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Le conflit entre l’Inde et le Pakistan ne cesse de dégénérer… jusqu’où ?
©NARINDER NANU / AFP

Escalade

Suite à l'attentat perpétré dans la région du Cachemire, tuant plus de 40 membres des forces de sécurité indiennes, et revendiqué par le groupe islamiste Jaish-e-Mohammed, basé au Pakistan, la tension est très vive entre les deux capitales, New Delhi et Islamabad.

Olivier Da Lage

Olivier Da Lage

Olivier Da Lage est journaliste à RFI, spécialiste des questions internationales, notamment du Moyen-Orient.

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Atlantico: Quels sont les risques de voir une escalade se produire entre les deux pays, suite à cet attentat, le plus meurtrier depuis 20 ans dans la région ? 

Olivier Da Lage: Ils sont élevés. D’ores et déjà, le premier ministre pakistanais Imran Khan a averti que le Pakistan riposterait à des représailles militaires indiennes. De son côté, le premier ministre indien Narendra Modi ne peut rester inactif après cet attentat. En septembre 2016, il avait déclenché une « frappe chirurgicale » en territoire pakistanais, près de la frontière, après l’attaque de la base militaire d’Uri au Cachemire dans laquelle 17 soldats indiens ont été tués dans leur sommeil. Cette fois-ci, compte tenu du bilan beaucoup plus lourd, Modi doit réagir encore plus fortement, d’autant que l’opinion publique est chauffée à blanc par des chaînes d’information continue qui rivalisent de chauvinisme, qu’il bénéficie sur ce point d’une rare unanimité de la classe politique, que la fermeté envers le Pakistan fait partie de l’ADN du parti nationaliste hindou de Modi, le BJP, et que les élections auront lieu dans trois mois.

Comment calibrer les représailles pour qu’elles soient suffisamment forte pour apaiser l’opinion indienne, mais pas au point de susciter une riposte vigoureuse du Pakistan, c’est toute la question. Bien entendu, personne ne parle à ce stade d’un conflit nucléaire (les deux pays sont officiellement des puissances atomiques depuis 1998), mais l’engrenage dans lequel les deux voisins issus de la partition de l’Inde en 1947 sont quand même très préoccupant. Au passage, il est frappant que l’on en parle aussi peu dans les médias occidentaux ces jours-ci.

Comment analyser la part de responsabilité de l'ISI, services de renseignements pakistanais, dans la situation ? Le nouveau gouvernement pakistanais est-il en mesure de s'opposer aux agissements de l'ISI ? 

Elle est forcément considérable. Dans le meilleur des cas, l’ISI, informé, a laissé faire. Dans le pire, il a encouragé et conseillé les auteurs de l’attentat quoi que dans le cas présent, beaucoup d’indices font penser que les explosifs ne venaient pas du Pakistan, mais du Cachemire lui-même où l’ISI dispose d’un important réseau d’agents et d’informateurs. Les gouvernements civils pakistanais n’ont pas vraiment leur mot à dire sur toutes les questions touchant à la sécurité nationale qui sont la prérogative de l’armée et des services spéciaux. N’oublions pas que depuis 1958, le Pakistan a connu pas moins de trois coups d’État (1977 et 1999) sans parler des occasions où, sous la pression de l’armée, le premier ministre civil a été remplacé par un autre dont elle était proche. S’ajoute à cela que l’actuel premier ministre Imran Khan vient d’arriver au pouvoir à la suite d’une campagne à la tonalité nationaliste au cours de laquelle il a visiblement bénéficié du soutien des militaires.

Quelles pourraient être les répercussions géopolitiques d'un regain de tensions entre les deux pays ? 

Tout dépend bien sûr de l’ampleur du conflit. Mais même s’il demeure limité, il ne peut y avoir que des perdants. Les deux belligérants, à l’évidence, dont l’économie va souffrir. Mais la Chine pourrait être l’un des grands perdants. Si elle a officiellement condamné l’attaque de Pulwama, elle reste l’alliée du Pakistan dans lequel elle a beaucoup investi, politiquement et financièrement. Des dizaines de milliers de travailleurs chinois sont présents pour mettre en place le CPEC (China-Pakistan Economic Corridor), ce couloir qui doit relier la ville de Kashgar dans le Xinjiang) au port de Gwadar sur la mer d’Arabie. À cela s’ajoute les risques de polarisation des musulmans qui pourraient naître d’une guerre indo-pakistanaise alors que la Chine, bien qu’alliée du Pakistan, est confrontée à l’opposition de la population musulmane chinoise au Xinjiang.

En Afghanistan, d’où les Américains se préparent à se retirer sans avoir stabilisé la situation, les talibans qui sont déjà en situation favorable, s’enhardiraient sans doute sans attendre le départ des troupes américaines. Il est vrai que le Pakistan apparaît en Occident et en Inde comme un État failli. Mais son isolement a des limites : outre la Chine, l’Arabie Saoudite vient de lui apporter un soutien significatif avec la visite que vient d’effectuer le prince héritier Mohammed ben Salmane, qui apportait avec lui 20 milliards de dollars de contrats.

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