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L'ultime échec d'Adolf  Hitler n'est pas celui auquel vous pensez
©FRANCE PRESSE VOIR / AFP

Bonnes feuilles

Dans "Les grandes énigmes de l'histoire du monde" (ed. Perrin), les meilleurs spécialistes présentent vingt récits mystérieux ayant marqué notre histoire. 1/2

François Kersaudy

François Kersaudy

Le professeur François Kersaudy, historien polyglotte et biographe de Churchill, Goering et Mountbatten, est aussi l’auteur du seul ouvrage au monde sur les relations entre De Gaulle et Churchill (Perrin). Dans la collection "Maîtres de Guerre", il a également écrit Hitler, Staline et MacArthur.

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Après une longue série d’échecs, le Führer du Grand Reich millénaire, ayant décidé de mettre fin à ses jours, avait pris toutes dispositions pour faire disparaître son corps. Ce sera un ultime échec, car son cadavre bien encombrant va beaucoup voyager – et pour certains, il voyage encore…

Après une longue série d’échecs, le Führer du Grand Reich millénaire, ayant décidé de mettre fin à ses jours, avait pris toutes dispositions pour faire disparaître son corps. Ce sera un ultime échec, car son cadavre bien encombrant va beaucoup voyager – et pour certains, il voyage encore… La nuit précédente, alors qu’il n’était plus entouré que d’Eva Braun, de Goebbels, de Bormann, de ses secrétaires et de sa garde SS, il a dicté son testament, dans lequel il désignait comme successeur l’amiral Doenitz, sans laisser le moindre doute quant à ses propres intentions… Faudra-t-il choisir le pistolet ou le poison pour prendre définitivement congé ? Et le poison est-il vraiment efficace ? L’homme qui a craint toute sa vie d’être empoisonné redoute à présent de ne pas l’être ; il fait donc avaler le contenu d’une ampoule de cyanure à sa chienne Blondi, qui tombe foudroyée.

Götterdämmerung : le Crépuscule des Dieux

Le 30 avril vers 15 h 30, alors que les tanks soviétiques ne sont plus qu’à 200  mètres du bunker, Hitler prend congé de son entourage et s’enferme dans son bureau en compagnie d’Eva Braun, épousée la veille ; celle-ci absorbe une des ampoules de cyanure, tandis qu’Hitler porte un pistolet 7.65 à sa tempe ; deux précautions valant mieux qu’une, il a sans doute absorbé du cyanure au préalable… Ayant ou non entendu la détonation, le valet Linge, l’aide de camp Günsche et Martin Bormann pénètrent dans le bureau et trouvent le couple mort sur le canapé bleu à fleurs, face à la porte d’entrée ; il flotte dans l’air une odeur d’amande amère caractéristique d’un empoisonnement au cyanure, Hitler a un petit trou dans la tempe droite « de la taille d’une pièce d’un pfennig », et son sang a coulé le long du côté droit du canapé.

Bormann, Linge et Günsche enveloppent les cadavres dans des couvertures grises et, avec l’aide du chauffeur Kempka et du chef des Jeunesses hitlériennes Axmann, ils les remontent jusqu’à l’issue de secours, les déposent à environ 3 mètres de l’entrée donnant sur le jardin de la chancellerie, les aspergent de 180 litres d’essence et y mettent le feu. Ayant brûlé pendant trois heures au milieu d’un intense bombardement, les restes des cadavres sont ensuite enterrés à la hâte par deux gardes SS dans un trou d’obus tout proche. Finis Historiae.

Finis ? En fait, l’histoire ne fait que commencer… Vers 2 heures au matin le 1er mai, le chef d’état-major Krebs traverse les lignes soviétiques sous un drapeau blanc, et est escorté jusqu’au PC du général Tchouikov, commandant de la 8e armée de la Garde 2. Krebs l’informe qu’Hitler s’est suicidé la veille, après avoir désigné comme successeur l’amiral Doenitz. Le chef d’état-major allemand veut négocier un cessez-le-feu, mais la réponse de Tchouikov est catégorique : il n’y a d’alternative que la capitulation sans condition ou la reprise des hostilités. Tchouikov ayant informé son supérieur de la mort d’Hitler, Joukov téléphone à Staline vers 4  heures du matin pour lui annoncer la nouvelle. Réponse du dictateur rouge : « Bien fait pour ce salopard! Dommage qu’on n’ait pas pu le prendre vivant. Où est le cadavre ? » A ce moment précis, personne n’en sait rien. C’est le lendemain 2 mai que les défenseurs de Berlin capitulent, et les soldats soviétiques peuvent investir le bunker. Ils y trouvent le corps du général Krebs, qui s’est suicidé, ainsi que les cadavres imparfaitement carbonisés de Goebbels et de son épouse, également suicidés après avoir empoisonné leurs six enfants. Mais d’Hitler, aucune trace…

L’homme le plus recherché d’Allemagne

Pendant les deux mois qui suivent, les Soviétiques restent seuls maîtres de Berlin, et lorsque les alliés anglo-américains sont enfin admis à y pénétrer, à partir du 4  juillet, ils ne savent rien des circonstances de la disparition d’Hitler. Il est vrai que les Soviétiques se montrent très peu coopératifs, et lorsque le bras droit du président Roosevelt, Harry Hopkins, rencontre Staline le 26 mai, celui-ci lui confie : « A mon avis, Hitler n’est pas mort, mais se cache quelque part. » Le 6 juin, à Berlin, le maréchal Joukov annonce bien lors d’une conférence de presse que le cadavre d’Hitler a été retrouvé et identifié, mais il se rétracte trois jours plus tard, après avoir reçu la visite d’un émissaire de Staline, le très sinistre Andreï Vychinski : « Finalement, corrige le maréchal, Hitler doit se trouver en Espagne ou en Argentine. » C’est également ce que dira Staline à Churchill et à Truman lors de la conférence de Potsdam cinq semaines plus tard.

Voilà une version qui déplaît foncièrement aux autorités britanniques : la possibilité qu’Hitler se soit réfugié à l’Ouest est susceptible de nuire à l’image des alliés occidentaux, et de favoriser une éventuelle renaissance du nazisme en Allemagne. C’est pourquoi les services de renseignements de Sa Majesté dans le secteur britannique de Berlin chargent un jeune historien ayant servi dans le MI6 pendant la guerre, Hugh Trevor Roper, de reconstituer les circonstances de la disparition d’Hitler. Pendant trois mois, celui-ci va se mettre en devoir d’interroger ou de faire entendre toutes les personnes ayant approché le Führer de près ou de loin au cours des derniers jours du siège de Berlin. Bien sûr, la plupart des hautes personnalités ont disparu : Goebbels, Himmler, Bormann, les généraux Krebs et Burgdorf; mais les Anglo-Américains ont mis la main sur Goering, Ribbentrop, Keitel, Jodl et Speer, qui peuvent tous être auditionnés. Par ailleurs, si la plupart des seconds couteaux comme Günsche, Linge, le pilote Baur, le vice-amiral Voss ou le chef du service de sécurité SS Rattenhuber ont été capturés par les Soviétiques, il reste aux mains des alliés occidentaux le chauffeur Kempka, le colonel de la Luftwaffe von Below, l’aviatrice Hanna Reitsch, la secrétaire d’Hitler Gerda Christian et celle de Bormann Else Krueger, ainsi que les gardes SS Karnau et Mansfeld, qui ont été témoins des derniers stades de la crémation. Tous parlent sans trop de difficulté de ce qu’ils ont vu et entendu lors des derniers jours dans le bunker, grâce à quoi le major Trevor Roper est en mesure de reconstituer les derniers jours d’Hitler tels que nous les avons décrits plus haut. Pour lui, il n’y a guère de doute : le Führer s’est bien suicidé en se tirant une balle dans la tête… Mais il manque la pièce maîtresse : son cadavre.

Au début de novembre 1945, le major présente les résultats de ses investigations dans un rapport circonstancié, qui est ensuite remis à tous les Alliés – Soviétiques compris. Si les autorités de Sa Majesté espéraient une quelconque réciprocité de la part de Moscou, elles seront amèrement déçues : un rideau de fer s’est abattu sur le bunker et ses anciens occupants.

Une découverte intéressante

Sans que les Occidentaux le sachent, il s’est produit bien des choses derrière ce rideau depuis la reddition des défenseurs de Berlin. Le 4 mai, le lieutenant-colonel Klimenko et plusieurs soldats appartenant au 79e corps du Smersh3 de la 3e armée d’assaut ont voulu voir l’endroit où avait été trouvé le cadavre de Goebbels, près de la sortie de secours du bunker. A 3 mètres de cette sortie, sur la gauche, un soldat remarque un trou d’obus recouvert de terre meuble qui semble avoir été récemment pelletée. Il saute dessus et la terre laisse apparaître les cadavres calcinés d’un homme et d’une femme, enveloppés dans des couvertures grises; mais ils sont méconnaissables, et une rumeur veut que le corps d’Hitler ait déjà été découvert. Les soldats réenterrent donc les restes, mais dès le lendemain, le lieutenant-colonel Klimenko apprend que le « corps d’Hitler » déjà découvert n’est pas le bon; il comprend son erreur et renvoie ses soldats à la chancellerie pour redéterrer les deux cadavres, qui sont placés dans deux caisses en bois chargées discrètement dans un camion au cours de la nuit du 5 au 6 mai – en même temps que les restes du chien-loup d’Hitler et du scotch terrier d’Eva Braun, découverts à proximité.

Deux jours plus tard, à quelques heures de la capitulation allemande, les deux corps sont autopsiés, en même temps que ceux du couple Goebbels et du général Krebs, dans une clinique de la banlieue berlinoise de Buch. Le secret demeurant absolu, les médecins légistes du 1er front de Biélorussie ne savent même pas à qui ils ont affaire, mais leur rapport, daté du 8 mai 1945, comporte les passages suivants : « Le cadavre ayant brûlé, il est difficile d’établir l’âge de la personne, mais on peut l’évaluer à 50 ou 60 ans, la taille étant de 165 cm (les mensurations sont imprécises en raison de la carbonisation des tissus).

Le cadavre est en état avancé de calcination, et il en émane une odeur de chair brûlée. […] Dans la bouche ont été découverts des éclats de verre correspondant à des fragments […] d’une ampoule de verre fin. » Les légistes notent aussi « l’odeur typique d’amande amère », et précisent que « les examens médico-légaux des organes internes ont établi la présence de cyanure ». Ayant constaté qu’il manquait un morceau de la partie postérieure gauche du crâne et qu’aucun autre signe évident de lésions mortelles n’était constaté, les experts concluent que la mort est due à un empoisonnement au cyanure.

Ce n’est pourtant pas tout; la mâchoire et les dents du sujet étant restées pratiquement intactes, les médecins les ont détachées du crâne, et le colonel du Smersh Gorbouchine a confié ces restes à son interprète, le lieutenant Elena Kagan; sa mission  : retrouver le dentiste d’Hitler, seul à même de procéder à une identification fiable. Ce dentiste, le docteur Blaschke, est parti se réfugier à Berchtesgaden, mais le lieutenant Kagan parvient à retrouver son assistante, Käthe Heusermann, qui reconnaît aisément la dentition du Führer, et fournit en outre aux enquêteurs les radiographies de sa mâchoire, conservées dans le petit cabinet du docteur Blaschke sous la chancellerie. Dès lors, la comparaison ne laisse guère de place au doute, ainsi que l’expose le chef du Smersh du 1er front biélorusse dans son rapport du 27 mai adressé à Moscou, en même temps que la mâchoire du Führer. Mais il n’est pas question de rendre tout cela public : on sait que Staline a d’autres idées, et le maréchal Joukov lui-même ne sera informé de rien…

Extrait de "Les grandes énigmes de l'histoire du monde", publié chez Perrin, sous la direction de Jean-Christian Petitfils.

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