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Pourquoi le grand débat pourrait déboucher sur le retour du monde d’avant
©PHILIPPE WOJAZER / POOL / AFP

EDITO

Le grand débat lancé par Emmanuel Macron pour ausculter les Français approche de sa fin avec la synthèse qui sera dressée, annonciatrice en principe de décisions que tout le monde attend pour réformer le pays.

Michel Garibal

Michel Garibal

Michel Garibal , journaliste, a fait une grande partie de sa carrière à la radio, sur France Inter, et dans la presse écrite, aux Échos et au Figaro Magazine.

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Pour l’instant c’est la grande inconnue. Car les deux millions de contributions recueillies n’apportent pas de révélations fondamentales. On n’y trouve pas de remède miracle, mais plutôt une collection de revendications pour réclamer davantage de pouvoir d’achat, de services publics, de sécurité, et moins d’impôts, selon un inventaire à la Prévert, où l’imagination n’est pas au rendez-vous, mais qui ressemble à un catalogue de vieilles recettes qu’on distille depuis plusieurs dizaines d’années. Ce tableau fait ressortir les contradictions dans les demandes et témoigne surtout de la division du pays. Au demeurant, l’exemple britannique prouve que cette situation n’est pas propre à la France, mais gangrène la plupart des grands pays industrialisés. 

Nul doute que les premiers résultats du grand débat ont déjà provoqué une certaine déception à l’Elysée où l’on aurait souhaité voir apparaitre quelques perspectives réalistes de projets sur lesquels le pouvoir pourrait s’appuyer pour tenter la mobilisation générale souhaitée par l’exécutif pour responsabiliser les Français dans les grandes tâches qui les attendent. Emmanuel Macron voulait convaincre l’opinion que tout le monde était dans le même bateau, alors que nos compatriotes poursuivent inlassablement leurs revendications catégorielles, en évoquant leur situation personnelle au jour le jour et en refusant de se projeter dans l’avenir. On vient encore de le voir à propos du vieillissement de la population : une majorité refuse de regarder en face les problèmes que va poser la dépendance, qui imposerait de retarder l’âge de la retraite, alors que les Français s’arcboutent sur l’âge de 62 ans pour quitter la vie active, loin derrière le couperet qui tombe dans la plupart des pays à 65, voire 67 ans.

Au fil des discussions qui viennent d’avoir lieu, c’est un grand désarroi qui s’affiche dans les populations, devant la complexité croissante à laquelle il faut faire face, qui aboutit à une sorte de paralysie générale. On multiplie le millefeuille administratif, auquel Bruxelles rajoute une note supplémentaire. On vote sans cesse des lois nouvelles dont l’application laisse à désirer, d’autant qu’elles reprennent parfois des dispositions anciennes dont on avait oublié qu’elles étaient toujours en vigueur. La réforme des régions qui voulait s’inspirer du système allemand ajoute à l’inefficacité et aux rivalités de compétences entre les responsables de l’administration. Finalement, tout le monde s’agite et prétend s’occuper de tout, contribuant à opacifier le fonctionnement des institutions et à développer l’isolement des citoyens. Une refonte générale de l’organisation administrative s’impose chaque jour davantage et l‘opinion s’impatiente devant l’incapacité qu’elle dénonce et qui se traduit par une remise en cause des élites, incapables de définir un cap. Le pouvoir navigue trop entre la vision comptable distillée par Bercy, et la lâcheté des politiques toujours prêts à se résigner à des compromissions, qui se bornent à des modifications de détail à la marge sans affronter les problèmes de face. Le tourbillon des chiffres jetés quotidiennement en pâture tend à accréditer l’idée qu’on est dans une impasse, où tout changement impliquerait qu’on prenne aux uns ce qu’on accorderait aux autres, avec en arrière-plan le sentiment diffus qu’il faudrait poursuivre la politique de redistribution, alors que la France bat des records d’endettement. Ce sentiment risque de prendre une nouvelle ampleur, alors que les derniers chiffres sur l’état de la conjoncture publiés en mars traduisent un léger mieux à court terme. Déjà des voix s’élèvent pour estimer qu’il est urgent d’attendre pour les réformes. L’attentisme peut facilement refaire surface. Et la gestion au fil de l’eau qui est la règle depuis une quarantaine d’années pourrait revenir en force, prouvant que le monde d’avant est toujours en place.

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