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L’ère du robot domestique polyvalent approche à grands pas
©STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Bonnes feuilles

Hans Moravec publie "L’avenir des robots et l’intelligence humaine" aux éditions Odile Jacob. Ce livre visionnaire décrit le nouveau monde qui est en train d’advenir avec des robots intelligents et autonomes, un monde dans lequel des automates intelligents magnifieraient nos savoirs et nos pouvoirs. Extrait 2/2.

Hans Moravec

Hans Moravec

Hans Moravec est chercheur à l’Université Carnegie-Mellon. Il est l’un des experts les plus précurseurs et les plus  reconnus dans le domaine de la robotique. Il est l’auteur du célèbre paradoxe selon lequel il est plus facile pour la machine de simuler les processus intellectuels et les raisonnements complexes que de reproduire les aptitudes corporelles.

 

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L’histoire présentée jusqu’ici est hautement aseptisée et décrit seulement quelques-uns des acteurs principaux de ce domaine nouveau qu’est la robotique. La réalité est un cocktail d’approches, de motivations et de problèmes encore séparés les uns des autres. Les praticiens de cette discipline forment des équipes plus ou moins importantes d’ingénieurs – en génie électrique, en mécanique, en optique et nombre d’autres spécialités encore –, de physiciens, de mathématiciens, de biologistes, de chimistes, de médecins, d’informaticiens, d’artistes et d’inventeurs un peu partout dans le monde. Les informaticiens et les biologistes collaborent au développement de machines capables de voir. Les physiciens et les mathématiciens travaillent à améliorer les sonars et autres organes sensibles. Les ingénieurs en mécanique ont construit des machines qui marchent sur des jambes et d’autres qui saisissent des objets avec des mains artificielles d’une dextérité presque humaine. Pourtant, tous ces beaux efforts ont souffert d’un manque de communication entre les diverses équipes, qui n’ont jamais été capables de s’entendre sur les grandes lignes d’un programme pour la robotique. Malgré ce chaos, je m’attends à voir la mixture devenir buvable à temps pour saluer le nouveau millénaire, en l’espèce d’un robot polyvalent à usage industriel – et domestique. 

Dans les pays développés, l’agriculture et l’industrie sont de plus en plus mécanisées, ce qui laisse les gens libres de se fournir mutuellement des services. La nourriture et les biens sont devenus abondants et bon marché dans ce système, mais de nombreux services sont de plus en plus coûteux. Les employés de maison, autrefois monnaie courante, sont de plus en plus rares et chers. Les appareils ménagers comme les mixers, les aspirateurs, les fours à micro-ondes ne suffisent pas à pallier cette absence dans les maisonnées où tous les adultes travaillent à l’extérieur. Ce besoin existe depuis de nombreuses décennies : quand y aura-t-il un robot pour aider à la maison ?

Longtemps j’ai cru que les robots domestiques, qui peuplent les récits de science-fiction, avaient peu de chance de faire leur apparition dans un avenir proche. Un logement constitue un environnement complexe et ses occupants ont des ressources limitées. Le gain apporté par un aide ménager mécanisé représente bien peu au regard de ce qu’apporte un robot dans une fonction industrielle typique. Le robot domestique devrait donc nécessairement être vendu ou loué beaucoup moins cher. Pire encore, faire fonctionner un robot de manière efficace et sans que cela ne présente de danger pour les humains est bien plus difficile dans l’environnement souvent chaotique d’une maison que dans une installation industrielle organisée en conséquence. Les robots existants n’accomplissent, à peu de choses près, que des mouvements aveugles, répétitifs, et qui peuvent être dangereux. Ils coûtent presque aussi cher qu’une maison. Cet écart énorme entre prix et performance est bien réel. Pourtant, un robot polyvalent devrait pouvoir être utilisé dans la maison d’ici une dizaine d’années. Mon avis à cet égard a changé, en partie au vu des développements qu’a connus la recherche au cours de ces dernières années et en partie parce que je comprends différemment aujourd’hui le concept de « polyvalence ». 

Les robots industriels d’aujourd’hui sont plus flexibles que les machines automatiques qu’ils supplantent parfois, mais ils savent faire si peu de choses correctement qu’il est difficile de les qualifier de « polyvalents ». Ils sont généralement boulonnés au sol, équipés de pinces et parfois de senseurs spécialisés pour une tâche particulière qu’ils sont alors condamnés à exécuter répétitivement, jusqu’à la fin de leur existence. L’étroitesse de leur répertoire les rend ennuyeux et limite grandement leur marché. Il existe aujourd’hui moins de 100 000 robots (qui ne soient pas des jouets) de toutes provenances, pour 100 millions d’automobiles, 500 millions de téléviseurs, 20 millions d’ordinateurs. Des ventes aussi faibles ne peuvent alimenter qu’une quantité limitée de recherche et développement. Il s’ensuit une conception infra-optimale à un prix élevé. Mais certainement pas pour toujours. En même temps que les quantités produites, les occasions et les raisons d’améliorer la conception des robots et leur présentation croissent. Les coûts chutent et les robots se perfectionnent, élargissant leur marché et accroissant d’autant leurs ventes, ce qui, à son tour, conduit à de nouvelles améliorations. La courbe qui représente la baisse des coûts unitaires en fonction de la hausse des quantités produites s’appelle la courbe d’apprentissage du fabricant.

Le marché potentiel des robots connaîtra une expansion formidable dès lors que celui-ci aura atteint un certain niveau d’utilité générale. Avant ce seuil qualitatif, la spécialisation – l’exploitation de la spécificité d’une tâche pour parvenir à un degré acceptable d’efficacité moyennant une complexité minimale – sera la norme robotique. Au-delà, le marché potentiel sera suffisamment vaste pour que la solution la plus rentable soit représentée par des machines plus standardisées vendues à un plus grand nombre d’exemplaires. Ce sera l’heure du robot multi-usages fabriqué en grande série pour un faible coût. Nous avons assez d’expérience pour décrire quelques-unes des caractéristiques de ce « Model T » propre aux robots. Il ne sera pas intelligent et il ne sera pas livré pré-programmé pour effectuer un certain nombre de tâches utiles. Il sortira d’usine muni d’un ensemble minimal de capacités motrices sensitives et de contrôle, qui pourront être exploitées à volonté par des logiciels écrits spécifiquement pour des applications particulières. 

Le premier marché d’une telle machine sera constitué par les usines, où il sera un peu moins cher et beaucoup plus flexible que l’ancienne génération de robots qu’il remplacera. L’amélioration de son rapport efficacité/prix permettra de l’employer dans une gamme très élargie de postes, donc en quantités beaucoup plus importantes, ce qui abaissera encore son coût. Un jour, il deviendra moins cher qu’une petite voiture, ce qui le mettra à la portée d’un certain nombre de foyers et créera une demande pour une grande variété de nouveaux logiciels. Les programmes de contrôle qui permettront de faire accomplir des tâches diverses aux robots proviendront de nombreuses sources différentes, comme c’est aujourd’hui le cas pour les logiciels qu’utilisent les ordinateurs personnels ou professionnels. 

De même que pour les ordinateurs personnels, nombre des applications les plus répandues du robot polyvalent surprendront ses créateurs. Nous pouvons toujours nous interroger sur ce que seront les équivalents des jeux vidéo ou du traitement de textes à l’ère du robot de masse, mais la réalité sera plus étrange encore.

Extrait du livre de Hans Moravec, "L’avenir des robots et l’intelligence humaine", publié aux éditions Odile Jacob.

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