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Le mystère du lac de Starnberg : comment est vraiment mort Louis II de Bavière
©Wikimedia Commons

Bonnes feuilles

Dans Les grandes énigmes de l'histoire du monde (ed. Perrin), les meilleurs spécialistes présentent vingt récits mystérieux ayant marqué notre histoire. 2/2

Catherine Decours

Catherine Decours

Catherine Decours est historienne et écrivaine.

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Louis II de Bavière a su entourer toute sa vie de mystère.Trois grandes interrogations planent sur une existence qui fut courte : le roi était-il fou? Homosexuel ? Fut-il assassiné ? Si, aujourd’hui, il est relativement aisé de répondre aux deux premières questions, la troisième continue de susciter interrogations et disputes. On pourrait ajouter une quatrième énigme : le roi fut-il un meurtrier ? Car au soir du 13 juin 1886, ce furent bien deux corps que l’on retrouva dans les eaux du lac de Starnberg. Les chercheurs, il est vrai, se soucient assez peu (voire pas du tout) de l’homme qui mourut au côté de Louis II. Seule la mort tragique du roi continue de nourrir une historiographie aussi variée que polémique. Dans cette littérature, la légende a si bien battu les cartes qu’il est très difficile d’y voir clair.

Pour y voir plus clair dans l’abondance des propositions et séparer le bon grain de l’ivraie, on dispose de trois sources non seulement extrêmement précises, mais fiables. D’abord, deux des trois hommes qui trouvèrent le corps du roi ont laissé des témoignages. Le docteur Franz Carl Müller, qui s’occupa de Louis  II dès l’instant de son internement, puis découvrit son corps et ne quitta pas la dépouille jusqu’à son transfert à Munich, publia en 1888 Die letzten Tage Ludwigs  II.  Der letzte Bericht eines Augenzeugen, réédité à plusieurs reprises, malheureusement pas en français. Le texte, clair, concis et sans équivoque, n’a pas été mis en doute ; il est plutôt ignoré. Le pêcheur Jacob Lidl a laissé sa propre et naïve narration dans un cahier prudemment confié à son beaufrère. Hélas! Lidl mourut, puis le beau-frère, et le cahier disparut après le passage de « messieurs ». Toujours le « Nettoyeur »… Reste que fut retrouvé un petit carnet où, en 59  lignes très brèves, le pêcheur résume la nuit terrible. Les propos de Jacob Lidl n’appuyant guère les dires « complotistes », leurs partisans précisent « qu’il faut savoir lire entre les lignes ». Il faut commencer par lire les lignes, or aucune d’elles, absolument aucune, ne parle d’un roi tué à coups de feu. On dispose d’une troisième source très précieuse, à savoir l’autopsie réalisée le mardi 15 juillet à la Residenz durant plus de cinq heures en présence de deux membres du gouvernement et de douze médecins, tous des sommités. Le professeur Maximilien Schleiss von Löwenfeld, médecin officiel du roi, qui ne voyait plus son patient depuis 1870, mais lui restait fanatiquement dévoué, était présent. Tous ces médecins signèrent le rapport qui précise que « les enveloppes corporelles étaient intactes » et que le corps du roi ne portait aucune blessure si ce n’est quelques égratignures sous les genoux. Le dos fut examiné. S’il y avait eu le moindre indice d’une violence faite au roi, le docteur Schleiss aurait passé le reste de sa vie à le clamer.

Ces deux récits et l’autopsie racontent exactement la même histoire. Louis II s’est noyé après s’être débarrassé de façon violente de son médecin. L’autopsie montre pourtant que les poumons du roi ne contenaient pas d’eau. Alors qu’est-il arrivé? Le rapport du 15 juin 1886 a été confié en février 2018 à un spécialiste de médecine légale, le docteur Hervé Lerat, expert près de la cour d’appel de Rennes. Après l’avoir étudié et tenu compte du fait que le corps ne portait pas la moindre trace de violence, il conclut : « Ce n’est pas une mort par submersion : l’eau n’a pas envahi les voies respiratoires entraînant une asphyxie. Parmi les critères les plus reconnus d’une mort par submersion ne sont pas rapportés la cyanose, la spume, les lésions emphysémateuses, les corps étrangers. Tout laisse à penser qu’il s’agit d’une hydrocution. Le mécanisme est représenté par l’enchaînement suivant  : syncope primitive, puis inhibition, puis mort par arrêt de la fonction respiratoire et de la fonction circulatoire. Il s’agit d’un noyé blanc, victime d’une mort subite réflexe par inhibition, à l’inverse d’un noyé bleu cyanosé, victime d’une mort par submersion… Quelle est l’origine de la syncope primitive ? Il s’agit certainement d’une syncope thermo-différentielle, ce que l’on appelle communément une hydrocution causée par l’écart entre la température du corps et celle de l’eau… Louis II était manifestement alcoolisé, avait l’estomac plein et, par conséquent, une dilatation des vaisseaux périphériques. Le contact avec l’eau froide a entraîné une vasoconstriction brutale des vaisseaux repoussant le sang vers la circulation retour, provoquant une syncope. »

Autrement dit le choc thermique a désamorcé la pompe cardiaque. Le légiste ajoute que le docteur von Gudden, certainement affolé par la fuite de son patient, puis « tabassé », a pu aussi mourir d’hydrocution en pénétrant dans l’eau froide – l’eau du lac, provenant de la fonte glaciaire, n’était pas à plus de 12 °C –, mais il est impossible de le savoir puisque son corps ne fut pas autopsié.

Ne reste alors qu’une seule interrogation : Louis  II voulut-il s’enfuir ou était-ce une tentative de suicide? Beaucoup, y compris les médecins, penchent pour le suicide. Certes, le roi en avait parlé plusieurs fois, mais toujours sous forme de menace et sans jamais faire une tentative en ce sens. A Neuschwanstein, durant les heures terribles où il avait dû attendre qu’on vienne le saisir, il aurait pu se précipiter de n’importe quelle fenêtre du château ou utiliser une arme à feu et s’en était abstenu. Ce qui étonne dans cette vie très douloureuse, minée par l’angoisse, c’est la résistance du roi et la force de vie qui l’habita en dépit de la maladie. Quand on évoque la figure de Louis II, on ne dit pas assez le courage avec lequel il mena une existence solitaire, souffrante et cachée; le rutilant souverain eut une histoire tragique. Au soir du 13 juillet, Louis II entra dans le lac non loin de l’endroit où une barque était attachée et après s’être débarrassé des vêtements qui auraient pu

le gêner. Il était un excellent nageur, capable dans sa jeunesse de traverser l’Alpsee dans les deux sens, ce que von Gudden devait ignorer. Le roi avait confié : « L’évasion est mon instinct principal », l’élan qui le fit courir vers l’eau semble avoir été celui qui dirigea toute sa vie : s’évader, fuir, fuir à tout prix.

Les obsèques d’un roi

Un convoi spécial ramena le corps du roi à Munich où, après l’autopsie, il fut revêtu du costume noir de grand maître de l’ordre de Saint-Hubert. La dépouille mortelle de Louis  II fut ensuite exposée dans la chapelle de la Residenz envahie de cierges et de fleurs blanches. Le public s’y écrasa, si bien que, pour éviter les accidents, on dut fractionner les entrées. Les funérailles très solennelles, suivies par une foule bouleversée, se déroulèrent le samedi 19 juin dans l’église Saint-Michel, où le roi fut enterré dans la crypte. Son cœur placé dans une urne dorée fut porté, suivant la coutume, au sanctuaire de Notre-Dame d’Altötting. Une tempête formidable – on parla de tornade  – se déclencha durant la cérémonie. Le prince régent conduisait le deuil au côté de son fils aîné qui serait un jour Louis III, dernier roi de Bavière. L’archiduc Rodolphe représentait l’Autriche. Sissi, qui suivit un office à Feldafing, alla quelques jours plus tard se recueillir dans la crypte de Saint-Michel. Au bord du lac de Starnberg, une croix marque l’endroit où cessèrent les souffrances du roi. Ce fut de ce point précis et de cette fin mystérieuse que jaillit la légende. La reine mère fit édifier une chapelle votive et une croix-lanterne sur la pelouse où, chaque année, est commémorée la mort de son fils. Apprenant le drame, elle avait dit : « Il a voulu fuir » et ne changea jamais d’avis.

Extrait de Les grandes énigmes de l'histoire du monde, publié chez Perrin, sous la direction de Jean-Christian Petitfils.

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