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Retraités dans la rue : ces facteurs qui pèsent sur leur pouvoir d’achat bien au-delà du montant de leurs pensions
©Reuters

Pouvoir d'achat des retraités

Suite à l'appel des syndicats, les retraités manifesteront dans toute la France ce jeudi 11 avril, pour défendre leur pouvoir d'achat.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Du montant des pensions, en passant par la fiscalité, les évolutions de prix, notamment dans l'immobilier, ou dans le domaine de la santé...quels ont été, au cours de ces dernières années, les principaux freins à l'amélioration du pouvoir d'achat des retraités ?

Philippe Crevel : Les retraités ont connu une augmentation de leur pouvoir d’achat jusqu’en 2012. Les mesures prises depuis, fiscalisation des majorations familiales, réduction de la demi-part supplémentaire pour les veufs et les veuves, augmentation de la CSG, désindexation des pensions, ont sensiblement modifié la donne. Certes, aujourd’hui, encore, le niveau de vie moyen des retraités est de plus de 3 points supérieur à celui de l’ensemble de la population. Mais, le ressenti est tout autre notamment en raison de la concentration dans le temps des mesures les visant. Les retraités sont, en revanche, peu touchés par l’envolée des prix de l’immobilier car 75 % d’entre eux sont propriétaires de leur résidence principale. Par ailleurs, ils détiennent une part importante du patrimoine sous forme de placements financiers et immobiliers. Ils sont, en revanche, plus atteints par l’augmentation des prix des services qui suivent l’évolution des salaires. La faible inflation rend très visible l’absence de revalorisation des pensions. Dans les années 80, l’inflation était de 8 % et les pouvoirs revalorisaient à hauteur de 5 ou 6 %. Les retraités perdaient deux points de pouvoir d’achat mais cela ne se voyait pas.

Ne pourrait-on pas voir la faible dynamique de l'emploi en France, base du financement des pensions, comme la principale menace qui pèse sur le pouvoir d'achat des retraités ?

Les retraites sont conditionnées par le niveau des ressources, essentiellement les cotisations assises sur les salaires, leur montant défini selon les règles en vigueur et l’âge de liquidation ainsi que la démographie (nombre de personnes de plus de 60 ans, espérance de vie). En matière de démographie, la tendance est claire. Le nombre de personnes de plus de 60 ans augmentera dans les trente prochaines années du fait de l’arrivée à cet des générations du baby-boom et de l’allongement de l’espérance de vie. Actuellement, cette dernière est de plus de 25 ans à 60 ans quand elle était de 15 ans en 1950. Le nombre de retraités devrait ainsi passer de 16 à 25 millions de 2018 à 2060. La masse salariale dépend du nombre d’emplois et des gains de productivité avec en filigrane la question du partage de la valeur ajoutée. Sans croissance, sans création d’emploi, il y a un problème pour financer les retraites. Il sera difficile de poursuivre l’augmentation des prélèvements qui auraient comme conséquence de détruire des emplois et donc de rétrécir la masse imposable. Il est délicat ouvertement de baisser les pensions. Les pouvoirs publics préfèrent le faire pour les générations qui viennent. C’est plus indolore mais assez injuste. La solution passe en partie par une amélioration de la situation de l’emploi. En 2018, la France a créé 106 000 emplois contre plus de 300 000 en 2017. Pour réellement améliorer la situation, il faudrait sans nul doute être capable de créer plus de 250 000 emplois par an et ramener le taux de chômage à 5 % contre 8,8 % actuellement. La planche de salut vient de la productivité. Or, celle-ci dans une économie tertiaire se fait plus rare.

Dans quelle mesure une redynamisation de ce marché de l'emploi pourrait apporter une solution à cette problématique ? Quels seraient les remèdes les plus appropriés pour apporter une réponse aux retraités ?

Dans les prochaines années, la France pourrait manquer de spécialistes, de compétences dans de nombreux métiers. Certains secteurs manquent déjà de bras et de cerveaux. Il faut encourager les sorties progressives, inciter le cumul emploi / retraite en autorisant à nouveau ceux qui le pratiquent à se constituer des droits pour leur retraite comme cela était le cas avant 2014. L’affaire des retraites, ce n’est pas que de la comptabilité, de la tuyauterie, il y a beaucoup de psychologie, de pédagogie à réaliser. Les pouvoirs publics pourraient s‘inspirer du modèle suédois qui repose sur les comptes notionnels. La pension dépend de l’espérance de vie à la retraite. Une personne partant à 62 ans aura une pension plus faible qu’une autre décidant de liquider deux ou cinq ans plus tard. Évidemment, il faut avoir des mécanismes correcteurs pour ceux ont été confrontés durant leur vie professionnel à des tâches pénibles. Des compensations sous forme de majorations de points peuvent être imaginées. Il faut bien prendre conscience qu’il n’y a pas d’un côté les retraités et de l’autre els actifs. Il y a une chaine qui lie les uns aux autres. Si les retraites chargent trop la barque, la sphère productive risque d’être asphyxiée. Inversement, des retraités pauvres serait socialement injuste et aurait des conséquences économiques. Il faut trouver un équilibre gagnant-gagnant.

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