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Ces ingrédients qui pourraient permettre à la recette économique de Laurent Wauquiez de donner ses meilleurs résultats
©ROMAIN LAFABREGUE / AFP

Recette

Dans une interview donnée au Figaro publiée ce 14 mars, Laurent Wauquiez a dévoilé les propositions politiques des LR issues de la réflexion consécutive à la crise des Gilets Jaunes. Voilà de quoi compléter ces réflexions.

Mathieu  Mucherie

Mathieu Mucherie

Mathieu Mucherie est économiste de marché à Paris, et s'exprime ici à titre personnel.

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Atlantico :  . Schématiquement, Laurent Wauquiez propose une baisse de la fiscalité financée par une baisse des dépenses publiques (de l'ordre de 20 milliards d'euros). Quels seraient les ingrédients supplémentaires, nécessaires à la réussite d'une telle recette économique ? 

Matthieu Mucherie : Comme Milton Friedman, je n’ai jamais vu une baisse des impôts qui ne me convient pas. Tout est bon à prendre (ou plutôt à reprendre) en la matière, a fortiori en République Démocratique de France, et a fortiori en phase de ralentissement économique, et a fortiori quand les marchés financiers se contrefoutent totalement de la facturation de nos déficits, depuis des années (des taux fixes courts négatifs, un OAT 10 ans à 0,5%, le message est clair !! à moins de s’appeler Denis Kessler et de prophétiser une hausse des taux chaque année depuis 30 ans). Dans ma logique libérale, et dans cette situation de dépense budgétaire « gratuite », et quand on sait que la France prélève 1000 milliards d’euros d’impôts et de charges chaque année,… une proposition de 20 milliards (façon Wauquiez) ressemble à de la mesquinerie liliputienne et pro-soviétique (la droite française : des gagne-petit de centre-gauche, des financiers de sous-prefecture).  
Ceci dit, accabler Wauquiez n’est pas très courageux : tout le monde le fait, il n’est pas aux affaires et ne semble pas s’en rapprocher. C’est plutôt un état d’esprit général qui est en cause, état basé sur une méconnaissance des ordres de grandeur, une désinvolture devant les messages insistants des marchés financiers, et une autocensure radicale devant les choses monétaires gérées depuis Francfort (à quoi peut bien servir une réduction d’impôt de 20 milliards si l’euro remonte et/ou si la BCE arrête son programme d’achat d’actifs ??). Il s’agit sur le fond de doper la demande agrégée, l’ensemble des revenus nominaux de l’économie, le PIB nominal : l’instrument de 1er rang n’est pas la fiscalité, et on ne risque pas d’arriver à quoi que ce soit si on comprime la dépense au même moment, autant accélérer au point mort. L’idéal serait de se déployer avec de la monnaie nouvelle plutôt qu’avec de la monnaie ancienne qui déshabille Pierre pour habiller Jacques, ou (si l’on entendait cibler le bien-être des gilets jaunes ou apparentés) remettre un certain nombre de dettes, afin que les ménages et les PME les plus fragiles puissent à nouveau se mettre en mode projets au lieu de pédaler en vain comme des Sisyphes.
Pour ma part, je regarderais aussi la qualité des dépenses (plutôt que des coupes forfaitaires ou des gels de crédits), des émissions obligataires plus longues (Bercy ne profite pas assez de la baisse des taux), et le ciblage des impôts les plus distordants (il est vrai que l’IR est gratiné, mais il y a pire encore). Sur ce point, Wauquiez frise la contradiction quand il réclame un tax cut pour dynamiser l’économie mais qu’il avance plus loin (je cite) « On ne change pas les comportements par des impôts ». Il faudrait un chef économiste à la droite française, mais je suis déjà très occupé.        

Laurent Wauquiez confirme également sa volonté de lutter contre l'assistanat, reflétant une attente réelle de la majorité des Français (Selon Ipsos Steria, en 2017, 68% des Français estimaient que le système décourageait les citoyens de faire des efforts). Quels seraient les moyens -complémentaires à ceux ici proposés- qui permettraient de corriger cette question de l’assistanat en France ? 

Parler d’assistanat est toujours un peu dérangeant quand on fait partie des hautes castes, avec des diplômes et des réseaux qui permettent de se recaser facilement ; ça me fait penser à ces profs d’université qui militent pour la libéralisation du marché du travail, ou ces financiers qui poussent à la hausse des taux, ou ces apparatchiks de l’Elysée et de Matignon qui organisent des sommets sur la transformation numérique des entreprises. Je ne parle donc jamais d’assistanat, car j’ai un CDI solide et je sais que les vrais assistés sont souvent dans le système et pas à ses marges. Les passagers clandestins du RSA me paraissent moins dangereux et moins coûteux que les parasites du salariat à vie et les rentiers des monopoles privés et publics. J’ai aussi évolué sur la CMU, qui me paraissait être il y a une décennie une aventure budgétaire pernicieuse, et qui s’avère être certes coûteuse mais indispensable pour un certain nombre de personnes par ailleurs méprisées par le corps médical. Il existe bien entendu des abus scandaleux (DOM-TOM…) mais il n’est pas certain qu’on arrive à les limiter facilement : 68% des Français sont hostiles aux désincitations, certes, mais aux désincitations pour les autres. L’essentiel est invisible pour les sondages. De plus, les mesures proposées le plus souvent pour contrecarrer l’assistanat sont inapplicables (les heures d’intérêt général en contrepartie du RSA ? un vieux serpent de mer, et probablement une nouvelle usine à gaz). Je préfère taper sur la BCE, le Conseil d’Etat, Macron, la BRI et la Cour de Cassation : taper sur les pauvres, même un peu combinards, est trop facile, et ne rapporterait pas grands chose (après tout, ils sont pauvres). Si on veut récupérer de l’argent sur des parasites, je propose : 1/ d’éliminer une bonne partie des mesures de soutien à l’immobilier, y compris les restrictions foncières qui protègent des gens déjà bien installés, 2/ de revoir la distribution de l’argent de la PAC, 3/ d’organiser plus de transparence dans les aides aux associations, aux journaux, aux organismes divers, 4/ de s’attaquer à Bercy, d’éliminer au moins un niveau d’administration locale, et de ne pas oublier les métiers protégés (pourquoi passer par les pharmaciens pour la bobologie ?), etc. Voilà, je me suis faché avec tout le monde,… mais quand ce nettoyage sera fait, on pourra avec plus de légitimité s’attaquer aux rmistes, si on y tient absolument. 
La droite classique se grandirait en relisant Disraeli, Belloc et Chesterton, plutôt que des sondages hypocrites et de pseudo-économistes de cocktails mondains. Elle devrait proposer une sortie par le haut, européenne et généreuse, plutôt que des mesurettes par le bas ; avec les italiens et les anglais, si possible, plutôt qu’avec les allemands et les luxembourgeois. Elle devrait faire sienne la pratique de Rueff et de Gaulle : réformes couplées à une dévaluation (si on reprend une partie de notre destin monétaire après une politique de la chaise vide), modestie réglementaire et exemplarité publique, et la participation pour tous (50 ans après, l’idée est plus que jamais brillante, tous ceux qui ne voient pas la démotivation au travail n’ont pas tâté le terrain depuis longtemps) ; puisque l’on parle de la valeur travail, parlons aussi de la réconciliation du travail et du capital : la défiscalisation des heures supplémentaires n’est qu’une dimension marginale en comparaison de la distribution large des droits de propriétés. Elle devrait se moquer des eurocrates post-mittérandiens et des petits marquis poudrés de l’énarchie en marche à quatte pattes vers ToutanMakron. Elle devrait arrêter avec les plans à 20 milliards d’euros (1% du PIB), et avec les propos petits-bourgeois sur l’assistanat. Elle devrait être plus chrétienne (la remise des dettes est dans la Bible et dans la doctrine sociale de l’Eglise), surtout quand elle se revendique ordo-libérale ces derniers temps, plus libérale aussi, et plus ouverte sur le monde. Comme tout cela est assez peu probable, il y a toujours un beau boulevard pour la fausse droite technocratique (LREM) et pour l’extrême droite protectionniste (RN), qui au-delà des apparences s’entendent à merveille.

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