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Le droit à l'oubli sur Internet, une bataille de titans !
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Remember me

Alors que tout est conservé sur Internet, les notions d'éphémère et d'oubli s'emparent petit à petit du web.

Tout se conserve sur Internet. Les e-mails, les photos, les achats. Les sites gardent tout en mémoire. Le site d'achat en ligne Amazon vous suggère livres, films, musique en rapport avec vos précédents achats, quand Facebook vous soumet le nom de personnes que vous devez probablement connaître.

Souvent critiqués et comparés à Big Brother, l'Internet et ses outils comme Facebook et Google attirent pourtant toujours plus de monde, et les données qui vont avec
: profession, religion, amis, photos…Facebook conserverait donc par exemple les messages privés, les liens entre les personnes, les photos, les statuts, les goûts ("like") et encore beaucoup d'autres choses, même après effacement par l'internaute, comme l'a montré Max Schrems, cet étudiant autrichien en droit qui a réussi à se procurer l'ensemble des données que Facebook avait sur lui, un dossier de 1222 pages tout de même ! Internet ou le parfait outil d'archivage. Mais de nouveaux sites et applications remettent en question ce rôle attribué au web. Et si les innovations digitales n'étaient plus liées à l'idée d'archivage de données, mais au contraire, à la destruction de ces archives ?!

L'application Snapchat fait clairement partie de cette nouvelle vague d'innovations. Snapchat, application mobile gratuite de discussion en temps réel pour le partage de photos, permet en effet d'envoyer des clichés "éphémères". L'expéditeur de la photo peut choisir le temps d'affichage, compris entre une et dix secondes, sur le téléphone portable du destinataire. Passé cette durée, la photo ne sera plus accessible. Les développeurs affirment que les photos stockées sur leurs serveurs sont effacées rapidement. Ils ne garderaient donc aucune trace. L'application fait déjà parler d'elle car elle faciliterait le Sexting, ces conversations où deux personnes s'échangent des photos compromettantes. Si elle a probablement en effet été conçue dans cet objectif, elle pose toutefois la question de l'éphémère sur Internet. Snapchat, ou le produit qui prône l'oubli, et non plus le souvenir.

La semaine dernière, le site Internet News.me a lancé Last Great Thing, qui ne publie par jour qu'une nouvelle trouvée sur le web, sans inclure de liens URL. La notion de stockage s'efface.

Ces nouveaux types d'applications et sites pourraient changer le mode de fonctionnement des internautes, comme Internet l'a fait auparavant. Avec l'arrivée d'Internet et des outils d'archivage, l'être humain aurait perdu une certaine capacité à se souvenir, à stocker. C'est en tout cas ce qu'explique la journaliste Megan Garber dans un article publié sur The Atlantic. "La considérable mémoire d'Internet change la façon dont ses utilisateurs pensent à se souvenir des choses en général. Nous devenons moins porté sur la préservation, pas seulement parce que Google nous sert de cerveau extérieur, mais aussi parce que nous sommes conditionnés à l'idée que les choses qui nous importent seront de toute façon automatiquement stockées". Mais ces outils à "mémoire éphémère" rappelleraient à l'homme l'importance de se souvenir des choses par soi-même, lui donneraient la chance de se "réapproprier le souvenir".

Pour autant, selon Nicolas Colin, maître de conférence à l’Institut d’études politiques de Paris et ancien rapporteur de la mission "Création et internet", l’impact de ces outils et applications reste, pour le moment marginal. "Ces propositions touchent assez peu le public, comme l'a prouvé l'échec de Diaspora vis-à-vis de Facebook. Le fait que nos informations ne soient pas stockées peut séduire sur le papier mais ne suffit pas à nous faire changer d'application", explique-t-il. Pour l’heure, "nous sommes aussi rassurés par la permanence du stockage. Il existe un fantasme de la thésaurisation lié à la volonté de transmettre ou à la peur d'oublier soi-même. Stocker vos informations est une proposition probablement plus séduisante que de les oublier."

Ces outils peuvent séduire par leur originalité, leur manière de s’inscrire à contre-courant. Mais rien n’indique qu’ils peuvent être adoptés par le grand public. "Lorsque les offres sont personnalisées à l'extrême, ça a de la valeur de proposer une offre rigide et standardisée. Lorsqu'il y a trop de choix, certains retrouvent du plaisir à ne pas choisir. Mais ce type de stratégie de distinction, caractéristique par exemple de l'industrie du luxe, ne peut concerner qu'un marché de niche", indique-t-il.

Cette "mémoire éphémère" est d’autant plus en marge que le stockage de données représente une réelle révolution des modes de consommation. "L'étalement et la mémoire des informations personnelles sont une révolution comparable à la révolution sexuelle dans les années 1960. Comme après la révolution sexuelle, certains vont s'égarer, aller "trop loin", avec des conséquences parfois dramatiques. Mais cette révolution sera essentiellement émancipatrice. Nous allons parvenir progressivement à un nouvel équilibre très différent de ce que nous avons connu. Il y aura des réflexes réactionnaires, la tentation de revenir en arrière. Mais ces réflexes resteront marginaux et plutôt mal vus par la société - comme sont mal vus les militants de la "Christian Right" qui, aux États-Unis, prônent l'abstinence comme principal moyen de contraception. Tout le monde, tous les secteurs devront s'adapter aux conséquences de cette révolution : la santé, la banque, l'assurance, la gestion des ressources humaines. Et s'il le faut, le législateur forcera cette adaptation, par exemple en interdisant à une société d'assurance de refuser d'assurer un individu ayant posé une question sur une maladie grave dans un forum de discussion."

Autant dire que les militants du droit à l'oubli sur Internet ont encore du "pain sur la planche".

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