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Eté chaud, frais, humide, sec. Quel est le pire pour votre santé ?
©BERTRAND GUAY / AFP

Ou le meilleur

En période de canicule, passage en revue de l'impact de l'été sur votre organisme.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Qu'est-ce qui est le plus mauvais pour la santé : un été trop chaud ou un été froid ?

Stéphane Gayet : Il est nécessaire pour répondre à cette question, de se pencher sur la physiologie du corps humain, plus exactement ses possibilités d'adaptation à la chaleur.

Tout d'abord, un petit panorama des régions du monde les plus chaudes

Le site geo.fr nous fournit des informations assez précises, qui nous renseignent sur les pays les plus chauds du monde.

En Israël, le site de Tirat Zvi situé dans la vallée de Beït-Shéan (à plus de 200 mètres en-dessous du niveau de la mer) a déjà connu des températures supérieures à 53 °C. A Tombouctou, au nord du Mali, la température a déjà dépassé 54 °C et il fait en moyenne entre 40 et 45 °C durant l'été. Dans la vallée de la Mort en Californie (USA), on a déjà eu l'occasion de mesurer une température supérieure à 56 °C. A El Azizia, au nord de la Libye, la température atteint de façon non rare 55 à 56 °C. A Kébili, située dans le centre-sud de la Tunisie, la température peut atteindre 60 °C. Dans le magnifique site désertique de Dallol en Ethiopie, les températures évoluent couramment entre 45 et 60 °C. Enfin, en Australie, dans le territoire dit des Badlands, la température aurait déjà dépassé 69 °C.

Ce sont des points de repère thermiques où l'on enregistre habituellement la température. Il y en a certainement d'autres dans le monde. Il est frappant de constater que les températures les plus élevées constatées atteignent voire dépassent les températures dites de cuisson douce (60 °C).

Les effets de la chaleur sur le corps et ses possibilités et mécanismes d'adaptation

L'être humain est homéotherme, ce qui signifie que sa physiologie nécessite une température interne ou centrale qui soit la plus constante possible, dans le cas de l'homme proche de 37 °C.

On pourrait penser selon un raisonnement primesautier que notre température d'ambiance (extérieure) optimale devrait se situer aux alentours de 37 °C. On constate que ce n'est pas du tout le cas. C'est lié au fait qu'en permanence, notre corps produit de la chaleur qu'il faut évacuer. Cette production constante de chaleur est liée à notre métabolisme énergétique ; elle est estimée à de l'ordre de 70 watts pour un adulte. Il nous faudrait donc de manière idéale une ambiance thermique très inférieure à 37 °C, afin que notre environnement immédiat puisse jouer le rôle d'accepteur de chaleur, par radiation puis convection. En pratique, la température de confort du corps humain dépend de la tenue vestimentaire, du vent et de l'humidité de l'air. Avec une tenue d'intérieur et une humidité proche de 50 %, la température de confort pour un être au repos et en l'absence de courant d'air se situe schématiquement entre 21 et 25 °C pendant la phase d'éveil, et entre 16 et 19 °C pendant le sommeil ; mais il existe des variations individuelles non négligeables. Quand on s'écarte vers le haut ou vers le bas de la température de confort, le corps humain doit mettre en œuvre des processus d'adaptation thermique qui vont nécessiter une dépense énergétique : thermolyse quand il fait trop chaud, thermogénèse quand il fait trop froid. Dès lors, on comprend que la température de confort corresponde à une dépense énergétique minimale et en même temps à une sensation de bien-être thermique.

En cas de température ambiante excessive, le corps doit se refroidir et évacuer la chaleur en excès

A dire vrai, les possibilités d'adaptation du corps humain à une forte chaleur sont réduites ; elles sont meilleures quand il s'agit au contraire de s'adapter au froid. Quand il fait trop chaud, le corps réduit son métabolisme énergétique de façon à produire moins de chaleur ; il s'agit en particulier de l'activité des muscles striés (muscles volontaires) et lisses (muscles involontaires : ceux des viscères) ; il en résulte une sensation de fatigue (asthénie) et même une indolence. Le deuxième processus de refroidissement (thermolyse) du corps est la sudation : c'est une transpiration excessive.

Comment la sudation refroidit-elle le corps ?

La sueur qui s'étale à la surface de l'épiderme s'évapore (passage de la phase liquide à la phase gazeuse) et la vapeur d'eau (qui est donc un gaz, invisible) passe dans l'air ambiant. Le passage de l'état liquide à l'état gazeux (évaporation) provoque un refroidissement par consommation de chaleur (phénomène dit endothermique). Il en résulte un refroidissement de la peau. Mais encore faut-il que l'air ambiant puisse accepter la vapeur d'eau : plus l'air est chaud et plus il est humide ; plus l'air est humide (vapeur d'eau) et moins il peut accepter de vapeur supplémentaire. Ainsi l'efficacité de la sudation sur le refroidissement de la peau n'est bonne que si la température ambiante et l'humidité ne sont pas trop élevées.

C'est là un processus important de refroidissement de la peau (et donc du corps) : sudation et évaporation. Il s'y ajoute un autre phénomène : dilatation maximale des micro artères de la peau qui accepte ainsi une grande partie de la chaleur du corps et élimination de la chaleur cutanée par radiation puis convection (comme un radiateur de chauffage central).

Mais ces phénomènes d'adaptation sont limités ; une sudation importante peut conduire à une déshydratation. Quand les possibilités de thermolyse sont dépassées, la température centrale s'élève et au-delà de 41 ° 5C, il y a un danger immédiat d'hyperthermie maligne pouvant conduire au décès. On notera au passage que le porc a peu de glandes sudoripares et dès lors il développe très facilement une hyperthermie maligne mortelle en cas de canicule.

Au contraire, comme nous l'avons entrevu, le corps humain a beaucoup plus de possibilités d'adaptation au froid.

Tout cela reste lié au fait que la vie, les processus biologiques, produisent d'une façon générale de la chaleur. La chaleur peut être produite à partir de diverses sources d'énergie et peut être transmise et évacuée. Alors que le froid n'existe pas sur le plan thermodynamique : ce n'est qu'une faible quantité de chaleur. En d'autres termes, la « frigogénèse » n'existe pas, il n'existe que l'évacuation de chaleur (un réfrigérateur et un climatiseur ne fabriquent pas de froid, ils ne font que prendre la chaleur et l'évacuer : un réfrigérateur chauffe une cuisine, et cela d'autant plus que sa classe énergétique est médiocre ; un climatiseur à air réchauffe l'air extérieur, un climatiseur à eau réchauffe les eaux usées).

Ces notions sont schématiquement transposables au corps humain : on comprend qu'un ventilateur de bonne qualité et bien utilisé vaut mieux qu'un climatiseur, sauf lorsque l'on atteint un niveau de température et d'humidité ambiantes tel qu'il ne parvient plus à refroidir notre peau, ce qui n'arrive pratiquement pas en France).

Quelles sont les conséquences d'un été trop chaud sur la santé ?

Les vagues de fortes températures provoquent des coups de chaleur chez les personnes fragiles (jeunes enfants, personnes âgées, malades chroniques) : forte fatigue, mal de tête intense (céphalée) et nausées ; c’est une déshydratation, associée à un œdème cérébral provoqué par l’échauffement du crâne exposé directement aux rayons solaires. Le coup de chaleur est une menace pour des dizaines de millions de personnes ; il peut entraîner la mort. Par ailleurs, l’exposition répétée à une forte chaleur, en raison de l’élévation de la température du corps et la déshydratation prolongées, expose à l’insuffisance rénale chronique et à divers troubles cardiovasculaires. On parle de stress répété lié à la forte chaleur : ce serait en réalité l’un des plus grands dangers pour l’être humain dans un contexte de réchauffement climatique.

En pratique, on constate pendant les fortes chaleurs une augmentation des accidents vasculaires (accident vasculaire de type cérébral ou AVC ; thrombose veineuse compliquée d'embolie pulmonaire…) et des épisodes d'insuffisance respiratoire aiguë chez les malades pulmonaires chroniques. La sudation importante entraîne une diminution du volume urinaire et une concentration de l'urine, ce qui peut provoquer une colique néphrétique (formation de calcul rénal et son élimination très douloureuse par la miction) ainsi qu'une infection urinaire, toutes les deux chez les sujets prédisposés.

Il faut aussi parler de l'ensoleillement : une exposition forte et répétée des yeux aux rayons solaires semble bien favoriser la dégénérescence maculaire (zone de vision nette et précise de la rétine) liée à l'âge ou DMLA.

On peut affirmer que la chaleur excessive constitue un stress durable pour le corps qui est malmené et menacé. En ayant recours à un terme plutôt trivial, on peut dire que la forte chaleur répétée use le corps. Bien qu'il n'y ait pas de statistiques officielles sur le sujet et en dépit de l'existence du biais lié au niveau de vie, il semblerait que la longévité soit en moyenne plus élevée dans les pays tempérés ou même un peu froids que dans les pays à fortes chaleurs. Mais en réalité, il est à peu près impossible, parmi les facteurs défavorisant la longévité, d'isoler le climat des autres conditions de vie.

Quelles sont les conséquences d'un été froid sur la santé ?

Il n'est pas facile de définir un été froid. Dans le sens commun, c'est un été qui manque de soleil, un été gris et très souvent pluvieux. Dans le langage un peu trivial, on parle volontiers d'été « pourri », ce qui constitue une sévère déconvenue, tout particulièrement pour les campeurs et ceux qui ont programmé des activités de plein air, devenant pour le moins fort peu agréables dans de telles conditions climatiques.

Il peut arriver que l'on doive remettre le système de chauffage en marche en juillet ou en août, lorsque le climat s'est trop dégradé. C'est là une situation un peu extrême. Il va sans dire que ce sont toujours des conditions climatiques tempérées.

Sur le plan de la santé, un été « un peu froid » ne favorise pas particulièrement de maladie ; en particulier, cela reste tout de même l'été et l'air est infiniment moins sec qu'en hiver, ce qui ne favorise pas la propagation des virus respiratoires, au contraire de ce qui se passe en hiver avec l'air froid et sec.

Plutôt qu'une chaleur insuffisante, il faut parler de l'ensoleillement. Il est bien établi et connu que l'ensoleillement est une condition indispensable à la maturation de la vitamine D par la peau (sa fabrication est complexe). Par ailleurs, il est avéré que l'ensoleillement a un effet favorable sur la thymie (humeur) et qu'au contraire un ciel gris et pluvieux a un effet plutôt défavorable : le ciel bleu et ensoleillé stimule l'ardeur et la bonne humeur.

Dans l'ensemble, le bilan est assez facile à faire : un été trop chaud est plus néfaste pour la santé qu'un été un peu « froid ». Il faut répéter que le corps humain s'adapte beaucoup mieux au froid qu'au chaud, ce qui explique que le réchauffement climatique soit particulièrement redoutable.

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