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Brexit : le gouvernement et le parlement retrouveront-ils leur sang froid lors de cette semaine décisive ?
©DANIEL LEAL-OLIVAS / AFP

Disraeli Scanner

Lettre de Londres mise en forme par Edouard Husson. Nous recevons régulièrement des textes rédigés par un certain Benjamin Disraeli, homonyme du grand homme politique britannique du XIXè siècle.

Disraeli Scanner

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Benjamin Disraeli (1804-1881), fondateur du parti conservateur britannique moderne, a été Premier Ministre de Sa Majesté en 1868 puis entre 1874 et 1880.  Aussi avons-nous été quelque peu surpris de recevoir, depuis quelques semaines, des "lettres de Londres" signées par un homonyme du grand homme d'Etat.  L'intérêt des informations et des analyses a néanmoins convaincus  l'historien Edouard Husson de publier les textes reçus au moment où se dessine, en France et dans le monde, un nouveau clivage politique, entre "conservateurs" et "libéraux". Peut être suivi aussi sur @Disraeli1874

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Londres, Le 7 avril 2019 Mon cher ami, Il y a ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous. Je crains bien que le Brexit dépende désormais de nous autres Britanniques et seulement de nous. Mon ami David Davis revient de Berlin, où la Chancelière et son probable successeur, Madame Kramp-Karrenbauer, ont envoyé ces derniers jours des signaux clairs. L’Allemagne serait prête à négocier sur la question de la frontière irlandaise. Tout devrait amener à faire passer l’accord de Theresa May sans le backstop. Or John Bercow et Theresa May ont commis deux énormes erreurs dans les dix derniers jours. Le Speaker, en portant atteinte au principe qu’il avait lui-même fixé, selon lequel il n’était pas possible de faire passer une troisième fois l’accord Robbins-Barnier, s’il n’était pas modifié; le Premier ministre en se mettant à négocier avec Jeremy Corbyn une « union douanière » qui n’est rien d’autre que son plan à elle sous un autre nom. J’étais, samedi 6 avril, l’invité d’Edward Young, Secrétaire particulier de la Reine. Nous nous connaissons bien, de l’époque où Edward était actif au Parti conservateur, d’abord auprès de Michael Portillo, puis de William Hague. Edward a ensuite travaillé dans le secteur des fusions et acquisitions; après avoir rejoint le secrétariat particulier de la Reine, il est devenu l’adjoint du secrétaire particulier, Christopher Geidt, en 2007; il a succédé en 2017 à ce dernier, poussé vers la sortie par Charles et Andrew, incapables de s’entendre sur quoi que ce soit sauf sur le sort du secrétaire particulier. Edward m’invite à dîner deux ou trois fois par an. Il me soutient qu’il est sérieux quand il me raconte que la Reine lui demande, de temps en temps: « Qu’en pense Monsieur Disraëli? ». Benjamin l’Ancien avait établi une relation de confiance avec la Reine Victoria; et son arrière-arrière petite-fille s’en souvient très bien, me prétend Edward. Samedi soir, l’essentiel du dîner a porté sur le Brexit. Nous avons passé en revue les derniers mois. J’ai souligné à mon interlocuteur le paradoxe d’une Grande-Bretagne dont le Parlement avait envoyé promener toutes les menaces de Bruxelles mais qui est incapable d’en cueillir les fruits et, au contraire, est en train de dilapider les gains politiques qu’il avait encaissés. J’ai exposé à Edward la vision que je partage avec David Davis: il est urgent que Londres s’entende avec Berlin sur la ligne exposée par Annegret Kramp-Karrenbauer. Ce serait une belle sortie, par le haut, dans l’honneur. Ce à quoi le secrétaire particulier m’a répondu, par une question, que lui a posée la Reine il y a quelques jours: « Pourriez-vous demander à Monsieur Disraëli, s’il y a une chance que le Parlement et le Gouvernement retrouvent leur sang-froid? ». En entendant ces mots de la Reine, j’ai vu défiler bien des images des derniers jours: un Speaker qui se dédie et des Brexiteers intransigeants, tels Jacob Rees-Mogg, qui votent le texte d’accord, à la troisième tentative de Theresa May alors qu’il aurait mieux valu le voter dès le départ ou ne pas le voter du tout. Cette même Theresa May qui tend la main à un Corbyn discrédité par sa politique du « chien crevé au fil de l’eau » puis qui demande encore un délai, jusqu’au 30 juin, pour le Brexit, et qui envisage, sans majorité pour cela dans son gouvernement, de lancer la Grande-Bretagne dans de nouvelles élections européennes, au risque de casser son parti et de lui faire perdre militants et électeurs. Puisqu’il s’agissait de répondre à la Reine, j’ai usé de l’analogie historique. Nous voici plongés dans une crise bien plus grave que celle de l’abolition des Corn Laws, des lois protectrices des producteurs de céréales, en 1846. Comme à l’époque, le parti conservateur risque de se couper en deux; et comme à l’époque il pourrait se former au centre une grande majorité progressiste, européiste, rassemblant les wets du parti conservateur, les libéraux-démocrates, les blairites et le parti indépendantiste écossais. Mais il y aurait une différence énorme par rapport à 1846: le débat ne se passerait pas entre deux forces éprises de la grandeur de l’Angleterre; le nouveau parti progressiste que Jeremy Corbyn et Theresa May, contre tout bon sens, s’obstinent à faire émerger, en sciant la branche respective sur laquelle ils sont assis, représenterait une capitulation face à l’Union Européenne, qui n’en demandait pas tant. Et cela plongerait le pays dans une forme de chaos politique, qui, pour le coup, ferait perdre leur sang frois aux marchés. A la différence du XIXè siècle, où Benjamin l’Ancien reconstruisit patiemment le Parti conservateur, je ne suis pas sûr que les Tories survivraient. « Alors, oui, Edward, nous allons faire tout ce que nous pouvons, dans les prochains jours, dans les prochaines quarante-huit heures même, pour arrêter l’hémorragie des militants conservateurs sur le terrain, rassembler le groupe parlementaire et faire sortir de son obstination une Theresa May d’autant plus dogmatique qu’elle imagine des dangers qui n’existent pas! Voilà comment j’entends que le Parlement et le Gouvernement reprennent leur sang-froid!». Mon cher ami, les prochaines journées vont être décisives. Je vous laisse pour aller dîner avec Boris Johnson. C’est vous dire comme je suis désespéré et prêt à faire feu de tout bois ! Bien fidèlement à vous Benjamin

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