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La normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo, une ardente et urgente nécessité pour l’UE
©CHRISTOPHE SIMON / AFP

Pacification

Sous la houlette de la chancelière allemande, Angela Merkel et du président français, Emmanuel Macron, un sommet informel s’est tenu à Berlin il y a quelques jours, en présence des représentants des pays balkaniques.

Emmanuel Dupuy

Emmanuel Dupuy

Emmanuel Dupuy est enseignant en géopolitique à l'Université Catholique de Lille, à l'Institut Supérieur de gestion de Paris, à l'école des Hautes Études Internationales et Politiques. Il est également président de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE). 

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Ce rendez-vous, attendu quoique n’ayant hélas fait l’objet d’une couverture médiatique digne des nombreux enjeux dont il fut question, visait notamment à réouvrir les discussions entre la Serbie et le Kosovo. Une telle initiative était particulièrement bienvenue, à l’aune de la difficile normalisation entre les deux pays, depuis l’accession à l’indépendance du Kosovo en février 2008. Un nouveau sommet se tiendra, d’ailleurs, à Paris, début Juillet.

Sur fond de nationalisme exacerbé, la Serbie et le Kosovo entretiennent toujours une relation tumultueuse. En 1999, l’intervention militaire de l’OTAN ouvrait la voie à la création du Kosovo, dont la population fut la cible privilégiée du tristement célèbre Slobodan Milosevic, ancien président de Serbie, décédé en détention à La Haye, en mars 2006.  Depuis la fin du conflit et la déclaration d’indépendance du Kosovo en 2008, les relations entre ces deux nations voisines peinent à se normaliser. Alors que 116 pays membres de l’ONU dont trois membres du conseil de sécurité  (France, Etats-Unis, Grande-Bretagne) reconnaissent le Kosovo, ce n’est toujours pas le cas de la Serbie, pour qui l’appartenance de « sa » « province » kosovare revêt un aspect tout particulier, presque mythologique.

Le redémarrage des négociations à Berlin est, de ce point de vue, prometteur, et doit être suivi d’actions concrètes. Comme Angela Merkel l’a justement souligné, « il est dans l’intérêt de l’Europe que la situation dans cette zone évolue de manière positive ». C’est aussi ce que croit Emmanuel Macron, qui a promis de se « réengager » dans cette région aux portes de l’UE, dont plusieurs pays sont d’ores et déjà engagés dans des processus d‘adhésion à l’UE (dont l’autre ancienne province serbe du Monténégro, devenu indépendant en 2006). Ce réengagement européen était très attendu, dans le cadre du processus lancé lors du Sommet de Thessalonique en 2003, réaffirmant la vocation des pays des Balkans Occidentaux à intégrer l’UE.

La France et l’Allemagne, recouvrant leur capacité d’être le « moteur » de l’Europe ont ainsi fait la promesse de relancer les négociations entre la Serbie et le Kosovo, hélas, au point mort depuis Novembre.  Mais au-delà de la volonté du couple franco-allemand, dont l’initiative est à souligner, Serbes et Kosovars doivent surtout et pleinement s’emparer de ce défi.

Certes, ces derniers mois ont été compliqués par l’instauration par le Kosovo d’une lourde taxe sur les produits serbes, après que ces derniers aient exercé des pressions pour bloquer l’adhésion du Kosovo à Interpol et à l’UNESCO. S’ajoute à cela un débat houleux autour d’un possible échange des territoires entre les deux pays. Une mesure qui, pour beaucoup, ouvrirait une véritable boîte de Pandore dans une région encore prisonnière des antagonismes du passé.

Malgré tout, le président du Kosovo, Hashim Thaci s’est dit prêt, lors du Sommet de Berlin, à normaliser les relations entre son pays et la Serbie, conscient que ce prérequis était indispensable pour l’adhésion de son pays à l’Union Européenne. Le président kosovar, aura pu ainsi utilement s’appuyer sur l’accord historique récemment scellé entre la Grèce et la Macédoine du Nord et ainsi adresser un message volontariste à son voisin, à l’UE et aux Etats-Unis - pour qui la stabilité dans les Balkans occidentaux ne saurait déroger au fragile statu-quo conclu, sous leur égide, à Dayton, en 1995.

Mais si Serbes et Kosovars se doivent de normaliser leur relation, l’UE a, dans le même temps, l’ardente nécessité de parrainer ce processus. Malgré les tensions qui l’animent, cette dernière reste un horizon incontournable. Elle offre un modèle d’intégration, de paix et de stabilité, et représente les meilleures perspectives de prospérité partagée pour elle et son voisinage immédiat, que sont les six pays d’Europe du Sud-est (Bosnie-Herzégovine, Serbie, Monténégro, Kosovo, Albanie, Macédoine du Nord).

L’Union européenne est aussi et surtout un rempart contre les tentatives répétées d’entrisme diplomatique dans les Balkans venus de Chine, de Russie, ou de Turquie. Il serait ainsi dans l’intérêt de la France, de l’UE et de ses membres non seulement de promouvoir un accord entre les deux pays mais aussi de s’ouvrir davantage - économiquement comme diplomatiquement - aux Balkans occidentaux tout entiers. Cent ans après, la fin de la première guerre mondiale, qui avait scellé le destin européen de la région, et qui constitue toujours un profond lien de solidarité et d’amitié, la culture européenne de paix, ainsi que la pratique efficace du consensus doit l’emporter face aux convoitises et ingérences extérieures.

Le sommet qui s’est tenu à Berlin le 29 avril dernier, sera suivi par un autre rendez-vous, tout autant attendu, début Juillet, à Paris cette fois. Gageons qu’il se soldera par un accord pérenne entre Belgrade et Pristina, sous parrainage franco-allemand.

Ce geste, permettrait, en outre, de redonner corps  à une véritable politique européenne vis-à-vis de la région, à l’instar des ambitions tracées, en 1999,  par le biais du « Pacte de Stabilité pour l’Europe du Sud-est », lointain précurseur de la « Stratégie européenne pour les Balkans occidentaux », annoncée par le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, lors de son discours sur l’état de l’Union, en septembre 2017, devant le Parlement européen.

Le peuple kosovar, malgré de réels efforts économiques et démocratiques, reste encore sur le banc de touche  de la scène internationale, isolé par Belgrade mais aussi dans une moindre mesure par Bruxelles : les institutions européennes trainent encore les pieds pour que les Kosovars puissent se déplacer sans visa dans l’Espace Schengen, un droit dont tous leurs voisins bénéficient.

Alors que le Kosovo a fêté, en février 2018, ses dix ans d’existence, les efforts faits par le pays en matière économique et dans la lutte contre la corruption méritent d’être pris en compte.

En lui tendant ainsi la main vers un accompagnement de cette réconciliation avec son voisin, l’occasion pour l’UE d’envoyer, par là même, un signal fort face aux replis identitaires et nationalistes à travers le monde doit être saisie avec enthousiasme.

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