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Ce discret duel entre le Qatar et les Émirats qui se joue derrière la bataille de la présidentielle algérienne
©AFP

Terrain de jeu

Derrière le mouvement populaire algérien, la bataille géopolitique continue à faire rage.

Les images d’Ali Belhaj, ancien leader du FIS, ceinturé par des sécuritaires algériens venus l’arrêter non loin de chez lui n’ont fait qu’un tour. Pour témoigner d’une chose : le système craint de voir des influenceurs qui ont défrayé la chronique dite « Printemps arabe » ailleurs reproduire les mêmes schémas en Algérie. Y a-t-il pour autant des raisons valables pour craindre tout dérapage dans ce vaste pays où la colère populaire sourd épisodiquement pour culminer contre le processus engagé devant permettre au Président sortant, physiquement amoindri, de rempiler pour un mandat de trop ? Tout est à lier au contexte plus global de tension qui règne entre les pays du Conseil de coopération du Golfe, une tension qui ne se limite plus aux conflits de basse intensité au Moyen-Orient qui ravagent le Yémen, la Syrie, l’Irak, le Bahreïn et qui ont affecté aussi l’Egypte, la Libye, la Tunisie...

Même l’Algérie n’échappe pas à ces miasmes qui opposent deux alliances aux desseins contradictoires. Celle qui est nouée par la Turquie et le Qatar d’une part, face à celle qui semble souder les Emirats Arabes Unis au Royaume Saoudien. La rivalité entre ces deux alliances qui se regardent en chiens de faïence a de quoi s’exprimer en Algérie. Car il ne faut pas oublier que dès 1981, l’actuel Président algérien avait été adopté es qualité de conseiller diplomatique du Cheikh Zayed Al-Nahyane, père de la nation Emiratie. Jouissant de la nationalité émiratie, Bouteflika qui disposait d’un important réseau iranien, a laissé une empreinte sur l’essor du partenariat commercial entre Téhéran et Abou Dhabi.

C’est cette réalité qui prédispose les Emiratis à jouir d’un droit de regard privilégié non seulement sur le clan Bouteflika mais aussi sur ce qui se passe en Algérie depuis que le système a adopté Abdelaziz Bouteflika comme chef d’Etat. D’ailleurs, ce n’est pas un secret que de rappeler que Ahmed Gaid Salah, chef d’état-major et vice-ministre de la Défense algérien a fait pas moins de quatre séjours aux EAU cette année. Ce qui exprime la portée de cette alliance et le parrainage dont jouit le clan Bouteflika auprès des décideurs d’Abou Dhabi. Ce qui n’a pas empêche le même homme lige du système à réaliser, chemin faisant, des sauts de puce à Doha, histoire de sauvegarder un semblant d’équilibre dans les rapports avec ces pétromonarchies. De la force de cette construction là, un officier algérien basé à Londres dira que c’est elle qui a permis, en 1999, le retour en grâce de Bouteflika, en Algérie, au terme de conciliabules secrets. Et c’est l’aboutissement de ce processus qui a fait en sorte que les EAU soient devenus le plus gros investisseur dans le pays via la gestion des ports algériens, la construction d’un complexe militaire industriel dans la Wilaya de Tiaret dédié à la production de véhicules blindés sur la base de l’expertise et de la technologie allemande, l’investissement dans un parc solaire à Aïn Salah, la promotion de l’hôtellerie et l’exploitation d’une réserve de chasse de 100.000 hectares dans la région d’Al-Bayad, proche de la frontière marocaine.

Plus, Abou Dhabi allait même se porter garant auprès de pays occidentaux (France, Italie, Espagne et USA) pour doter l’armée algérienne d’armes. Tout cela fait que l’on évalue, aujourd’hui, le poids des investissements émiratis en Algérie à 35 milliards de dollars depuis que Bouteflika est aux affaires. Ce qui n’empêche pas les Emiratis de suivre avec une grande vigilance leurs placements. Il va sans dire que ces relations dépassent le seul cadre de la solidarité arabe et ne s’expliquent, en fait, qu’à l’aune de la fuite des capitaux algériens logés à Dubaï. Plusieurs sociétés algériennes appartenant au clan Bouteflika y ont trouvé refuge. En face, les relations entretenues par le Qatar et la Turquie avec l’Algérie ne sont pas à sous-estimer. Doha a investi pas moins de 6 milliards de dollars dans une aciérie, réalisé une percée dans le secteur bancaire en implantant la Banque du Golfe et bénéficie d’une réserve de 40.000 hectares dans le désert algérien alors qu’Ankara s’investit dans l’infrastructure routière et dans les produits de consommation.

Ouvrant ainsi la voie à la pénétration des Frères musulmans qui sont localement représentés par Abderrazak Mokri et l’association Rachad, basée à Londres. Ce qui nourrissait un conflit en sourdine avec les Salafistes, vecteurs du Wahhabisme, qui dominent 75% des mosquées algériennes. Une situation qui inquiète au plus haut degré les membres du Conseil de sécurité, France, Russie et USA en particulier, qui craignent que le clivage actuel autour de la mandature de Bouteflika ne serve de catalyseur à un émiettement de l’Algérie. Si des drapeaux noirs et des slogans salafistes ont été relevés par des observateurs à Khanchla, c’est pour exprimer le poids des lobbies qui s’exerce sur le devenir de l’Algérie, pays qui sans consensus, risque de basculer dans la violence. L’affaire de la Présidentielle algérienne cristallise non seulement des frustrations internes, mais aussi des desseins externes. La situation est donc des plus explosives. Pour les Marocains qui suivent de près l’évolution de la situation, nombre d’entre eux n’ignorent pas la sollicitude dont avait bénéficié A. Bouteflika auprès de la monarchie dans des périodes cruciales. C’est feu Hassan II qui lui avait octroyé un passeport marocain pour qu’il puisse rendre visite aux leaders du FLN emprisonnés en France. Comme c’est encore lui qui lui a mis le pied à l’étrier pour s’investir aux EAU en le présentant à Cheikh Zayed. En 1999, un rendez-vous a même été fixé pour que les deux hommes puissent se rencontrer en sommet. Mais le sort en a voulu autrement, la mort ayant éclipsé Hassan II. Sans pour autant gommer des esprits les images que l’on garde de ses funérailles lorsqu’un A. Bouteflika accompagnait le cercueil larmes aux yeux. Le rendez-vous manqué s’est transformé en haine vis-à-vis du Maroc. Un Royaume avec lequel l’Algérie partage des relations passionnelles scellées de désir et de répulsion. D’où le voisinage compliqué... 

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