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Blocage de grands projets, le symptôme d’une nation qui a peur d’avancer
©REUTERS/Stephane Mahe

Conservatisme

Depuis une vingtaine d’années en France, chaque projet d’investissement public ou privé -initialement soutenu par les Elus - se voit entravé par des mécanismes similaires. Le symptôme d’une nation qui n’a toujours pas fait l’aggiornamento de ses erreurs stratégiques en économie.

Marcel Kuntz

Marcel Kuntz

Marcel Kuntz est biologiste, directeur de recherche au CNRS dans le laboratoire de Physiologie Cellulaire Végétale. Il est Médaille d'Or 2017 de l'Académie d'Agriculture de France

Il est également enseignant à l’Université Joseph Fourier, Grenoble.

Il tient quotidiennement le blog OGM : environnement, santé et politique et il est l'auteur de Les OGM, l'environnement et la santé (Ellipses Marketing, 2006). Il a publié en février 2014 OGM, la question politique (PUG).

Marcel Kuntz n'a pas de revenu lié à la commercialisation d'un quelconque produit. Il parle en son nom, ses propos n'engageant pas son employeur.

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C’est une pièce de théâtre politico-médiatico-judiciaire déjà vue. Le décor ? Une innovation ou un projet d’équipement, un financement acquis, un environnement politique initialement favorable. Les acteurs ? Des entrepreneurs, des responsables politiques et … des militants autoproclamés défenseurs de l’environnement et représentants des « citoyens ». Les dialogues ? Forcément de sourds puisque les activistes décrètent unilatéralement le projet « inutile » et « dangereux ». La mise en scène ? Idéologiquement prévisible : négation de la notion de progrès, nouveauté devenue synonyme de risque, conception fixiste d’une nature déifiée, passé mythifié (souvent via une agriculture idéalisée). Les médias et les juges entrent rapidement en scène. Les premiers souvent complaisants avec les opposants ; les seconds saisis dans le feuilleton des moult recours possibles pour entraver le projet.

Après le lâche abandon de Notre-Dame-des-Landes, la dernière pièce en date est-elle Europacity, le gigantesque espace culturel et de loisir qui doit ouvrir aux portes de Paris dans les prochaines années ? Un investissement privé, mais décidé par la puissance publique, qui souhaite développer économiquement un territoire en difficulté, le Val-d’Oise, tout en répondant à la saturation touristique de la capitale. Les opposants à Europacity sont déjà prêts, avec les mêmes têtes d’affiche, les mêmes mouvements politiques, les mêmes réseaux associatifs. Soyons clair : je n’ai pas d’opinion définitive sur ce projet. Je constate simplement que cela fait trente ans que céder aux opposants a conduit les entreprises et l’État à faire des erreurs stratégiques considérables.

En 1981, le nouveau gouvernement socialiste cédait une première fois à la pression de la « société civile » en abandonnant le projet de centrale nucléaire à Plogoff, dans le Finistère. Résultat ? Aujourd’hui, la région Bretagne est toujours déficitaire dans sa production d’électricité, faisant reposer sa consommation énergétique sur le reste du parc nucléaire français, voire sur des centrales à charbon.

Même scénario à propos de la centrale nucléaire à neutrons rapides Superphénix de Creys-Malville, dans l’Isère. La France faisait alors partie des leaders mondiaux dans cette technique de production énergétique. Après une mobilisation des militants écologistes, des années d’atermoiements politiques, la centrale est piteusement transformée en laboratoire de recherche, puis fermé en 1997. Aujourd’hui, la France a accumulé des décennies de retard technologique dans ce domaine tandis que des pays comme la Chine et la Russie ont poursuivi la filière des réacteurs à neutrons rapides, plus économes en uranium que les autres modèles de centrales.

Rappelons aussi le cas des OGM, qui bénéficient en France d’une image déplorable depuis le milieu des années 90, sous les coups de communication efficace des lobbies de l’écologie politique. Après un soutien politique initial, suivi de reculs, c’est finalement Nicolas Sarkozy en 2008 puis François Hollande en 2014 qui scelleront l’interdiction des cultures OGM sur le sol français. Quand le principe de précaution vire à l’absurde : la France est désormais en retard sur la recherche sur les biotechnologies végétales, ce qui était encore son point fort il y a une trentaine d’années. Ce qui n’empêche pas la France d’autoriser la commercialisation et la consommation de médicaments fabriqués à base d’OGM, comme l’insuline. Aujourd’hui, les États-Unis et la Chine sont désormais en pointe dans ce domaine de recherche incontournable dans le domaine alimentaire ou médical. Par dogmatisme, Paris est désormais à la remorque scientifique et économique de Washington et Pékin. Belle réussite !

Cette liste non exhaustive démontre à quel point une minorité active, en surfant sur les peurs et profitant de l’inculture scientifique, technique, économique des Français, fait peser sur la nation et les générations suivantes un véritable fardeau. Nous sommes devenus une nation qui a oublié que la puissance technologique est avant tout gage de liberté : liberté de la Nation, souveraineté de l’État, protection de la liberté des individus. Inversement, les peuples asservis sont ceux qui n’ont pas pu, ou qui n’ont pas su, développer à temps un pouvoir scientifique et économique suffisant.

D’un point de vue industriel, sur les grands enjeux du numérique, dans le domaine médical, la France accumule depuis 30 ans un retard considérable. La nation de Descartes et d’Auguste Comte abandonne la raison et la confiance dans le progrès humain pour une peur panique incarnée par le principe de précaution et par un déferlement ininterrompu de normes et règlements bloquant toute perspective d’avenir. Face aux GAFAM, face aux États-Unis, face à la Chine, les nations européennes, et en premier lieu la France, doivent reprendre en main leur destinée économique et technologique.

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