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Auto-positionnement politique des Français : le sondage qui montre l’ampleur de la crise existentielle vécue par la droite
©PHILIPPE LOPEZ / AFP

Sondage

Si le centre de gravité des Français s'est globalement recentré, celui du président, lui, s'est déporté à droite. Un changement qui n'est pas passé inaperçu auprès des électeurs de gauche car un électeur de François Fillon sur deux considère Emmanuel Macron comme étant de droite.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : Selon ce sondage IFOP pour Atlantico, le corps électoral français continue de se placer à la droite de l’échiquier politique, mais dans une moindre intensité qu'en novembre 2017. Inversement, Emmanuel Macron est positionné encore plus à droite par les Français qu'il ne l'était auparavant. Comment l'expliquer ? 

Jérôme Fourquet : Lorsque l'on regarde comment s'auto-positionnent les Français sur une échelle gauche droite, nous sommes aujourd'hui sur des chiffres qui confirment que ce qu'il s'était passé en 2017 ,'était pas un accident. Nous avons bien une recomposition politique à l'oeuvre puisque nous constatons l'existence d'un grand bloc central qui se place entre la note 4 et 6 sur une échelle de 0 à 10, qui atteint 37% de la population. Ce chiffre est plutôt stable depuis 2017. 
L'autre enseignement majeur est qu'il existe encore une droite dans ce pays (32%), en tous cas, en termes d'auto-positionnement même si cette droite est à la peine institutionnellement. Par contre, autre enseignement, les Français qui se positionnent le plus à gauche, entre 0 et 3, nous constatons un mouvement d'attrition assez manifeste puisque nous sommes à un niveau inférieur à 20%, avec 17%. Ce qui est plutôt en accord avec les difficultés constatées des partis de gauche. Même si l'on peut débattre de la note 4 que nous avons arbitrairement placé dans le bloc central. 
Si l'on regarde la note globale d'auto-positionnement, on constate cependant que les Français sont un peu moins à droite qu'en novembre 2017, c'est à dire juste après l'élection d'Emmanuel Macron mais on reste historiquement sur un positionnement qui est plutôt droitier. Il n'y a pas de rééquilibrage. 
Enfin, on constate une différence de positionnement assez nette entre l'électorat qui a voté Emmanuel Macron à la présentielle, qui affiche une note moyenne de 5.2 -presque parfaitement au centre - alors que ceux qui se revendiquent aujourd’hui de la République en marche, en termes de sympathie partisane, on observe une note de 5.9. L'électorat le plus à gauche, ou le moins à droite, qui avait Emmanuel Macron, l'a quitté en cours de route et a été remplacé par un électorat qui vient plutôt du centre droit. Ce qui produit un déplacement manifeste du centre de gravité de l'électorat présidentiel. L'électorat LREM se positionne à un niveau de 5.9 alors que l'électorat Modem se place à 5.5 tandis que l'UDI se place à 6.4. On voit donc bien que ce pôle central est en train de se recomposer.  

Comment analyser la perception des Français concernant le positionnement d'Emmanuel Macron sur cette échelle droite - gauche ? 

Si le centre de gravité de la société française s'est un peu recentré, avec une note de qui se déplace donc vers la gauche de 0.2 point (5.6 contre 5.8 en novembre 2017), on observe le mouvement contraire concernant le positionnement d'Emmanuel Macron, qui continue de glisser vers la droite. Nos confrères d'IPSOS l'avaient mesuré à une moyenne de 5.2 points en mars 2017, soit deux mois avant le premier tour de l'élection présidentielle, IFOP/Atlantico l'avaient mesuré à 6 points à la fin 2017, attestant d'un fort déport vers la droite dès le début du quinquennat, et ce mouvement n'a pas été inversé puisqu'il se poursuit avec 6.2 points aujourd’hui. Cela peut aussi expliquer - en partie seulement - le mouvement des Gilets jaunes qui ne se revendiqueraient pas à gauche si on les interrogeait sur les ronds-points. 
On observe un chassé croisé. La société française est un peu moins à droite tandis qu'Emmanuel Macron est perçu comme l'étant davantage. C'est une espèce de hiatus qui peut expliquer la difficulté, même si l'écart entre l'électorat LREM et Emmanuel Macron est faible, 5.9 points contre 6.2 points. Cependant, ces mêmes macronistes placent Emmanuel Macron à un niveau de 6.4 points. 

Comment comprendre les résultats de ce sondage, montrant un tiers de l'électorat se positionnant "à droite" sans que cela ne bénéficie aux LR ? 

La difficulté ontologique ou métaphysique de la droite se lit également à la lecture de nos chiffres. Parce que si nous regardons par exemple comment l'électorat de François Fillon positionne Emmanuel Macron, 47% d'entre eux le mettent à une note entre 7 et 10, et 41% entre 4 et 6. Ce qui signifie qu'un électeur de François Fillon sur deux considère qu'Emmanuel Macron est à droite. Ce mouvement vers la droite d'Emmanuel Macron a donc bien été repéré, y compris par les électeurs de droite qui sont presque un sur deux à le classer comme faisant partie de leur famille. 

Alors que la question de la justice sociale semble-avec le mouvement des Gilets jaunes, polariser la société française. Peut-on en conclure que la droite n'a pas été capable de se positionner favorablement sur cette question de la justice sociale ? 

Manifestement, pendant longtemps, le critère économique et social, le rapport aux inégalités et la nécessité des réformes a été perçu comme le marqueur, ou le curseur, sur lequel se définissaient en dernière instance les limites de la gauche et de la droite. Or, à partir du moment ou Emmanuel Macron a remporté l'élection présidentielle et s'est installé durablement sur une position centrale voire de centre droit, on voit bien que tout le système est déréglé, et que la droite se trouve dans une situation de danger extrême puisqu'elle doit réinventer son identité. Soit elle persiste et elle signe en pensant que c'est sur le critère économique et social que tout se joue et qu'il faut donc être plus à droite que Macron - et on voit quand même que cela est problématique dans un pays comme la France - soit, elle considère qu'il faut déplacer les curseurs et considère que l'identité de la droite ne se joue pas exclusivement sur ces questions économiques et sociales mais qu'elle intègre d'autres dimensions. Une dimension régalienne, territoriale- avec une solidarité avec les territoires plus ruraux - également sur la fidélité à un certain nombre de valeurs -ce que l'on peut appeler le conservatisme - ce qui est sans doute le parti de quelqu'un comme Bruno Retailleau ou de Laurent Wauquiez, ce qui a débouché sur le choix de François-Xavier Bellamy pour conduire la liste LR aux élections européennes. En se disant "nous devons nous réinventer une identité et un positionnement qui nous sorte du piège qui est soit celui de la course à l’échalote réformiste tendu par Emmanuel Macron, sans quoi l'espace vital de la droite sera totalement réduit". Autant l'équation est moins complexe pour la gauche puisque l'électorat qui se définit de gauche aujourd'hui est quand même assez minoritaire, autant il y a un vrai sujet pour la droite parce qu'elle pèse encore un tiers de la population. Et les LR ne semblent pas en bénéficier. Intellectuellement, le problème est résolu à gauche parce que de moins en moins d'électeurs se considèrent de gauche. Pour la droite, il existe un véritable dilemme intellectuel, avec un tiers du corps électoral qui se reconnait encore à droite mais qui ne se reconnait pour autant dans cette droite. 

Ne peut-on pas voir ici une incapacité de la droite française de se positionner par exemple sur une ligne ressemblant à celle revendiquée par la droite britannique ou par Donald Trump, dans une logique de conservatisme social ?

C'est un élément. Ce qui est complémentaire avec une ligne qu'essaye de tracer Xavier Bertrand autour d'un gaullisme social enraciné dans les territoires, pour, encore une fois, ne pas jouer au jeu du plus libéral avec Emmanuel Macron parce que là, le risque est celui de la cornérisation. 

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