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CETA, Mercosur : quand les accords commerciaux facilitent le business et permettent d’exporter les bonnes pratiques écologiques
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La majorité parlementaire qui vient de ratifier l’accord commercial avec le Canada a reçu un flot de critiques et de haine venant de gens qui ne veulent même pas en analyser les bénéfices tangibles pour tout le monde. Quel gâchis !

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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Ceta, Mercosur : mais pourquoi tant de haine contre des accords commerciaux qui ouvrent des perspectives à tout le monde?

La ratification par l’Assemblée nationale de l’accord de libre échange entre l’Union européenne et le Canada a relancé la polémique violente déjà entamée par le traité conclu avec l’Amérique du Sud (le Mercosur). 

Tout se passe en France comme si tout échange commercial avec un pays étranger était devenu suspect et porteur de problèmes divers pour un certain nombre de professionnels paniqués par l'idée que des concurrents étrangers, plus malins, moins chers ou mal intentionnés allaient venir hypothéquer leur propre activité, leur emploi et par conséquent leur avenir. Mais si c’était l’inverse? Si les accords permettaient de démultiplier l’activité, de favoriser le progrès pour tout le monde et permettaient aussi d’imposer aux pays les plus réfractaires des bonnes pratiques écologiques. 

La mondialisation des échanges a sans doute engendré beaucoup de dysfonctionnements et de bouleversements. Elle a creusé les inégalités entre certains pays, certaines populations à l’intérieur même des pays. La mondialisation a sans doute entrainé le déclassement de certaines catégories sociales qui, faute de moyens, d’accompagnement ou de formation se sont retrouvées déclassées, appauvries ou profondément frustrées. Bref, la mondialisation ne nous aurait apporté que de la misère avec un transfert débridé des pouvoirs de l’ouest vers l‘est du globe. Ajoutons à cela bien sûr que la mondialisation a très certainement accéléré les flux migratoires vers l’hémisphère nord.  

Mais, mais, soyons honnêtes, la mondialisation a aussi servi ces dernières années de bouc émissaire pour éviter de regarder en face nos propres problèmes, nos propres faiblesses. 

Il faudrait évidemment reconnaître que l’explosion du commerce mondial depuis les années 2000 a engendré une baisse de l’extrême pauvreté à l’échelle mondiale. Le nombre d’êtres humains n’a pas cessé de croitre pour dépasser les 7 milliards, mais la part de cette population mondiale en état de sous-alimentation n’a pas cessé de décliner, à moins de 10% aujourd’hui. Il reste des foyers d’extrême pauvreté avec des hommes, des femmes et des enfants qui meurent de faim dans certaines régions d’Afrique ou d’Inde, mais la plupart sont sortis de cette misère. 

Au fur et à mesure que les pays autrefois sous-développés sont passés dans la catégorie des pays en voie de développement, puis sont passés au statut de pays émergents, ils se sont donc enrichis, l’espérance de vie moyenne sur la planète s’est allongée et la mortalité infantile a baissé. Les conditions sanitaires et d’hygiène ont fait d‘immenses progrès et la lutte contre les grandes maladies qui, autrefois, décimaient des millions d’êtres humains, fait faire à la santé humaine des pas de géant

Pareillement, faut-il parler de l’illettrisme qui n’a pas disparu certes, mais qui touche désormais moins de 20% de la population mondiale, alors qu’au début du siècle, la planète comptait encore plus de 40% d’illettrés?

Avec le recul de l’illettrisme, on sait très bien que la condition sociale des populations, des femmes et des enfants s’est considérablement améliorée, parce que les conditions de travail ont changé, les moyens de vivre se sont améliorés. 

Ces progrès considérables, qui n’ont jamais été aussi rapides, sont imputables à la mondialisation qui permet de partager et de diffuser les innovations et les connaissances, les moyens de financement aussi. Enfin, c’est bien évidemment le développement du commerce mondial qui a généré de formidables gains de productivité. 

Alors, le résultat n’est pas optimal, il n’est pas satisfaisant, mais il a le mérite d’exister. 

Tous ceux qui aujourd’hui critiquent avec tant de violence les accords de libre échange comme le Mercosur ou le Ceta, alors que ces accords ont été discutés pendant de longues années, font le jeu finalement de tous ceux qui rêvent de vivre dans des sociétés autarciques et fermées. Des sociétés où l’innovation ne peut pas se diffuser, où la croissance doit ralentir ou disparaître etc. Alors on peut comprendre ce repliement quand on est riche et installé, mais quid des autres, de ceux qui n’ont pas le privilège d’appartenir à des régions développées?

Certaines critiques contre le Mercosur ou le Ceta sont légitimes. On peut certes souligner que certains pays signataires de ces grands accords se comportent mal en matière d’environnement et en matière de réciprocité dans le respect des normes et des quotas. On peut discuter de tout cela. D’ailleurs, ces grands accords permettent de discuter des applications avec des accords de sauvegarde. Le dialogue et le progrès ne se figent pas le jour de la signature. Ils se prolongent à la demande de toutes les parties. 

Mais faut-il pour autant tout jeter, tout refuser et haïr (en prime) ceux qui ont négocié en les accusant de toutes les gémonies?

L’accord du Mercosur, pour ceux qui l’ont lu en détail, est équilibré. Les dirigeants agricoles s’y opposent plus pour des raisons de politique interne aux syndicats, que pour ses incidences pratiques.

L’accord du Ceta est déjà en partie appliqué depuis 2007. Et depuis 2007, les exportations vers le Canada ont progressé de 6,6%. Les labels et les marques ont été protégés et sont parvenus à gagner des parts de marché significatives.

Les importations canadiennes en France, elles, ont chuté de 6% entre 2007 et 2018, parce que la France a cessé d’acheter du Colza et du minerai de fer. 

En valeur, il faut savoir que l'excédent commercial français avec le Canada est passé de 50 à 450 millions d’euros. (De l’industrie et de l’agroalimentaire principalement)

A la veille de la ratification par le Parlement, ce traité était encore critiqué par beaucoup d’organisations agricoles françaises, par énormément d’organisations écologiques et le principal argument portait essentiellement sur la politique de transition énergétique. 

« Le Canada serait le plus mauvais élève des pays membres du G20 dans la lutte pour le climat...  Et signer cet accord, disait Nicolas Hulot, reviendrait à encourager le Canada dans ses mauvaises pratiques ». 

C’est possible, mais on peut aussi défendre le raisonnement inverse. La concurrence, la richesse des échanges peuvent aussi inciter les acteurs canadiens à changer de procédures. Une multitude d’organisations comme Attac, Greenpeace, la Cgt ou Que choisir refusent cet accord sous le prétexte qu’il va faciliter l’entrée sur le marché en Europe de produits élaborés selon des normes inférieures aux standards européens.  

Mais qui peut croire ce type d’affirmation, parmi ceux qui ont signé cet accord ou qui l'aurait lu? Qui peut le croire en toute bonne foi ?

Cet accord concerne 510 millions d’Européens d’un côté et 35 millions de Canadiens. Peut-on berner 510 millions de consommateurs avec des produits trafiqués? Et en quoi les 35 millions de Canadiens auraient intérêt à envoyer des produits falsifiés plutôt que des produits aux normes?

L’accord supprime les droits de douane sur 98% des produits échangés, il élargit la concurrence et renforce la coopération au niveau des normes et des standards. Ajoutons à cela que 143 produits d’appellation d’origine française sont reconnus et protégés jusque dans leur marketing et leur design.  

Actuellement, et cela pour le syndicat des éleveurs français qui est vent debout, il faut savoir que depuis 2008, le Canada n'a exporté que 1000 tonnes de viande de bœuf vers la France, soit moins de 2% du quota accordé par l’accord Ceta. Il n’y a eu aucune invasion de viande frelatée et pour cause, les éleveurs de bovins du Canada ne sont pas prêts à respecter les exigences européennes. 

Pour l’instant, il n’existe que 36 fermes au Canada qui produisent sans hormone de croissance. Les autres ne sont pas outillées. Elles n’ont même pas les hommes et les spécialistes pour le faire. Donc elles ne passent pas la douane.  Elles n’essaient même pas. L’agriculture canadienne est d’autant plus désarmée qu’elle ne peut même pas répondre à la demande intérieure en bio et en produit clean de toute chimie. Alors de là à envahir les marchés européens, il va se passer du temps. 

En attendant, l’agriculture canadienne vient embaucher des compétences en Europe et plus spécialement en France. Alors, avis aux amateurs formés dans les agros français ou même dans les lycées agricoles. Il y a du travail. On peut exporter les bonnes pratiques. 

Et plutôt que de refuser ce type de grands accords commerciaux, on pourrait peut-être les considérer comme des moyens et des occasions de diffuser les bonnes pratiques écologiques. Après tout, les consommateurs nord-américains sont comme les consommateurs européens. Ils sont demandeurs de bio, de transparence et de bénéfice santé. 

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