effectifs de la défense US. La capacité de projection américaine est phénoménale avec un total de onze porte-avions et neuf navires d'assaut amphibie (qui peuvent mettre en oeuvre des hélicoptères mais aussi des avions Harrier). Bien sûr, pour des raisons techniques, seulement un tiers de cette flotte pourrait être engagée simultanément mais cette puissance reste hallucinante! Pour revenir à une frappe contre l'Iran, il n’est pas certain qu’Israël participerait à une opération air-sol ne voulant pas donner le prétexte à Téhéran de répliquer par Hezbollah et mouvements palestiniens interposés, mais l'envie doit démanger ses dirigeants politiques.

L'Administration américaine a bien d’autres soucis en perspective. Le président turc, Recep Tayyip Erdoğan a annoncé dimanche le déclenchement d’une opération militaire d’envergure en Syrie à l’est de l’Euphrate clairement dirigée contre les forces kurdes du Parti de l'union démocratique (PYD). Il les considère, fort justement d’ailleurs, comme les "cousins germains" du mouvement séparatiste kurde turc PKK. Le problème est que le PYD est la pièce maîtresse des Forces Démocratiques Syriennes (FDS) qui apportent la légitimité nécessaire à la présence du camp occidental en Syrie orientale via ses forces spéciales. Il n’est pas impossible que les conseillers occidentaux présents au sol dans cette région ne se retrouvent dans une situation extrêmement délicate. Bien qu'Erdoğan soit un habitué des effets de manches (d'ailleurs, dès lundi, une "réunion" était organisée avec les Américains au siège de l'état-major général à Ankara pour parler de la sécurité au nord de la Syrie),des incidents peuvent intervenir à tout moment ce qui serait catastrophique entre pays membres de l’OTAN. Là également, la Turquie peut tactiquement intervenir ayant massé des forces à la frontière depuis des mois (c'est la IIème Armée qui est en première ligne).

Même chez les alliés de Washington dans la zone, tout devient très compliqué. L'embargo du Qatar (qui abrite la base aérienne US/GB d'al-Udeid) menée par l'Arabie saoudite depuis deux ans fait que Washington ne peut trancher entre Riyad et Doha. Entre parenthèses, le Qatar n'autoriserait vraisemblablement pas à ce que des appareils US décollent d'al-Udeid pour aller bombarder l'Iran, pays avec lequel il entretient de bonnes relations commerciales (ce qui est d'ailleurs le principal reproche fait par Riyad). Les Émirats Arabes Unis (EAU) qui suivaient bien docilement Riyad dans la guerre au Yémen fournissant la "piétaille" que l'Arabie saoudite est bien incapable d'aligner (seule son aviation est opérationnelle, mais c'est une affaire de "princes" qui jamais n'iront se salir les rangers au sol) veulent maintenant se désengager trouvant que la situation s'éternise un peu trop après bientôt cinq ans de guerre. D'ailleurs, Riyad qui appelle sans cesse à la guerre contre Téhéran a jugé utile de faire revenir les boys américains sur son territoire (voir plus avant) comme assurance.

Comme si l’on avait besoin de cela, la situation devient délicate au Cachemire indien où les autorités de New Delhi viennent de prier les touristes et les pèlerins d’évacuer la région en raison du risque terroriste qui se serait accru depuis plusieurs semaines. De plus, la constitution de cette région devrait être annulée dans les prochains mois et c'est un véritable état de siège qui semble avoir été instauré. Le Pakistan est désigné comme étant la base de départ de groupes islamistes-séparatistes. Il convient de se souvenir que trois conflits ont déjà éclaté entre ces deux puissances nucléaires en raison de la situation au Cachemire. Il n'est pas exclu que ce véritable coup de force provoqué par New Delhi ne débouche sur des émeutes dans le nord du Cachemire à majorité musulmane.

En Extrême Orient, il n’y a pas encore urgence mais la situation continue à se tendre le jeu de la Chine (avec les manifestations de Hong Kong qui semblent tourner à l’insurrection), de la Corée du Nord (qui multiplie les tirs de missiles pour "riposter" aux manœuvres militaires actuelles sud-coréennes et américaines) et maintenant du Japon vis-à-vis de la Corée du Sud, étant de plus en plus erratiques. Mais les pièces militaires nécessaires à la partie d’échecs qui se joue à l'autre bout du monde sont loin d’être en place pour un début d'affrontement sérieux.

Enfin, Moscou est rendu responsable par le monde occidental emmené par les États-Unis de la fin des accords sur les armes à portées intermédiaires (de 500 à 5.500 kilomètres) mais personne ne se pose la question : pourquoi la Russie menacerait-elle militairement l’Europe alors qu’elle n’a plus d’idéologie à imposer, ce qui n’était bien sûr pas le cas de l’URSS qui elle voulait répandre la bonne parole du marxisme-léninisme ? La Russie entretient neuf bases militaires à l'extérieur (auxquelles il faut rajouter la Crimée non considérée par Moscou comme "extérieure") comparées aux 800 bases US citées en en-tête de cet article. La volonté expansionniste n'est vraisemblablement pas située du côté où l'OTAN la désigne. Par contre, il est vrai que Moscou qui défend d'abord ses propres intérêts - ce qui indigne les intellectuels européens qui ont pour habitude de défendre les intérêts des autres car, sur le fond, il font repentance pour l'action de leurs aïeuls -, tient à exercer une influence à ses marches et utilise les communautés russophones comme prétexte pour parfois se faire menaçant. La Pologne, les Pays Baltes, la Géorgie en savent quelque chose : ces pays voient des "petits bonhommes verts" (style Crimée) et des espions russes partout. 

 En effet, personne ne pose non plus la question : qui veut étendre aujourd’hui une idéologie sinon, d’un côté les salafistes-djihadistes avec leur "islam des origines" et de l’autre les Occidentaux avec les "valeurs universelles" ?

On parle beaucoup de politique d’influence mais ce ne sont ni Moscou ni Pékin (des interrogations subsistent en ce qui concerne Téhéran) qui sont les plus actifs dans ce domaine. Quand ce ne sont pas les responsables politiques qui s’y livrent, le relais est pris par des nombreuses ONG dont les liens avec les services spécialisés sont plus que douteux. Il est d’ailleurs étonnant de constater que les résultats des élections - dans presque tous les pays - sont aujourd’hui toujours remis en question, le gagnant étant systématiquement accusé d’avoir triché ou/et d’avoir été aidé par l’extérieur, etc.

En matière d’insurrection, des groupes se réclamant du mouvement anarchiste sont de plus en plus actifs dans la vieille Europe. Ils semblent vouloir "la révolution pour la révolution" et rencontrent une certaine sympathie dans la partie de la jeunesse qui rejette viscéralement toute autorité. 

Seul espoir, le président Donald Trump n’a qu’un seul souci en tête : sa future réélection et les citoyens américains sont majoritairement hostiles à une nouvelle aventure militaire. Il préfèrera sans doute continuer à utiliser le soft power (qui dans le cas des États-Unis est souvent tout sauf soft) que de passer à une phase plus active... Peut-être que le bon sens triomphera ?

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