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Aeolus : le satellite européen chargé d’étudier les vents serait en train de perdre de sa puissance
©ESA / ATG MEDIALAB

Ca doit être la 4G

Lancé l'année dernière pour recueillir des données afin d'améliorer les prévisions météorologiques, le satellite européen Aeolus a déjà perdu 30% de sa puissance, avec une puissance sortante d'environ 1 millijoule par semaine. Le vaisseau spatial assemblé au Royaume-Uni pourrait ne pas achever les trois années minimales prévues de la mission.

Alain  Dabas

Alain Dabas

Directeur du Groupe de Météorologie Expérimentale et Instrumentale du Centre National de Recherches Météorologiques.

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Atlantico : Un an après son lancement, quel bilan peut-on faire de la mission Aeolus ? A-t-elle eu un impact positif sur le système météorologique numérique ?

Alain Dabas : D'après les premiers résultats présentés par Météo France, certaines organisations allemandes et des personnes du Centre Européen de Prévision Météorologique à moyen-terme (basé en Angleterre), montrent un impact positif sur les prévisions, malgré des performances qui ne sont pas tout à fait celles qu'on espérait au début mais qui sont suffisamment bonnes pour que le modèle profite de la mesure et améliore ses prévisions.

D'après les données statistiques récoltées sur plusieurs mois : la mesure de vent produite par le satellite a été capable d'informer qu'à tel endroit il y aura des zones de vent plus forts ou plus faibles que ce que l'on prévoyait et que cela induit des conséquences à tel ou tel endroit du monde. En 2014, par exemple, il y a eu des pluies diluviennes sur la Grande-Bretagne qui n'avaient pas été prévues avec cette force et les analyses ont permis de voir ce qui a abouti à la non-prévision du phénomène. C'était une zone de vent fort au-dessus du Pacifique, à une altitude de 2 000 km : le modèle prévoyait des vents moins forts, et cela s'est traduit par une non-prévision des pluies diluviennes. Aeolus a donc permis de donner des informations sur ces zones-là et de faire de meilleures prévisions.

Globalement, il y a pas mal de mesures du vent au sol, par radiosondages et par des avions commerciaux. Néanmoins, il y avait des zones où on avait très peu d'observation de vent, notamment en altitude (au-dessus de 10 000 km d'altitude) et sous les tropiques (on est dans des zones peu habitées etc.) On attendait qu'Aeolus apporte dans ces zones-là, et quand on regarde les impacts d'Aeolus à l'échelle du globe, ils sont plus forts sous les tropiques.

Comment expliquer la perte de puissance du laser, et comment réagir ?

On n'est encore sûr de rien, mais il y a plusieurs réponses possibles, notamment un problème d'alignements des lasers. Le faisceau laser a tendance à un peu "dépointer", c'est-à-dire à varier de direction. Ce n'est pas grand-chose, mais comme ces instruments sont très sensibles aux alignements, cela suffit pour diminuer la puissance du laser. Ce désalignement serait dû à des problèmes thermiques : il y a des parties chaudes et froides dans l'espace, ce qui crée des radiants thermiques qui doivent être annulés par un système de régulation thermique, et ça n'a pas été le cas.

L'Esa a essayé plusieurs choses : jouer sur la régulation thermique, augmenter la puissance du deuxième laser (à un moment donné, on a regagné quelques millijoules par impulsion de puissance). Il faut néanmoins prendre beaucoup de précaution, parce qu'on risque que le faisceau laser devienne plus fin, ce qui veut dire que la concentration d'énergies lumineuses sera plus resserrée et plus risque. Le risque critique serait alors de brûler les optiques : il y a des revêtements sur les optiques, et si on dépasse un certain stade de fluence, le revêtement brûle. A ce moment-là, on ne peut plus rien faire avec le laser. L'option qui est prise aujourd'hui est de basculer sur le deuxième laser qui est à bord et à propos duquel on sait, d'après les tests qui ont été faits au sol avant les lancements, qu'il est plus stable et de meilleure qualité. On espère qu'en passant sur le deuxième laser, on va récupérer au moins ce qu'on avait avec le premier laser au début.

Quelles leçons tirer de la dégradation du laser spatial, sachant que pour Alain Ratier, directeur général de l'Eumetsat, "Aeolus a été une mission fantastique pour apprendre et préparer la prochaine étape" ?

Aeolus est une mission de démonstration technologique. Grâce à cette mission, on sait donc ce qu'on peut faire avec un laser dans l'espace, comment construire sur un secteur pour qu'on puisse établir des mesures de vent etc. Il y a donc toute une technologie qui a été développée (notamment la technologie des lasers) et qui est acquise.

Comme l'apport à la prévision semble suffisamment intéressant, on aimerait avoir une suite Aeolus et qu'avoir un satellite dans l'espace devienne quelque chose de récurrent dans les années qui viennent. Pour cela, il va falloir passer d'une démonstration technologique à une logique de satellite opérationnel, financée probablement dans le cadre de l'agence européenne Eumetsat. Pour cela, il faut réduire les coûts et augmenter la durée de vie du satellite, qui est aujourd'hui relativement courte (3 ans), qu'on devrait pouvoir étendre jusqu'à 5 ans. La limite est liée au satellite : il vole très bas, donc à une altitude où il y a une traînée significative : il faut le maintenir régulièrement sur son orbite, ce qui demande du carburant. Aujourd'hui, l'Esa nous dit que les mesures qu'ils ont sur la consommation de carburant permettrait de tenir au moins cinq ans. Il ne s'agira donc pas d'une mission très longue. Si l'on veut contrer ce problème de traînée et de carburant, l'option est d'avoir un satellite plus haut et un laser plus puissant pour compenser.

Cette mission a été proposée en partant du constat qu'il y avait un grand flou quant aux mesures de vent. Aeolus était une technologie très novatrice : la première étape était donc de faire la démonstration technologique que cela pouvait fonctionner. Dès le départ, il y avait déjà l'idée que si ça fonctionnait, il faudrait créer d'autres satellites du même type.

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