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Pourquoi le défi de l’égalité salariale femmes/hommes dépend peu des entreprises et beaucoup de l’organisation globale du marché du travail
©Reuters

Carrières

Depuis le 1er mars, les entreprises de plus de 1000 personnes doivent informer leurs salariés du niveau d'égalité salariale de l'entreprise. Une mesure louable, mais qui ne prend pas le problème des inégalités femmes/hommes à sa source.

Jean-François Amadieu

Jean-François Amadieu

Jean-François Amadieu est sociologue, spécialiste des déterminants physiques de la sélection sociale. Directeur de l'Observatoire de la Discrimination, il est l'auteur de Le Poids des apparences. Beauté, amour et gloire (Odile Jacob, 2002), DRH le livre noir, (éditions du Seuil, janvier 2013) et Odile Jacob, La société du paraitre -les beaux, le jeunes et les autres (septembre 2016, Odile Jacob).

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Atlantico : Depuis le 1er mars, les entreprises de plus de 1000 personnes doivent informer leurs salariés du niveau d'égalité salariale de l'entreprise. Si la cause est louable, quels critères permettent d'expliquer les écarts salariaux entre hommes et femmes qui ne relèvent pas de la discrimination ?

Jean-François Amadieu : En réalité, l'essentiel des écarts de salaires hommes/femmes ne résulte pas de phénomènes de discrimination. C'est une série de causes différentes, comme par exemple le fait que les femmes aient pu s'orienter vers différents types de diplômes ou de filières différentes de celles des hommes. Ce n'est pas strictement un phénomène de discrimination. On tient compte également du temps de travail : temps partiel ou temps plein. Il est en revanche certain que la valeur respective des différentes postes de travail doit correspondre à une rémunération équitable entre hommes et femmes. Mais encore une fois, la part de discrimination stricto sensu est beaucoup plus faible que ce qu'on annonce généralement.

Quelles différences entre hommes et femmes chez les salariés à niveau de qualification égal ? 

Une étude de la Chicago Booth University montre que 16% des femmes ne travaillent pas ou plus 10 ans après avoir obtenu leur diplôme ; de plus, 92% des hommes travaillent à temps plein contre 62% des femmes. On observe également que si  le temps de travail est égal entre hommes et femmes un an après la remise du diplôme, les hommes travaillent en moyenne 7h de plus par semaine que les femmes dix ans après.  On intègre donc classiquement les variables qui expliquent les écarts salariaux entre hommes et femmes. Les femmes travaillent plus souvent à temps partiel, ce qui est très peu le cas des hommes. Il y a aussi la question des interruptions de carrière en raison des congés parentaux éventuels. Cela explique beaucoup les écarts d'ancienneté et donc les écarts de salaire. L'ancienneté est souvent moindre chez les femmes.

Dans une certaine mesure cela relève donc aussi du choix ?

Ces interruptions et ces temps partiels sont des choix mais des choix parfois relatifs. Comment faire la distinction entre ce qui est choisi et ce qui est contraint ? Les arbitrages se font souvent "au détriment" des femmes. L'idée du congé parental pour les hommes s'inscrit dans cette idée de rééquilibrer ces arbitrages. Ajoutons que les hommes sont également plus disposés à accepter des emplois plus éloignés de leur domicile que les femmes. Les femmes vont choisir des types d'entreprises et des types de postes de travail qui vont leur permettre d'être plus disponibles avec des horaires et des temps de trajet qui s'accommodent mieux à leur situation personnelle, quitte à aller chez des firmes qui paient moins bien. La contrainte de la vie familiale est donc plus forte chez les femmes.

Dès lors quels seraient les risques de vouloir instaurer des sanctions pour les entreprises si l'égalité salariale n'est pas respectée à la lettre ?

Cela ne peut être fait qu'en tenant compte de toutes les variables que l'on vient d'indiquer. On connaît toutes les variables qui peuvent exister : on peut très bien expliquer dans une firme les salaires fixes et les primes, l'influence des diplômes, l'ancienneté, les temps de travail, les heures sup', etc. Si ensuite en enlevant toutes ces variables il reste un résidu, un différentiel entre le salaire d'un et d'une femme, alors oui cela devient pertinent de le faire. Rappelez-vous certaines études qui nous expliquaient qu'en résorbant les écarts de salaire de 20% entre les hommes et les femmes la croissance exploserait en raison du manque à gagner que cela représente. Là, on est typiquement dans une forme de bêtise incroyable. Le résidu véritablement discriminatoire est en réalité relativement faible. Tout se joue désormais sur le chiffre, sur l'ampleur du phénomène. A partir du mois de janvier, il va y avoir des obligations pour les entreprises de  calculer précisément cet écart. La question sera de savoir comment ce calcul sera effectué.    

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