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Et encore des contacts "volés" à ses utilisateurs : l’heure de dissoudre Facebook est-elle venue ?
©Josh Edelson / AFP

Jail Zuckerberg ?

Facebook est au coeur d'un nouveau scandale qui va nuire à son image. La société de Mark Zuckerberg aurait téléchargé les contacts e-mails de 1.5 millions d'utilisateurs depuis 2016.

Frédéric Mouffle

Frédéric Mouffle

Directeur général associé du groupe ASK’M / KER-MEUR. Expert en cyber sécurité. Conférencier sur les menaces émergentes, spécialisé dans la sensibilisation auprès des entreprises.

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Atlantico.fr : Selon l'agence Reuters, la société Facebook a déclaré ce mercredi 17 avril avoir "non intentionnellement téléchargé" les contacts emails de 1.5 million de ses nouveaux utilisateurs apparus depuis mai 2016. En l'espèce, ne peut-on pas considérer que nous avons dépassé le stade de l'acceptable ? Faut-il simplement arrêter Facebook d'une façon ou d'une autre ou s'agit-il d'un problème de direction ? 

Frédéric Mouffle : Ce n’est pas la première fois que la gestion des données personnelles confiées à Facebook fait scandale. Chacun place le stade de l’acceptable ou il le veut puisque même s’il n’est pas normal que des données personnelles puissent être partagées sans autorisation, il est nécessaire d’arrêter de penser que l’on peut disposer d’une vie privée sur Facebook ou tout autre réseau similaire. Ce n’est plus un secret que les données personnelles sont utilisées pour permettre aux annonceurs de mieux cibler leurs publicités. D'ailleurs, fin 2018 déjà, une enquête du New York Times révélait que plus de 150 entreprises avaient bénéficié d’un accès à des données initialement confidentielles.   

Cette affaire s’inscrit dans une longue liste d’affaires similaires et les scandales de ce genre n’ont pas fini de défrayer la chronique. Les internautes sont de plus en plus sensibles à ces problématiques et inévitablement, cette affaire va contribuer à intensifier la chute de Facebook, qui, sous prétexte d’être tout puissant, pense pouvoir tout se permettre. 

Les justifications que fournit la direction de Facebook ne font que renforcer cette dynamique. Facebook ne manque pas de jouer la carte de la transparence, en parlant de « bug » cette fois mais aussi parfois en rappelant que les utilisateurs étaient clairement informés de l’utilisation de leurs données. Il ne fait aucun doute qu’à la longue, la politique plus que douteuse de Facebook finira par mener le réseau à sa perte et par encourager les utilisateurs à se tourner vers d’autres réseaux. En revanche, rien ne permet aujourd’hui de penser que d’autres réseaux pourraient apporter une meilleure protection des données personnelles, d’autant plus que de nombreux réseaux ont déjà été rachetés par le groupe Facebook…

Quelles sont les failles du management de Mark Zuckerberg, qui a pu être critiqué au sein des compagnies rachetées par Facebook, comme WhatsApp ou Instagram ? 

Depuis quelques années maintenant, Facebook a fait l’objet de nombreux scandales, ce qui a convaincu de nombreux utilisateurs de se tourner vers d’autres réseaux. Conscient de la popularité grandissante de ces derniers, Facebook a racheté certains d’entre eux, comme ce fut le cas pour WhatsApp et Instagram. Des rumeurs laissent entendre que la direction de Facebook aurait également cherché à racheter Snapchat, ce qui n'a pour l'instant pas été concrétisé. Suite à ces rachats, les fondateurs respectifs de ces plateformes ont rapidement eu des divergences d’opinions avec la direction de Facebook et, effectivement, beaucoup soulèvent des failles de management de la part de Mark Zuckerberg. 

En septembre dernier, six ans après le rachat d’Instagram par Facebook, on a assisté à la démission des deux fondateurs d’Instagram. Si ces derniers n’ont pas donné d’explications, il semblerait qu’ils soient rentrés en conflit avec Mark Zuckerberg. Instagram, dont la popularité est grandissante, a d’abord profité d’une certaine indépendance mais celle-ci a progressivement été réduite. Au final, Instagram, comme les autres réseaux sociaux rachetés par Mark Zuckerberg, risquent de devenir de simples branches de Facebook. 

Ce fut le même schéma pour WhatsApp. Rachetée en 2014, la plateforme est restée indépendante au départ mais des désaccords se sont rapidement installés entre Mark Zuckerberg et le fondateur de WhatsApp qui a quitté ses fonctions en avril 2018. A priori, cela serait dû à des désaccords concernant l’utilisation des données personnelles, le chiffrement des messages mais aussi la mise en place d’options payantes et de publicités ciblées. 

A chaque fois, Facebook entre donc dans une logique de rentabilité et instaure la monétisation des données. Par le rachat de ces plateformes, le plus grand des réseaux sociaux du monde parvient à récupérer de plus en plus de données qui permettent à Facebook d’augmenter le coût de leurs fichiers clients. Finalement, ce qui semble motiver le management de Mark Zuckerberg c’est l’argent bien plus que la sécurité de ses clients. 

Quels sont les précédents de ce type - visant la sécurité des utilisateurs- les plus importants dans l'histoire de Facebook, qui devraient nous alerter, et pousser les gouvernements ou les utilisateurs à agir ? 

Depuis la création du Facebook, de nombreux problèmes relatifs à la sécurité et à la confidentialité des données ont été révélés. On peut citer la consultation de 200 millions de mots de passe par les employés de Facebook en mars dernier ou encore l'accès à des données initialement confidentielles par plus de 150 entreprises telles que Netflix, Amazon, Apple ou encore Yahoo, fin 2018. On a également beaucoup entendu parler de nombreux piratages mais aussi de l'implication de Facebook dans l'ingérence russe lors des élections présidentielles américaines. 

Le scandale Cambridge Analytica en mars 2018 est certainement l’épisode qui a le plus ébranlé la confiance des utilisateurs envers Facebook. Cette société de profilage politique avait capté les données de millions d’internautes sans leur consentement, ce qui aurait notamment servi la campagne de Donald Trump. Selon un sondage IFOP publié en 2018 dans la Parisien Magazine, un français sur quatre envisageait de supprimer leur compte à la suite de ce scandale. 

Si Facebook avait affirmé renforcer sa politique de protection de la vie privée à la suite du scandale de Cambridge Analytica, force est de constater que les fuites de données n’ont pas cessé et qu’elles ne cesseront certainement pas. Même s'il semble difficile pour les gouvernements d'agir face à une entreprise aussi puissante, ils ont peut être effectivement un rôle à jouer là dedans. L'année dernière, le gouvernement britannique avait d'ailleurs utilisé tous les moyens à sa disposition pour saisir des documents internes à Facebook. Certains de ces documents, notamment des mails, montraient que la patron de Facebook avait menti au Congrès concernant sa politique de confidentialité et qu'il était parfaitement conscient des failles de sécurité qui avaient permis à Cambridge Analytica de récolter les données de millions de personnes. 

Ce qui est essentiel aujourd'hui, c'est de garder à l’esprit que nos données personnelles valent de l’or pour des sociétés comme Facebook et qu’elles nous échappent dès lors qu’elles sont communiquées sur les réseaux sociaux. Peu importe que nous ayons communiqué ces données de manière volontaire ou non, elles seront utilisées et monétisées, notamment à des fins publicitaires. 

Puisque le constat est posé, c’est peut-être à chacun d’entre nous d’être prudent et raisonné dans l’usage de réseaux sociaux tels que Facebook. 

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