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Pourquoi le nouvel angle d’attaque d’Emmanuel Macron pour les européennes est bien plus intéressant que le précédent
©Dimitar DILKOFF / AFP

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L'agence Reuters a appris, de la part d'un proche du président que ce dernier allait bientôt lancer un “signal d’alarme” lors d’un prochain discours afin de mobiliser les Européens en vue des élections européennes.

Cyrille Bret

Cyrille Bret

Cyrille Bret enseigne à Sciences Po Paris.

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Atlantico : Selon Reuters, Emmanuel Macron devrait prochainement insister dans un discours sur le rôle défensif de l'alliance et de la coopération européenne pour faire face aux "puissance rivales du monde". Mais quels moyens politiques la France et ses partenaires peuvent-ils mettre en œuvre pour assurer cette stratégie de protection ? 


Cyrille Bret : le président de la République prend acte de ce que tous voient en Europe : les menaces sont de retour sur notre continent, y compris dans leur dimension militaire. L’Europe aspire à être un continent de paix. C’est toute l’histoire de la construction des institutions de l’Union et, au-delà des instances de coopération et de sécurité en Europe comme l’OSCE. Mais elle est aujourd’hui en butte à la guerre, sur son territoire et à proximité. Au Sud, après avoir connu la guerre de Yougoslavie, elle est confrontée directement aux conflits en Syrie et en Lybie. Elle en subit les conséquences directes notamment en raison de l’afflux de réfugiés. A l’est, ses principaux partenaires au sein du partenariat oriental, l’Ukraine, la Moldavie, la Géorgie, sont confrontées à des « conflits gelés ». La guerre entre la Géorgie et la Russie en 2008 a conduit à la sécession de l’Ossétie du Sud protégée par la Russie, dans le Nord du Pays. La Moldavie est confrontée à une sécession de la part de la Transnistrie, dans sa partie orientale, protégée par des garnisons russes. Enfin, l’annexion de la Crimée en 2014 et la guerre dans le Donbass ont achevé de malmener les principes sur lesquels est bâtie la sécurité collective du continent : les frontières ne sont plus intangibles et l’usage de la force n’est plus impensable dans les rapports entre Etats sur notre continent. Le diagnostic d’Emmanuel Macron est aujourd’hui largement partagé : la force est de retour sur notre continent. Pour y répondre, celui-ci doit se protéger.
La première réponse aux menaces extérieures, qu’elles proviennent de la Russie, du Moyen-Orient ou d’Afrique, est de réactiver l’Alliance atlantique. C’est ce qui a été fait sous les présidences Bush et Obama. En effet, la plupart des Etats européens ont retrouvé la vocation initiale de l’OTAN qui était d’assurer la sécurité de l’Europe. La Pologne, la Roumanie, la Tchéquie et les partenaires ukrainiens et géorgiens se sont tournés vers l’OTAN comme vers leur assurance vie. Et comme le financeur de leurs efforts de défense.
Tout est aujourd’hui changé avec la présidence Trump. Le candidat devenu président des Etats-Unis a mis en question tout à la fois les mécanismes d’assistance collective en cas d’agression, la contribution des Etats-Unis à l’Alliance et son soutien aux Etats historiquement ancrés dans l’OTAN, comme l’Allemagne. A cela s’ajoute que le Brexit risque de priver l’Union de l’un de ses deux principaux piliers militaires avec la France. Aujourd’hui, avec l’administration Trump et le Brexit, la protection de l’Europe ne va plus de soi.
L’Europe de la défense, serpent de mer récurrent aux résultats encore limités aujourd’hui, devient donc la solution la plus évidente. Pour assurer la défense de leur continent, les Européens doivent eux-mêmes prendre en main leur défense, dans le domaine budgétaire, technologique et opérationnel. Les élections européennes de mai 2019 puis la formation d’une nouvelle Commission européenne constituent les occasions toute désignées pour rappeler aux opinions, aux électorats et aux gouvernements : la défense de l’Europe passe par l’Europe de la défense.

Qu'est-ce qui fonctionne le mieux : une politique s'appuyant sur l'approfondissement de l'Union européenne ou sur le partage de valeurs et d'objectifs communs des gouvernements nationaux ?

La construction européenne est faite d’avancées et de crises, de percées et de périodes de stagnation. Tantôt, c’est un grand mouvement d’unification du continent comme celui qui a eu lieu en 2004, tantôt c’est un approfondissement des solidarités internes par l’intermédiaire des fonds européens qui font avancer la construction européenne. L’âge d’or de l’Europe n’a jamais existé. Même l’acte unique promu par Jacques Delors dans les années 1980 a dû vaincre de nombreuses résistances, internes et externes. Toutefois, faire alterner approfondissements et élargissements permet d’alimenter le projet européen.
C’est tout particulièrement le cas dans le domaine de la sécurité et de la défense. En effet, tantôt c’est la création d’outils communs comme l’Agence européenne de défense ou les Coopérations structurées qui permettent de progresser sur le chemin de la coopération sécuritaires. Tantôt, c’est la diffusion d’une vision commune, comme celle d’une armée européenne, qui suscite une prise de conscience. Cet horizon est sans doute irréaliste. Mais c’est un idéal qui met en évidence le besoin de sécurité de l’Union et de ses Etats membres.

Cette volonté d'une Union qui ne serait plus malmenée par ses concurrents est partagée partout en Europe. C’est un des rares dénominateurs communs, malgré les clivages entre Etats membres. Qu'est-ce qui bloque aujourd'hui pour trouver un terrain d'entente ? S'agit-il uniquement de tensions politiques ? 

Vous avez raison : par-delà les clivages politiques, partisans ou idéologiques, tous les Etats membres et leurs gouvernement aspirent à exercer leur souveraineté sans entraves extérieures et sans ingérence étrangère. C’est même le point commun entre des souverainistes ouvertement sceptiques envers l’Union comme le PiS polonais et des fédéralistes assumés comme la présidence Macron. 
Toutefois, la défense de la souveraineté des Etats-nations contre les ingérences et les menaces extérieures a des significations très différentes selon les régions d’Europe et selon l’orientation politique générale des gouvernements nationaux. Pour les Etats baltes, aux territoires vulnérables, aux populations réduites et aux ressources limitées, c’est l’intégrité territoriale y compris dans le cyberespace qui est à protéger contre les empiètements russes. C’est l’OTAN qui est aujourd’hui le plus présent sur le terrain.
Pour la Grèce et l’Italie, les menaces ont d’autres figures. Il s’agit de risques non pas militaires mais de risques migratoires. Les deux pays se sentent abandonnés – à tort ou à raison – par leurs partenaires européens. C’est largement cette perception qui a entraîné la victoire de la Ligue et du M5S en Italie en mars dernier aux législatives. Pour ces pays, la réponse n’est pas l’alliance militaire. Mais un surcroît de solidarité entre les Etats membres.
Pour que les Européens commencent à assurer eux-mêmes pleinement leur sécurité, le premier obstacle à surmonter est l’absence de conscience commune des dangers qui les menacent. D’où la nécessité de parler un langage de vérité sur les défis sécuritaires actuels. La reconstitution de la puissance russe, le caractère endémique du terrorisme, l’activisme chinois à l’est et au sud du continent constituent des défis que les Etats membres ne seront pas en mesure de relever séparément.

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