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Allo docteur, peut-on faire des petits arrangements avec les nouvelles recommandations de consommation d’alcool pour gérer son stress et autres angoisses
©FRED DUFOUR / AFP

Arbitrage

Personne ne doute des méfaits de la consommation excessive d’alcool sur la santé. Pour autant, y a-t-il d’autres risques à réduire sa consommation d’alcool quand celle-ci permet d’atteindre un certain équilibre.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : L'Agence nationale de santé publique a lancé avec le Ministère des Solidarités une campagne visant à rappeler aux Français les dangers de la consommation d'alcool. Selon un article publié sur leur site, 24% des Français dépasseraient l'un des "repères de consommation d'alcool" recommandés (10 verres maximum par semaine, 2 verres maximum par jour, des jours dans la semaine sans consommation). S'il ne s'agit pas de contester ces résultats, car la modération s'impose bien sûr, la consommation modérée d'alcool (et notamment de vin, qui représente 58% de notre consommation d'alcool totale) peut-elle avoir des effets positifs :

- sur la durée de vie : le french paradox est-il un mythe?

Stéphane Gayet : Il est toujours utile de rappeler qu’il n’existe qu’un seul et unique alcool destiné à la consommation humaine, c’est l’alcool éthylique ou éthanol, dont l’origine est essentiellement végétale. L’éthanol est produit par la fermentation alcoolique des sucres végétaux que sont le glucose et le fructose (raisin, pomme, canne à sucre…). Toutes les boissons alcoolisées, du cidre au rhum, doivent leur teneur en alcool à l’alcool éthylique. Depuis plusieurs années, leur concentration en alcool n’est plus exprimée en degrés d’alcool, mais en pourcentage d’alcool. L’alcool éthylique est une substance toxique et pour l’ensemble des organes du corps humain ; les hépatocytes – qui sont de très grandes cellules dont les fonctions sont impressionnantes; ce sont les cellules du foie de très loin les plus abondantes au sein de ce volumineux organe – ont la capacité de détoxifier l’alcool éthylique, mais à la condition que la consommation quotidienne reste modérée : au grand maximum 3 verres de 10 centilitres de vin à 12 % chez un homme en excellente santé (et un peu moins chez la femme semble-t-il). Cependant, cette tolérance hépatique varie sensiblement d’une personne à l’autre, raison pour laquelle on conseille de ne pas dépasser deux verres ; pour certains auteurs, ce seuil doit être abaissé à un verre et demi.

L’alcool méthylique ou méthanol, parfois aussi appelé carbinol, est le plus simple des alcools. Il est essentiellement produit à partir de combustibles fossiles. C’est une molécule particulièrement toxique pour le corps humain : il est transformé par le foie en formol (formaldéhyde), puis en acide formique. Cet alcool très redoutable peut tuer à court terme, du fait de sa grande toxicité pour les centres nerveux, ou provoquer lors d’une consommation prolongée une cécité (la cécité dite liée à l’alcool frelaté, cet alcool industriel étant moins coûteux que l’alcool éthylique). L’alcool à brûler et l’alcool ménager (il est utilisé pour le nettoyage et désinfection) sont en général des mélanges d’alcool éthylique et d’alcool méthylique.

Alors, qu’en est-il des effets soi-disant bénéfiques de l’alcool ? Ces rumeurs populaires sont liées aux propriétés des tanins provenant des fûts de chêne. Les vins rouges en sont particulièrement riches, mais à la condition qu’ils soient élevés dans des fûts de chêne. Ces tanins du chêne – il y a aussi des tanins provenant de la grappe de raisin, mais ils seraient moins protecteurs – sont considérés comme des substances antioxydantes et donc anti-vieillissantes ; on leur reconnaît ainsi une action préventive vis-à-vis de l'athérome coronarien et cérébral. Par ailleurs, l'alcool éthylique ou éthanol aurait lui-même un effet protecteur sur les artères coronaires et cérébrales à petite dose ; la discussion porte sur le niveau de cette « petite dose ». Il semble très probable qu'avec plus de 10 verres par semaine, soit en moyenne un peu moins d'un verre et demi par jour, les effets toxiques de l'éthanol l'emporteraient sur les effets protecteurs du vin (pris dans sa globalité). Deux études à grande échelle sont contradictoires : l'une conclut au fait que, même à dose minime (un verre par jour et même moins), le vin serait plus toxique que bénéfique ; l'autre au fait que jusqu'à 10 verres par semaine, le vin serait plutôt bon d’une façon globale pour la santé. Il faut insister sur la difficulté de mener de telles études : le vin est une boisson composite riche  et il n’y a pas deux vins semblables.

Évidemment, on a essayé de séparer les tanins de l’alcool éthylique : cela produit une boisson imbuvable et non conservable.

De plus, il faut distinguer les effets cardiovasculaires des effets cancérigènes. Car pour ces derniers, il n’existerait pas de seuil ; en d’autres termes, une consommation quotidienne même minime d’alcool augmenterait le risque de cancer.

Ce type de conclusion est souvent mal reçu en France qui est le pays du vin. On ne peut que reconnaître que déguster un repas gastronomique à l’eau est sans commune mesure avec la même dégustation accompagnée cette fois d’un vin grand cru bien choisi. Il ne s’agit pas de proscrire le vin, certainement pas. Mais il faut accepter la conclusion selon laquelle le vin n’est pas une boisson de table pour tous les jours de la semaine. On pourrait adopter comme limite à ne pas dépasser celle de ¾ de verre (soit un verre non rempli) deux fois par jour de vin à 12 %. A cette dose, l’augmentation du risque de cancer est si faible que, compte tenu des autres cancérigènes de notre alimentation et de notre environnement en général, c’est tout à fait acceptable. Il y a aussi la possibilité de s’abstenir en semaine pour consommer un peu plus le week-end. Il n’est pas dans notre mission de conseiller au président de la République ce qu’il doit faire en ce domaine ; mais peut-être serait-il opportun qu’il change de format de verre ? À condition que cela n’entraîne pas des dépenses déraisonnables.

- Sur le stress et par conséquent sur les maladies liées au stress ?

L’alcool éthylique a des effets psychiques importants. Ce sont ceux qui se manifestent rapidement, à court terme. Ils sont riches et ont un impact évident sur nos relations avec les autres. Ces effets sont bien connus de tous et certains peuvent même être considérés comme favorables : désinhibition relationnelle, loquacité, jovialité, envie de rire, de faire rire et de s’amuser, sensation de bien-être, libération des émotions, relativisation des difficultés, évacuation du stress et détente, atténuation des sensations douloureuses et facilitation de l’assoupissement.

Bien sûr, il existe en contrepartie tous les effets défavorables et même dangereux : troubles de la coordination des gestes et perturbations de l’équilibre, ralentissement des réflexes et de toutes les réactions conscientes, difficultés à bien articuler les mots, gêne dans la concentration et la réflexion, perception déformée de la réalité, mauvaise appréciation des dangers pouvant conduire à la témérité et d’une façon générale exagération de la subjectivité.

Il va sans dire que l’imprégnation alcoolique aiguë est un facteur important d’accident (voie publique, travail, loisirs…).

Mais il n’en reste pas moins vrai que l’alcool éthylique est anxiolytique, un peu comme les benzodiazépines qui sont aussi appelées médicaments tranquillisants ou anxiolytiques. Dans le même ordre d’idées, il est anti-stress. Ces effets sont ceux qui sont recherchés et appréciés par les buveurs réguliers d’alcool : ils souffrent habituellement d’une anxiété et d’une mauvaise adaptation au stress répété. L’alcool est également une échappatoire pour les personnes qui souffrent d’une timidité maladive associée à une inhibition handicapante. Chez de tels individus, il procure un mieux-être passager, mais au prix des nombreux effets toxiques (l’alcool est néfaste pour tous les organes et favorise de nombreux cancers, et cela de façon exacerbée quand il est associé à un tabagisme chronique).

Y a-t-il une différence entre la consommation de vin et celle d'autres alcools quant aux effets sur la santé ?

S’agissant des boissons alcoolisées à usage alimentaire, il n’existe pas de « bons » ni de « mauvais » alcools, puisqu’il s’agit toujours d’alcool éthylique, dont le titre ou concentration peut varier de 2 % (les cidres doux) à 58 % (certains Whiskies), et même davantage (mais cela ne concerne que très peu de boissons qui ont une très forte teneur en alcool).

Les seules différences entre les boissons alcoolisées, outre la concentration en alcool, portent sur les diverses substances qui accompagnent l’alcool, dont les tanins sont les plus connues et les plus étudiées.

Par ailleurs, certains vins sont riches en sucres, se sont principalement les vins liquoreux. Les bières renferment elles aussi des sucres (glucides), mais qui ne suffisent pas à expliquer la prise de poids des buveurs de bière. Cette dernière - avec en particulier le fameux «ventre de bière» - serait principalement due à la consommation de charcuterie grasse qui s’associe habituellement à celle de bière.

Mais comme nous l’avons vu plus haut, les différences concernant les effets à long terme sur la santé, constatées entre les différentes boissons alcoolisées, sont surtout attribuées aux tanins, eux-mêmes liés à l’élevage des vins en fût de chêne.

Enfin, on ne saurait terminer sans parler du rhum. Les Antillais prêtent de nombreuses vertus au rhum que certains vont même jusqu’à élever au rang de médicament. La fameuse recette du grog, qui associe du miel, du jus de citron et du rhum, est largement utilisée pour aider à lutter contre les effets d’un refroidissement. Or le rhum est, plus particulièrement en Martinique, connu pour améliorer d’assez nombreuses maladies. Mais cela reste encore mystérieux et fort peu étudié. Mythe ou réalité ?

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