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Due Diligence : les enseignements de l’affaire Sonepar
©ERIC PIERMONT / AFP

Tribune

Le 10 juillet dernier, l’équipementier électrique Sonepar a pu enfin respirer. Initialement mise en cause pour manquement dans le cadre de la loi Sapin 2, l’entreprise n’a finalement pas été jugée « non-conforme » par la Commission des sanctions de l’Agence française anticorruption (AFA), évitant une amende importante et, surtout, une atteinte réputationnelle majeure.

Nicolas Kerebel

Nicolas Kerebel

 Nicolas Kerebel, Ingénieur Patrimonial, membre de l'Association Nationale des Conseils Diplômés en Gestion de Patrimoine, et Gérant de K Patrimoine & Finance

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Si l’affaire s’est conclue par une fin heureuse, le premier cas d’enquête de l’AFA n’en est pas moins riche en enseignements. Il démontre que dans un contexte de montée en puissance des législations anti-corruption, les diligences raisonnables, ou « due diligences », pourvu qu’elles soient suffisamment poussées, demeurent un bouclier pour les entreprises et une assurance sur laquelle la raison impose de ne jamais faire l’impasse.

Sonepar, un suspect inattendu

Sonepar, leader mondial de la distribution de matériel électrique, est une société non-cotée créée il y a 50 ans par des familles du Nord de la France. Avec 46.000 salariés, 22,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires dont 7,3 milliards aux Etats-Unis en 2018, elle répond aux besoins d’un million de clients servis dans 44 pays à travers 170 enseignes et 2.800 agences.

Malgré ce poids économique, rien ne prédestinait cette entreprise à tomber sous le coup du volet anticorruption de la loi Sapin 2, expliquait à Reuters la direction de l’entreprise. Ni son secteur d’activité, ni la taille moyenne de ses commandes, ni sa clientèle. Pourtant, le 13 mars dernier, l’AFA notifiait cinq griefs à Sonepar, accusée de ne pas s’être dotée d’un code de conduite répondant aux exigences de la loi Sapin II, ni d’une cartographie des risques de corruption et de trafic d’influence - l’entreprise avait pourtant commandé une cartographie anticorruption à un cabinet d’audit, cartographie alors jugée trop expéditive par le directeur de l’AFA.

C’est un des premiers enseignements du cas Sonepar : paradoxalement, alors même que le secteur de la distribution n’est pas particulièrement concerné par la corruption et le trafic d’influence, l’AFA ne s’est pas moins penchée sur son cas. Conclusion : ce type de mésaventure guette peu ou prou toutes les sociétés qui se développent par croissance externe.

« Maitriser les risques »

Selon Eric Blanchard, associé-gérant pour Harold Alexander Consulting dans l’Agefi magazine, la due diligence demeure la réponse la plus appropriée à ce genre de risques. « Une due diligence permet à l’acquéreur de soulever les risques liés à la société-cible. Mais il ne s’agit pas d’en rester là. Il s’agit de trouver des solutions convenant aux deux parties pour maîtriser les risques tout en sécurisant la transaction. » explique l’expert. « Paradoxalement, la due diligence apporte le plus de valeur là où on l’attend le moins : comme soutien actif à la gestion opérationnelle. Elle peut révéler des dimensions ignorées ou sous-estimées par la société-cible. La revue de ses processus l’éclairera d’une lumière nouvelle lorsqu’elle ne dispose pas d’outils de mesure de la performance adaptés à certaines décisions opérationnelles. »

Nombreux sont les cabinets à proposer ce type de prestations, certains se démarquant par une approche innovante, apportant un support algorithmique à l’analyse humaine, ce qui leur permet de traiter un grand volume de données, tout en offrant, en dernier recours, du conseil personnalisé à haute valeur ajoutée.

Pour Joël Pastre, président du cabinet Global Risk Profile (GRP), ces innovations technologiques permettent de « libérer du temps à nos analystes, qui en tirent bon profit : au lieu de se consacrer à des tâches certes utiles mais répétitives et chronophages, terreau propice à l’erreur humaine, ils font le travail qui échappe aux machines. Ils assemblent les pièces du puzzle, établissent des liens difficilement décelables par la machine, font usage de leur expérience et connaissances, suivent certaines pistes (parfois ténues), décèlent des schémas complexes, éliminent homonymes et faux positifs et, in fine, relient tous ces éléments entre eux ».

Un bouclier… et un multiplicateur de valeur

Il ne s’agit pas, dans le cas d’une acquisition, de se pencher uniquement sur les traditionnelles revues comptables, fiscales et juridiques. Il est important de passer en revue l’ensemble des processus de la cible : « son contrôle interne, ses systèmes d’information et sa conformité avec la règlementation », renseigne Eric Blanchard. Autant ce dernier point est une priorité dans le système bancaire, où il répond au « doux » anglicisme de « compliance », autant il a tendance à être négligé, à tort, de mon point de vue, dans le cadre des entreprises non financières.

Malgré leur apparente austérité, les diligences raisonnables offrent un double avantage :

  • D’une part, elles constituent un bouclier lors des processus anti-corruption, car elles confortent les autorités compétentes dans l’idée que tout a été accompli pour respecter l’ensemble des règles lors de ses acquisitions ;
  • D’autre part, elles créent de la valeur supplémentaire dans le cadre d’une opération de croissance externe, dans la mesure où celles-ci seront de plus en plus analysées, dans un contexte où l’arme économique passe par le droit et la conformité aux règles.

L’exemple Sonepar, en illustrant l’intérêt porté à tous les secteurs et à toutes les acquisitions externes, a eu au moins pour mérite de rappeler que le monde des affaires évolue… et que chacun doit désormais en tenir compte. D’autant qu’il peut, d’une contrainte externe, faire un atout interne.

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