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Hayabusa 2 : le retour de l’ambition d’extraction minière extraterrestre ?
©YE AUNG THU / AFP

Objectif astéroïde

Après plusieurs semaines de préparations, la sonde japonaise Hayabuza a pu procéder à un prélèvement de roche de l'astéroïde Ryugu relançant ainsi les projets d'exploitation minière dans l'espace.

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy est spécialiste de l’astronautique et rédacteur en chef du site d’actualités spatiales de la Cité de l’espace à Toulouse.

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Atlantico : Alors que les espoirs d'exploitation minière des astéroïdes s'étaient dissipés ces dernières années, la sonde japonaise Hayabusa 2 projette de ramener d'ici à 2020 un échantillon de poussière de l’astéroïde Ryugu. Quelles sont les avancées scientifiques à attendre de cette opération ? Peut-on également y voir un retour de l'ambition d'exploitation minière ?

Olivier Sanguy : La sonde Hayabusa2 a en effet réussi, selon l'agence spatiale japonaise JAXA, à prélever des poussières de l'astéroïde Ryugu à sa surface. Une deuxième collecte pourrait être tentée plus tard, puis cet explorateur robotique repartira vers notre planète à la fin de cette année pour larguer sa précieuse cargaison dans une capsule fin 2020. Cette capsule doit se poser sous parachute en Australie. Les avancées scientifiques attendues sont celles que permettront les analyses poussées dans des laboratoires sur Terre des échantillons prélevés. Tout d'abord, les astéroïdes sont considérés comme les "laissés pour compte" de la formation des planètes au début du Système solaire. Les poussières de Ryugu récoltées sont donc des témoins très peu altérés des conditions qui régnaient alors : on devrait mieux comprendre comment la Terre s'est formée. Bien évidemment, on va pouvoir aussi mieux connaître la composition des astéroïdes, et plus exactement ceux de type C (pour carbonés car riches en carbone avec du fer) comme Ryugu. La mission Hayabusa2 a clairement des objectifs scientifiques et ne prétend pas être un exemple de l'exploitation des astéroïdes dans le futur. Toutefois, les données recueillies pourraient servir si un jour une telle exploitation devient une réalité ou du moins une possibilité concrète. Le problème est que les technologies, notamment robotiques, à mettre au point pour extraire des ressources des astéroïdes exigent encore de longues années pour ne pas dire décennies de recherche et de mise au point. C'est un "business plan" ambitieux et peu compatible avec les exigences de rendement rapide. De plus, avant, il faudra identifier les astéroïdes susceptibles d'être exploités, donc disposer de télescopes spatiaux spécialisés dans une telle "chasse". Certaines sociétés privées, qui se présentent comme celles qui feront de l'exploitation des astéroïdes une réalité, ont présenté des projets d'observatoires sur orbite dédiés à cette fonction de repérage des cibles potentielles, mais aucun ne s'est concrétisé à ce jour. En dépit de législations votées aux États-Unis ou au Luxembourg autorisant expressément l'exploitation des astéroïdes, donnant ainsi une base légale à cette future activité, des difficultés financières se sont fait jour pour certaines initiatives, confrontées à une absence de profits à court ou moyen terme.

Que sait-on du potentiel "minier" des astéroïdes ?

À partir de ce qu'on sait aujourd'hui des astéroïdes, les plus optimistes estiment qu'un objet de 30 m de large pourrait contenir plusieurs milliards (10 à 25 milliards selon les sources) de matières premières. Mais on part du principe que l'astéroïde contiendra des métaux précieux comme le platine ou pourquoi pas des terres rares si utiles à l'industrie HiTech. Le problème, c'est que ce n'est pas certain et la proportion encore moins ! Ramener du fer ou de l'eau d'un astéroïde coûterait à l'heure actuelle considérablement plus cher que son équivalent terrestre. Et cette remarque s'applique même pour quelque chose d'aussi précieux que le platine ou l'or. La complexité du spatial entraîne un surcoût bien compréhensible. Les sociétés privées qui se préparent à l'exploitation des astéroïdes parient donc sur le fait que les avancées technologiques feront fortement baisser les prix et aussi sur le fait que la difficulté croissante d'accéder sur Terre à certaines ressources fera monter les cours au point que l'équation financière sera viable.

Quelles seront les avancées technologiques nécessaires avant de rendre possible un tel scénario ?

Avant tout, l'accès à l'espace doit devenir moins coûteux. On pense alors à SpaceX avec ses lanceurs réutilisables en partie. Si la firme d'Elon Musk a réalisé des avancées spectaculaires indéniables dans ce domaine, la baisse des prix n'est pas d'un facteur 10 comme cela a été annoncé il y a quelques années. Ceci dit, le potentiel de baisse des coûts reste important si la réutilisation progresse encore. Ensuite, il faudra une technologie robotique de pointe et fiable capable d'extraire les richesses des astéroïdes. Là encore, d'énormes progrès restent à faire. Prenons comme exemple une autre mission de retour d'échantillons en cours, l'américaine OSIRIS-REx. Pour celle-ci, la NASA consacre un budget d'environ 800 millions de dollars et le but est de ramener sur Terre au mieux 11,5 grammes prélevés sur l'astéroïde Bennu. On est ici dans une logique scientifique où le coût est justifié. Mais dans une logique d'exploitation commerciale avec le besoin de générer du profit, on a un gramme prélevé et ramené qui revient à presque 70 millions de dollars ! Le prix du platine est aujourd'hui de quelques dizaines de dollars le gramme. On voit l'énorme chemin qu'il y a faire avant de passer à phase industrielle rentable de l'exploitation des astéroïdes.

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