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Grand Débat  : l’étrange victoire d’Emmanuel Macron
©JEAN-PIERRE CLATOT / AFP

Gilets jaunes

Emmanuel Macron réussit relativement à ramener le calme en France avec le Grand débat mais l'équilibre reste très fragile.

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est essayiste et auteur de nombreux ouvrages historiques, dont Histoire des présidents de la République Perrin 2013, et  André Tardieu, l'Incompris, Perrin 2019. 

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Atlantico : Si la mise en oeuvre du Grand Débat par Emmanuel Macron a pu permettre d'apaiser le niveau de tension qui s'était emparé du pays depuis la crise des Gilets Jaunes. Cependant, et puisque les propositions formulées ici ou là ne semblent pas de nature à provoquer un réel changement du destin historique du pays, ne peut-on pas craindre que cette "victoire" ne soit qu'apparente ou temporaire ? 

Maxime Tandonnet : Le mouvement a duré près de quatre mois et semble en effet se tasser. Il est complètement impossible de dire si l'apaisement apparent est le résultat d'un épuisement naturel ou du déroulement du Grand Débat. Toujours est-il que ce mouvement pourrait bien être ou avoir été le plus long de toute l'histoire de la Ve République. Ce qui a bien fonctionné, en tout cas, c'est le dérivatif: le bruit fait par le Grand Débat a bel et bien couvert celui des gilets jaunes. Les résultats du Grand Débat sont pour l'instant conformes à la nature des événements qui l'ont suscité: chaotiques. Le Grand Débat a été conçu pour chercher une réponse aux revendications des Gilets Jaunes. Or, depuis le retrait de la taxe carbone, ces derniers n'avaient aucune revendication précise. Ils menaient une contestation générale, ciblée sur le personne du chef de l'Etat. Quant au pouvoir en place, il a toujours dit qu'il maintiendrait sa ligne. Mais d'ailleurs quelle ligne? De fait, il n'y avait pas de revendication claire des Gilets Jaunes ni, en face, de ligne claire à défendre... Les annonces qui s'expriment ça et là sont à l'image des événements de ces derniers mois: une confusion totale: hausse de l'impôt sur l'héritage et sur l'immobilier, vague dispositif de proposition de loi par pétition, qui n'a rien à voir avec le référendum populaire. Le Grand Débat débouche sur le néant mais comment pouvait-il en être autrement?

Il apparaît que les contributions au Grand Débat consistent essentiellement à une rectification à la marge du système existant. En quoi les propositions formulées par les Français peuvent être considérées comme marginales par nature ? Les élites du pays n'ont elles pas justement la charge de répondre à cette demande de "réel changement" dans la cohérence ? 

Un président de la République et une Assemblée nationale ont été élus il y a moins de deux ans en mai-juin 2017, à l'issue d'un dramatique scandale qui a totalement vicié le processus démocratique et privé les Français d'un débat démocratique. Comment pouvait-on espérer que les mêmes hommes, la même équipe, auraient pu opérer un virage à 90°? Certes il y a le précédent du tournant de la rigueur de François Mitterrand en 1983-1984, mais quand un président a une idée claire sur l'inflexion à donner à une politique, il ne provoque pas un débat, il arbitre et décide en prenant des décisions politiques et change de Gouvernement. Or, une fois de plus, la logique de la communication à outrance qui s'est exprimée à travers le Grand Débat n'a servi qu'à recouvrir l'absence de choix politique et de décision.  Les recettes qui sont envisagées comme issues au Grand Débat, surtout les hausses touchant "les riches" sont d'ailleurs de pure affichage. Elles n'ont aucun rapport avec les attentes profondes du pays, au-delà du mouvement des Gilets Jaunes, autour d'une refondation de la démocratie française qui passe par une réhabilitation du Parlement, aujourd'hui totalement asservi à l'Elysée, l'utilisation du référendum sur les sujet essentiels, la fin du naufrage de la politique française dans le grand spectacle narcissique.  

Quels sont les risques de voir cet exercice s'achever dans la frustration d'une partie importante de la population ? 

Frustration, déception, c'est beaucoup dire... Franchement, en dehors peut-être des 22% d'électeurs potentiels de LREM, selon les sondages en vue des Européennes, soit 10% de l'électorat compte tenu du niveau probable de l'abstention, et 6% de la population, personne ne s'est vraiment fait la moindre illusion sur les suites à attendre du Grand Débat. C'est pourquoi le risque que les annonces qui en sortiront provoquent par elles-mêmes une nouvelle flambée de colère peut paraître faible. Mais ce qui est infiniment plus grave pour le pays, à long terme, c'est l'effet de toute cette séquence sur l'image du politique. Le moment "Grand Débat" ne fera que conforter le sentiment collectif que la démocratie française est malade, que la politique n'est plus que spectacle médiatique, posture et gesticulation, de l'extrême gauche à l'extrême droite. Le malaise national et la coupure entre la classe dirigeante et la Nation vont en sortir encore renforcés dans un contexte où nul ne voit poindre une alternative politique crédible. La décomposition se poursuit et s'aggrave. Mais surtout, une immense incertitude pèse de plus en plus sur l'avenir politique de la France.

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