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La taxe carbone va prendre l’avion, très bonne idée, sauf que ceux qui vont payer ne sont pas ceux que l’on croit
©Reuters

Atlantico-Business

Dans la surenchère écologique qui a envahi la campagne électorale, la tentation de créer une taxe sur les billets d’avion a refait surface dans la tête des députés de la République en marche.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Une taxe par jour... L’imagination politique se cantonne décidément à la sphère des taxes et impôts. Du moins, dans la dernière ligne droite des campagnes électorales.

Puisque la demande de lutte contre le réchauffement climatique est très forte, puisque les gilets jaunes se sont mis en colère au départ contre le projet de taxe carbone qui pénalise les transports en voiture, lesquels sont incontournables pour la majorité et puisque le transport aérien est un des plus gros pollueurs du monde, taxons les voyages en avion. Ceux qui voyagent sont riches, croit-on ! Ils pourront payer.

C’est donc l’idée que viennent d’avoir des députes LREM, pour répondre à la grogne des uns (les gilets jaunes) et à la demande des autres (les écologistes).

Donc, dans le cadre de la loi sur les mobilités qui doit réguler le secteur du transport public, des députés ont déposé un amendement pour augmenter le prix des billets d’avion pour les voyages au départ de Paris ou à l’arrivée. Le projet est très sophistiqué, ils proposent de moduler le prix en fonction de la durée du voyage et  de la classe de transport. Ça pourrait aller de 10 euros à 50 euros par billet.

Alors, c’est évidemment une très bonne idée qui était déjà dans les marmites de Bruxelles qui cherche à appliquer des taxes sur le kérosène puisque le kérosène utilisé dans les avions en est exonéré. La taxe sur le kérosène ne sera jamais appliquée, sauf accord international parce que les compagnies, qui ne sont pas complètement autistes, peuvent se ravitailler là où le kérosène est le moins cher. D’où le succès des compagnies du Golfe qui achètent leur pétrole à la source.

Reste donc la surtaxe des billets d’avion... Très bonne idée, a priori, les clients de compagnies aériennes sont plutôt riches ou alors ils se font payer les billets par leur entreprise. Donc ils peuvent participer à la lutte contre le réchauffement climatique.

Ajoutons à cela que les députés, dans un effort de démagogie, veulent préciser que le produit de cette taxe carbone sera versé à un fonds qui financera les moyens de transports alternatifs et propres.

Tout est bien, sauf que le projet ne tiendra pas au-delà de l’échéance électorale. La taxe Chirac, prélevée sur les billets d’avion pour un vol au départ d’un des pays participants à cet accord, devait servir à financer des actions de santé publique dans les pays développés. Cette formidable idée, née en 2005, appliquée dans plus de 30 pays avaient adopté, n‘est plus appliquée que par neuf pays dans le monde qui n’ont pratiquement pas d’activité de transport aériens qui leur soit propre. En dehors de la France, on trouve dans la liste des neuf des pays d’Afrique liés à la France ou à Air France. Donc on oublie.

Le projet français qui revient à majorer le prix du billet, ne sera pas mieux accueilli que la taxe Chirac ou la taxe sur le Kérosène imaginée par Bruxelles qui n’a jamais réussi à la vendre aux pays de l’UE.

Dès son application, on va s’apercevoir que la greffe ne prendra pas.

D’abord, parce qu’elle va pénaliser les voyageurs pauvres. Le transport aérien a connu un développement exceptionnel grâce aux baisses de prix, au low cost rendu possible par les gains de productivité. Maintenant si les impôts et taxes renchérissent le prix d’entrée dans l‘avion, beaucoup renonceront à voyager. Mais pas les riches et les hommes d’affaires.

Ensuite, c‘est uns très mauvaise idée parce qu’on ne voit pas comment le produit de cette taxe sera utile à la transition écologique. Elle servira à équilibrer la SNCF dont il faudra d’ailleurs établir un bilan complet du carbone, à renforcer d’autres moyens de transport comme les ferries, les bus  etc.

Enfin comme la France sera seule, la taxe va pénaliser les compagnies françaises et notamment Air France, qui n’en a pas franchement besoin en ce moment. Le voyageur français s’arrangera pour prendre un avion affrété de l’étranger. Et si la loi impose la taxe sur tous les avions se posant ou décollant à partir du territoire français (ce qui serait possible), ça nous ramènera  à l’époque où les charters ne pouvaient pas se poser à Paris et par conséquent, embarquaient leurs passagers français à Bruxelles ou à Luxembourg. Le trafic charter (ancêtre du low cost) avait développé une activité de transport par bus au départ de Paris.

La taxation des activités polluantes est sans doute une des solutions pour inciter les producteurs et les consommateurs à abandonner leur activité ou alors à en découvrir des moins polluantes.

A court terme, la lutte contre le réchauffement climatique par des moyens fiscaux qui s’avèrent finalement punitifs et pèsent forcément sur l’activité et la croissance. Donc, ceux qui paient le prix fort de cette lutte sont ceux qui se voient privés des fruits de la croissance. C’est la raison pour laquelle la mise en œuvre des politiques environnementales efficaces sera très difficile dans les pays émergents auxquels on va imposer des normes qui vont freiner leur développement.

A moyen terme, le seul outil qui permet de lutter contre le réchauffement climatique en préservant les chances de bénéficier de la croissance passe par l’innovation sous toutes ses formes. L’innovation technologique, technique, digitale, qui permet de découvrir des process capables d’économiser l’énergie et d’éliminer les formes de pollution. Sur l’automobile par exemple, que beaucoup rêvent d’interdire, on a complément oublié qu‘il y a moins de vingt ans,  une voiture particulière consommait plus de 10 litres de carburant aux 100 KLM, alors qu‘aujourd’hui, la voiture de même catégorie ne brûle pas 5 litres aux 100 KLM.

Dans le transport aérien, les progrès réalisés sur les moteurs et les fuselages ont été exceptionnels. Ces progrès sont évidemment masqués par le développement considérable des flottes et du trafic. Mais rien n’empêche d’imaginer les progrès à venir sur la carburation et la gestion des vols.

La recherche et l’innovation sont les clefs les plus importantes pour accélérer la transition écologique mais les véritables moteurs du changement ne sont pas dans la fiscalité.

Les moteurs du changement sont dans les mains des consommateurs, des salariés et des investisseurs. On sous-estime complètement l’impact des entreprises dans l’effort écologique. Parce qu’elles n’ont pas le choix. L’entreprise intelligente doit tenir compte de ses clients, de ses salariés et de ses investisseurs.

Les clients ont de plus en plus d’exigences qui remettent en cause le marketing quantitatif classique. Les salariés ont besoin de savoir que leur travail dans leur entreprise a un sens qui va au delà de la seule création de richesse monétaire, quant aux investisseurs, plus de la moitié des fonds d’investissement conditionnent leur participation à la qualité des critères de RSE, responsabilité sociale et environnementale.

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