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Révolution silencieuse ? Un groupe de physiciens armés d’ordinateurs quantiques a réussi (en quelque sorte) à remonter dans le temps
©Pixabay

Une heure moins le quart avant Jésus Christ

Grâce à un ordinateur quantique, des scientifiques russes ont réussi à faire revenir artificiellement un électron « informatique » à son état physique initial.

Etienne Klein

Etienne Klein

Etienne Klein est un physicien français, directeur de recherche au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Il a enseigné pendant plusieurs années la physique quantique et la physique des particules à l’École centrale Paris, et est actuellement professeur de philosophie des sciences. Ila publié de nombreux ouvrages et essais dont, en février 2017, Matière à contredire (Editions de l'Observatoire). Il est l'auteur de En cherchant Majorana, le physicien absolu, élu meilleur livre 2013 dans la catégorie Sciences par le magazine Lire.

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Atlantico : Grâce à un ordinateur quantique, des scientifiques russes ont réussi à faire revenir artificiellement un électron « informatique » dans le passé. N’est-ce pas là une avancée qui pousse à reconsidérer la deuxième loi de la thermodynamique ?

Etienne Klein : Il faut ici faire attention aux mots employés. L’électron en question, plus exactement sa représentation par une simulation, n’est pas « remonté dans le passé ». Il n’a pas « voyagé dans le temps ». Il a simplement retrouvé, au bout d’un certain temps, l’état physique qui avait été le sien initialement. En d’autres termes, son évolution a été « réversible ».

Pour comprendre cette nuance sémantique, qui est de taille, il faut avoir à l’esprit la distinction qui existe entre le cours du temps et la flèche du temps.

Le cours du temps est ce qui permet d’établir un écart, une distance, en fait une durée, entre deux instants distincts. Il est toujours irréversible, puisqu’un même instant ne peut pas advenir deux fois. La flèche du temps, quant à elle, exprime le fait que certains systèmes physiques évoluent de façon irréversible : ils ne retrouveront jamais dans le futur les états physiques qu’ils ont connus dans le passé. La flèche du temps est donc mal nommée, puisque c’est une caractéristique non du temps même, mais de la dynamique des systèmes physiques.

Cette irréversibilité des phénomènes a longtemps semblé contredire les équations fondamentales de la physique, car celles-ci sont toutes « réversibles », c’est-à-dire ne changent pas de forme lorsqu’on renverse sur le papier le sens d’écoulement du temps, c’est-à-dire qu’au lieu d’aller du passé vers le futur, il va du futur vers le passé. Mais tout en restant dans le cadre de ces équations, les physiciens ont fini par identifier de possibles explications de la flèche du temps, notamment grâce au second principe de la thermodynamique qui impose que l’entropie d’un système isolé ne peut que croître au cours du temps : toutes ces explications présupposent toutefois l’existence préalable d’un cours du temps bien établi, au sein duquel des phénomènes temporellement orientés, c’est-à-dire ne pouvant se produire dans les deux sens, viennent prendre place.

Le problème auquel s’est attaqué l’équipe russe concerne donc uniquement l’asymétrie des processus physiques au cours du temps, non l’asymétrie du cours du temps lui-même. Une analogie spatiale nous aidera à illustrer cette distinction cruciale. Imaginons une salle, très longue, dont la géométrie est parfaitement symétrique (songeons à un parallélépipède) : tous les murs en vis-à-vis sont identiques. Supposons maintenant que les chaises disposées dans cette salle soient toutes orientées dans le même sens. Le problème consistera alors à tenter d’expliquer l’asymétrie de la disposition des chaises, et non l’asymétrie de la salle elle-même. De la même façon, la flèche du temps correspond à une asymétrie des « contenus » du temps, c’est-à-dire des phénomènes temporels, non à une asymétrie du « contenant » lui-même, c’est-à-dire du cours du temps.

Ce qu’ont montré les physiciens russes, c’est qu’il serait possible de faire évoluer un électron de telle sorte qu’il puisse retrouve dans le futur un état qu’il a connu dans le passé, comme si la flèche du temps n’existait pas pour lui. Pour ce faire, ils ont élaboré un algorithme qui est capable d’inverser la dynamique qui régit son évolution, de sorte qu’il a pu revenir à son état initial (sans toutefois revenir à l’instant initial !).

Quelles peuvent être les applications d’une découverte quantique de cet ordre ?

Si j’en crois les auteurs de l’article, cela permettrait de rendre les ordinateurs quantiques plus précis, en éliminant des sources de bruit et d’erreurs.

A quel point les ordinateurs quantiques pourraient-ils faire progresser la théorie quantique ?

Je ne pense pas qu’ils pourront faire progresser la théorie quantique elle-même, mais peut-être nous aideront-ils à mieux l’interpréter, c’est-à-dire à répondre à des questions telles que : comment ses équations se relient-elles aux expériences ? Selon quelles règles les utiliser ? Quels types de discours sur la réalité cette nouvelle physique autorise-t-elle ? En effet, sans doute faudra-t-il que nous disposions d’un ordinateur quantique pour devenir vraiment capables de comprendre le monde quantique…

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