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Petits conseils pour se protéger de l’augmentation des cas de maladie de Lyme
©BERTRAND GUAY / AFP

Prudence

Le nombre de nouveaux cas de maladie de Lyme a connu une "augmentation significative" en 2018, a annoncé mercredi le ministère de la Santé. L’expansion des tiques pourrait y jouer un rôle prépondérant.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Le ministère de la Santé a constaté une « augmentation significative » de nouveaux cas de la maladie de Lyme en 2018. A quoi serait due cette augmentation significative du nombre de nouveaux cas?

Stéphane Gayet : Cette annonce du ministère chargé de la santé est d'une grande importance. C'est l'autorité exécutive de la santé qui commence enfin à reconnaître l'intensité du phénomène « Lyme ». Car, derrière ce nom « Lyme » qui est l'objet d'un emballement médiatique mais aussi d'une fréquente dérision, se cache une épidémie qu'on a peine à reconnaître en France, épidémie doublée d'un fort probable scandale sanitaire en gestation.

L'ampleur de l'épidémie de maladie de Lyme

Cela n'a échappé à personne : autant on met amplement en garde vis-à-vis des tiques tous les promeneurs, piqueniqueurs, campeurs, randonneurs, vététistes, pêcheurs, chasseurs, forestiers, etc., autant on minimise l'importance de l'épidémie de maladie de Lyme. La tendance à minimiser un phénomène épidémique au début de son identification est une attitude que l'on a déjà connue dans le passé : sida (1981), affaires dites de l'hormone de croissance (1985), de la centrale de Tchernobyl (1986), du sang contaminé (1991), de l'amiante (1995), du benfluorex (Mediator, 2007), etc.

Cette volonté de minimiser aux yeux de la population générale une épidémie (au sens large) à son début est motivée par le souhait de ne pas affoler les personnes qui peuvent être concernées, d'éviter de mettre brutalement en cause une autorité administrative ou une puissance financière, ainsi que celui de prévenir un désordre que son annonce pourrait déclencher.

Concernant la maladie de Lyme, la position arrêtée par le collège français de spécialistes sachants en infectiologie a eu des conséquences déterminantes sur l'attitude du corps médical dans son ensemble, mais aussi celle de la direction générale de la santé (DGS) ainsi que des médias. Cette position franco-française reste actuellement la suivante : la maladie de Lyme est une maladie de diagnostic (sérodiagnostic : examen sérologique) et de traitement (quelques semaines d'antibiotique) faciles ; les formes chroniques n'en sont pas, ce sont des états post-Lyme (séquelles d'une infection guérie). Cette posture restrictive et rigide est peu retrouvée à l'étranger, notamment dans les autres pays d'Europe concernés ainsi qu'aux Etats-Unis d'Amérique et au Canada. Elle est de plus en plus difficile à tenir, eu égard à la succession d'études scientifiques qui sont menées et publiées à l'étranger, études affirmant l'existence, la fréquence et même la gravité des formes chroniques.

Fatalement, cette position officielle conduit à minimiser l'épidémie de maladie de Lyme, pourtant indéniablement d'une grande ampleur. Est-il nécessaire de préciser que la maladie de Lyme n'est pas une maladie à déclaration obligatoire (DO) et qu'elle n'est pas prête à le devenir ? Depuis 2009, une simple surveillance reposant sur le volontariat a été mise en place (elle passe par le réseau sentinelle Lyme). Les données chiffrées estimées (arrondies ici) qui en résultent et sont retenues par Santé publique France sont les suivantes (nombre annuel de nouveaux cas : incidence annuelle) : 26 000 (2011), 28 000 (2012), 35 000 (2013), 26 000 (2014), 33 000 (2015), 54 000 (2016), 46 000 (2017) et 70 000 (2018). Malgré les années 2014 et 2017 où une baisse apparente de l'incidence a été enregistrée, on peut retenir que de 2013 à 2018, l'incidence a doublé sur une période de cinq ans. Or, étant donné que la définition d'un cas qui a été retenue pour cette surveillance est restrictive (érythème migrant ; ou manifestations neurologiques, articulaires, cutanées ou encore cardiaques évocatrices de maladie de Lyme et associées à un sérodiagnostic positif : test Elisa confirmé par un test Western-Blot), la réalité de l'incidence est au moins deux fois supérieure aux chiffres officiels : on est donc fondé à supposer qu'il existe entre 100 000 et 200 000 nouveaux cas par an de maladie de Lyme en France. Si de surcroît, on prend en compte les formes chroniques pouvant durer des années, le phénomène épidémique de Lyme devrait conduire à une prévalence (c'est, à un moment donné et dans une population donnée, le nombre de nouveaux cas non guéris auquel on ajoute le nombre des cas anciens non encore guéris) considérable de malades de Lyme en France.

Les raisons de l'augmentation importante du nombre de cas annuels (incidence)

Le ministère chargé de la santé propose les deux explications suivantes : des conditions climatiques favorables aux tiques et une meilleure sensibilisation des professionnels de santé effectuant de ce fait plus de diagnostics.

La première explication est confirmée. On constate en effet une augmentation régulière de la densité de tiques.

L’Institut national de la recherche agronomique (INRA) a débuté ses travaux sur les tiques et les diverses maladies qu’elles transmettent, en particulier la maladie de Lyme, au début des années 2000. L’espèce de tique la plus fréquente en Europe est Ixodes (genre) ricinus (espèce) ou « tique dure ». Cette tique est avant tout forestière, avec une nette prédilection pour les forêts d'arbres feuillus, en particulier les bois riches en chênes ; mais elle est également présente dans les prairies et les pâtures situées à proximité des forêts, et surtout leurs bordures comportant des haies qu'elle apprécie particulièrement ; attention : elle se trouve également dans les jardins. Elle parasite un assez grand nombre d'espèces d’animaux sauvages (rongeurs, oiseaux, cervidés…), mais aussi domestiques (vaches, moutons, chevaux, chiens…). Son activité est étroitement liée aux conditions climatiques : elle est maximale entre 7 et 25 °C avec une humidité de 50 % à 65 % ; sa période préférée s'étend de début mai à fin octobre. La tique dure parasite souvent le chevreuil qui est le mammifère favorisant le plus sa prolifération et sa dissémination ; en revanche, les borrélia de la maladie de Lyme ne l'infectent pas et dès lors le chevreuil ne contribue pas à la multiplication de ces bactéries, à la différence des rongeurs. Car chez ces derniers, les borrélias de la maladie de Lyme se multiplient très bien, tout spécialement chez les campagnols qui constitueraient le réservoir naturel des borrélia de la maladie de Lyme. Mais le campagnol a été dépassé par l'écureuil de Corée aussi appelé tamia de Sibérie : ce joli petit rongeur d'une centaine de grammes a commencé à être importé en France dès la fin des années 1960, comme animal de compagnie pour le bonheur des enfants ; mais ce bel animal mord et a une odeur forte ; de nombreuses familles de ce fait l'ont relâché dans la nature, où il a rapidement et amplement proliféré (dans les forêts de la région Ile-de-France, il y en aurait au bas mot des dizaines de milliers et sans doute bien davantage : c'est donc une nouvelle espèce importée qui a rapidement colonisé la France) ; il s'agit à présent d'un nouvel animal considéré comme indésirable. Mais comment faire à présent pour combattre la prolifération de l'écureuil de Corée ou tamia de Sibérie qui s'est avéré être un encore meilleur réservoir de borrélias de Lyme que le campagnol ? Car le campagnol est la proie de choix des renards, chats sauvages, lynx, rapaces et les blaireaux en consomment dès que l'occasion se présente ; mais le tamia est vraiment plus difficile à attraper, étant vif, réactif, rapide, très agile et bon grimpeur, sans commune mesure avec le campagnol.

La deuxième explication proposée par le ministère chargé de la santé est déjà plus discutable : cette surveillance de Lyme est en place depuis dix ans et la sensibilisation des médecins concernés est dans l'ensemble acquise.

En revanche, deux autres explications sont possibles. La première a trait au pourcentage de tiques infectées par la bactérie de la maladie de Lyme. On sait qu'il peut être important, jusqu'à 30 %, et il est probable que ce pourcentage ait cru au cours des dernières années. La vie d'une tique est déjà assez longue pour un acarien : elle atteint facilement trois ans ; il se peut que sa longévité ait augmenté, en particulier du fait de la diminution du nombre de ses prédateurs : les lézards et orvets, les grenouilles, rainettes, crapauds et salamandres, les musaraignes, les gros insectes carnivores… (en toute logique : plus la durée de vie moyenne de la tique augmente, plus elle devrait parasiter d'hôtes différents au cours de sa vie, et plus on s'attend à une forte probabilité qu'elle héberge la borrélia de la maladie de Lyme).

Il existe encore une quatrième explication qui a certainement du poids. Le temps libre de tout un chacun augmente, il y a de plus en plus de préretraités et de retraités en bonne forme ; on incite fortement à s'aérer, s'oxygéner, faire de l'exercice physique en plein air, se promener dans la campagne et en forêt. Le vélo tous terrains (VTT), le vélo tous chemins (VTC), les randonnées, les promenades à cheval, les parcours santé et le camping sont en vogue : c'est le retour à la nature avec un côté « exercice physique ». Il faut encore citer la sylvothérapie qui consiste à se réparer et se régénérer dans la forêt et en contact direct avec les arbres.

Le fort probable scandale sanitaire à venir

Des centaines et probablement des milliers de personnes infectées par une borrélia de Lyme et atteintes parfois de façon sévère et persistante dans leur corps et fréquemment leur cerveau (neuro-borréliose de localisation encéphalique), ne sont pas reconnues comme telles, souffrent, vont de médecin en médecin, de naturopathe en naturopathe, perdent leur temps et leur énergie, en arrivent par dépenser d'importantes sommes d'argent et certaines finissent très mal. La vérité est qu'un bon nombre d'entre elles reconnaissent qu'elles ont réellement déjà envisagé de mettre fin à leurs jours.

Qui sont ces personnes meurtries et vindicatives ? Elles ont pratiquement toutes la même histoire. Ce sont des personnes qui ont passé beaucoup de temps en plein air de par leur profession ou leurs loisirs ; beaucoup se souviennent clairement d'avoir eu une ou plusieurs morsures de tique, mais il est fréquent que ce souvenir fasse défaut. Fait important : la notion d'érythème migrant est peu souvent retrouvée, ce qui va de pair avec un risque d'évolution chronique (l'érythème migrant est une réaction inflammatoire à l'invasion bactérienne locale ; il est le témoin d'une réaction immunitaire primaire, alors que le passage à la chronicité est au contraire favorisé par des défenses immunitaires insuffisantes).

Le diagnostic de maladie de Lyme repose avant tout sur l'histoire de la maladie ainsi que sur les signes (ce que l'on voit) et les symptômes (ce que le patient éprouve). Il est fréquent que cette histoire soit compliquée, car cette maladie infectieuse est assez protéiforme et l'interrogatoire médical peut durer plus d'une demi-heure ; il est d'autant plus long que le malade a connu une longue période de souffrance, d'incompréhension et d'errance médicales.

Que s'est-il passé ? Des examens – parfois beaucoup – ont été effectués et n'ont rien révélé d'anormal ou n'ont révélé que des anomalies « non significatives » ; il est effarant que cette situation conduise à dire : « Vous n'avez rien » ; cette phrase est véritablement insensée, odieuse et même incompétente. Si on lui ajoute : « C'est dans votre tête que ça se passe », cela devient infâme et même criminel. Infâme, parce que cette affirmation sans aucun fondement scientifique ni empirique est contraire à la déontologie et surtout aux principes de la médecine s'appuyant sur des preuves, qu'elle est méprisante, humiliante et destructrice : cette assertion ne fait que du mal ; elle aggrave le malade au lieu de l'aider, en le culpabilisant et le mettant dans une situation de désespoir et de perte de confiance en lui. C'est en cela que la phrase est criminelle, car beaucoup se mettent à vouloir en finir avec la vie et les passages à l'acte sont loin d'être rares. Il est urgent que cette façon ignoble de traiter les patients cesse, c'est de l'anti-médecine. La vérité est qu'il y aura probablement dans les années à venir de plus en plus de malades dont la complexité de l'état dépassera les médecins ; c'est en grande partie lié au fait que nous avons, par nos activités, modifié beaucoup d'éléments naturels et que les processus morbides (maladies) sont de plus en plus souvent multifactoriels et progressifs (polluants de tous types qui sont tantôt des poisons lents pour divers tissus de l'organisme, tantôt des perturbateurs endocriniens ou immunitaires…). Les médecins doivent accepter d'être dépassés, de ne pas réussir à tout comprendre et d'être face à des malades qui en savent plus qu'eux sur un sujet très précis. Mais les traiter de fous parce qu'ils ne comprennent pas pourquoi cette maladie ne ressemble à rien de ce qu'ils ont appris pendant leurs études à la faculté de médecine, est une attitude abominable. Ces malades ne sont pas du tout fous, mais en général au contraire d'une grande lucidité ; ils ont été terrassés par un mal que peu de médecins comprennent ; quand on parvient à les guérir, on se rend compte que la folie n'était pas du tout de leur côté.

C'est comme si, après lui avoir amené votre voiture présentant une panne intermittente du moteur, le mécanicien qui n'a rien détecté lors de son essai, vous affirmait : « Non, le moteur n'a rien, c'est vous qui ne savez pas conduire. » Vous partez et la panne se reproduit et ainsi de suite. Un jour, vous trouvez enfin un mécanicien compétent qui pense à regarder l'état du filtre à essence : il était plein d'impuretés, la panne intermittente venait de là.

Ce phénomène dramatique qui se produit en France est en grande partie lié au fait que le discours officiel consiste à dire que le sérodiagnostic (test sérologique) est positif dans plus de 95 % des maladies de Lyme et que sa négativité infirme un diagnostic présomptif. Mais il y a aussi des malades qui connaissent le même sort, même avec un sérodiagnostic positif.

Il est plus que probable que les méthodes de diagnostic biologique vont s'améliorer en France, car elles ne sont pas du tout satisfaisantes aujourd'hui : tout repose sur un test sérologique consistant à doser les anticorps circulants, tandis que lors de la phase tertiaire (stade de passage à la chronicité avec atteintes neurologiques : neuro-borréliose), il se trouve que le système immunitaire est trompé par la bactérie qui lui échappe et dès lors il n'est plus conduit à produire des anticorps (le sérodiagnostic est de ce fait négatif).

Le jour où l'on aura la preuve que des milliers de malades ont été méprisés, humiliés, rejetés et abandonnés alors que leur maladie était – évidemment – bien réelle, ce jour-là il faut s'attendre à un scandale sanitaire.

Comment peut-on se protéger efficacement de cette affection?

Les règles sont assez simples et largement diffusées. Il faut renoncer à se promener dans les bois et dans les prairies avec les jambes nues, à moins que l'on ne quitte pas les chemins n'ayant aucune herbe. Le scoutisme comme beaucoup d'autres activités de plein air représentent un danger réel.

Se couvrir les cuisses et les jambes jusqu'aux chevilles, se couvrir les bras et les avant-bras jusqu'aux poignets, sont le prix à payer pour se protéger des morsures de tiques. En complément, les répulsifs vendus en pharmacie sont fort utiles.

Au retour d'une activité de plein air comportant des risques de morsure de tique, il convient d'inspecter toutes les zones cutanées exposées et de prendre une douche en se savonnant tout le corps et si possible en se shampoignant la tête ; car une tique adulte ou une nymphe (très petite) met du temps avant de trouver une zone cutanée adaptée et y enfoncer ses pièces buccales : le fait de se frotter avec de l'eau et du savon peut aider à l'éliminer quand elle n'est pas encore accrochée.

Les tiques et nymphes découvertes doivent être enlevées par rotation, de préférence à l'aide d'un tire-tique et la peau doit être ensuite désinfectée avec un antiseptique cutané alcoolique.

Il n'y a pas de vaccin actuellement contre la maladie de Lyme en France.

Comment réagir dès les premiers symptômes, comment les reconnaître ? Quels sont les réflexes, traitements, surveillances à appliquer dans de tels cas?

Une morsure de tique vis-à-vis de laquelle on a réagi rapidement en enlevant la tique (avec ses pièces buccales intactes) et en désinfectant la peau, ne demande qu'une simple surveillance pendant un mois.

Si des manifestations se produisent : rougeur après quelques jours (pas immédiatement), fièvre, céphalées (maux de tête), asthénie (fatigue), douleurs articulaires ou musculaires, paralysie etc., il faut sans délai consulter un médecin qui devra effectuer une prescription de traitement antibiotique, et cela sans faire de sérodiagnostic (car il est bien souvent négatif au stade primaire et risque de ce fait d'induire en erreur). Un érythème migrant (un cercle rougeâtre ou plutôt rose qui s'élargit progressivement à partir du point de morsure, avec un aspect en cocarde ou en « œil de bœuf ») est typique de la maladie de Lyme : il signe le diagnostic. Le traitement antibiotique est d'autant plus efficace qu'il est précoce. Et c'est au stade d'érythème migrant qu'il faut idéalement traiter en respectant les recommandations nationales.

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