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La Maison Blanche veut retourner sur la Lune, et voilà pourquoi c'est une très bonne idée pour l'économie américaine
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Viser la lune

50 ans après Niel Armstrong et Buzz Aldrin, premiers hommes à marcher sur la lune le 20 juillet 1969, Donald Trump a affiché son souhait, ce mardi 26 mars, de voir des astronautes américains sur la lune d'ici cinq ans.

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy est spécialiste de l’astronautique et rédacteur en chef du site d’actualités spatiales de la Cité de l’espace à Toulouse.

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Atlantico : 50 ans après Niel Armstrong et Buzz Aldrin, premiers hommes à marcher sur la lune le 20 juillet 1969, Donald Trump a affiché son souhait, ce mardi 26 mars, de voir des astronautes américains sur la lune d'ici cinq ans. Au delà de la question technique, en quoi ce types de réalisations peuvent avoir un véritable effet positif sur la population, que cela soit en termes de prestige, de fierté, ou de capacités de projections ?


Olivier Sanguy : En terme de prestige et de fierté, on retrouve là un schéma comparable, mais pas totalement identique, car la situation géopolitique est bien évidemment différente, à celui de la course à l’espace des années 1960 entre les États-Unis et l’URSS : c’est-à-dire que la performance spatiale d’un pays est censée être un indicateur de la performance de son moteur économique et de ses choix politiques. Dans la réalité c’est bien entendu plus compliqué. L’annonce relayée par le vice-président Mike Pence le 26 mars est aussi un message politique à plusieurs niveaux en direction de l’électorat américain. Amener des astronautes américains sur la Lune d’ici 5 ans est aisément en phase avec le credo « make America great again ». N’importe qui peut le comprendre. De plus, le fait que la Maison-Blanche demande à la NASA d’accélérer le pas permet à l’exécutif de montrer qu’il n’hésite pas à secouer l’administration pour qu’elle soit plus efficace, et là aussi on voit sans peine une posture très politique en accord avec les idées de Donald Trump. En terme de capacités de projection, n’oublions pas que si les États-Unis ont plusieurs fois redéfini les priorités de leur programme spatial habité civil, le retour vers la Lune initié par George W. Bush fut par exemple annulé par Barack Obama, la doctrine de Space Dominance n’a jamais été remise en cause. Les États-Unis sont persuadés, et ils ont sans doute raison, que pour rester une hyper-puissance ils ne peuvent pas être en retrait sur le spatial. Et actuellement, la place américaine dans monde signifie occuper la première place dans l’espace. La Lune étant le corps céleste le plus proche, la Space Dominance passe par notre satellite naturel, même s’il s’agit d’y mener une exploration à but scientifique et même en coopération avec d’autres pays. L’important étant que la NASA, donc les États-Unis, soit à l’initiative. Dans une société de la connaissance, être à l’initiative de missions scientifiques est un aspect incontournable du « soft power » et permet d’asseoir ou conforter son emprise géopolitique.


Quels sont les bienfaits qui pourraient également en être le résultat, du point des besoins en recherche et développement, en innovation, qui pourraient "ruisseler" vers d'autres secteurs ?


Même si le spatial ne crée par forcément de nouvelles technologies (ça arrive aussi bien entendu), il peut accélérer leur perfectionnement au point de donner un avantage compétitif. Surtout, il faut bien comprendre qu’on n’a jamais mis des liasses de milliards de dollars sous des coiffes de fusées pour les disperser sur orbite ! Un programme spatial c’est avant tout de l’argent public distribué dans le tissu industriel et universitaire du pays concerné. On finance des infrastructures certes, mais aussi des salaires et des formations de haut niveau. Bref, on tire vers le haut de multiples secteurs et les emplois. Enfin, n’oublions pas de quoi on parle, car en matière de spatial on entend souvent des termes comme pharaonique pour qualifier les dépenses. La NASA, qui est l’agence spatiale civile qui reçoit le plus gros budget dans le monde, représente pourtant à peine moins de 1 % du budget fédéral américain !


Du point de vue européen, quels pourraient être les bienfaits d'une telle entreprise, ou d'autres projets analogues ?


En Europe, via les agences de chaque pays, le CNES en France par exemple, et via l’Agence Spatiale Européenne (ESA), cette « recette » du spatial pour irriguer le tissu industriel et universitaire est appliquée depuis longtemps. L’Europe est d’ailleurs devenue aujourd’hui un partenaire de premier rang en matière spatiale. Or, plus vous êtes un partenaire important dans un projet spatial et plus vous en avez les retombées pour votre industrie et vos universités. L’ESA a ainsi demandé à Airbus et Thales Alenia Space d’étudier ce que pourrait être la contribution européenne au projet de station autour de la Lune de la NASA, la LOP-G pour Lunar Orbital Platform-Gateway. Si les États membres de l’ESA sont d’accord, il pourrait par exemple y avoir un module européen dans cette station donc, par réciprocité, une participation importante aux missions scientifiques voire aux vols habités. Le Canada de son côté a déjà officiellement confirmé sa participation et l’Agence Spatiale Canadienne a clairement dit qu’elle s’appuierait sur le tissu industriel et universitaire national. Reste une interrogation : comment se concrétisera l’accélération demandée par l’exécutif américain avec sa volonté de voir des Américains marcher sur la Lune en 2024 ? Aller vite en spatial demande la possibilité technique de le faire mais aussi les budgets qui vont avec. Et là, le vote du Congrès devient incontournable et ne dépend plus de la seule volonté de la Maison-Blanche.?

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