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École de la confiance : Jean-Michel Blanquer manque à nouveau l'occasion de se saisir de la crise exceptionnelle que connait l'enseignement
©LUDOVIC MARIN / AFP

Education

Drapeaux dans les classes, instruction obligatoire dès 3 ans, homoparentalité... La loi "École de la confiance" portée par Jean-Michel Blanquer devrait être adoptée ce mardi à l'Assemblée Nationale.

Jean-Paul Brighelli

Jean-Paul Brighelli

Jean-Paul Brighelli est professeur agrégé de lettres, enseignant et essayiste français.

 Il est l'auteur ou le co-auteur d'un grand nombre d'ouvrages parus chez différents éditeurs, notamment  La Fabrique du crétin (Jean-Claude Gawsewitch, 2005) et La société pornographique (Bourin, 2012)

Il possède également un blog : bonnet d'âne

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Atlantico : La première loi sur l'école du quinquennat d'Emmanuel Macron ne fait pas l'unanimité. Qualifiée de "loi d'affichage par Les Républicains" ou encore  de rétrograde par le "PS". Concrètement que retenir de ce projet de loi ?


 Jean-Paul Brighelli : D'abord retenir le fait qu'il est présenté, alors que Blanquer au départ pensait qu'il n'y aurait pas de "loi Blanquer". C'est donc qu'il avait à faire passer des éléments qu'il ne pouvait pas régler par décrets successifs — d'où l'aspect décousu du projet de loi.

On comprend bien que "l'école dès trois ans" n'est qu'un prétexte : 98% des enfants sont déjà scolarisés à cet âge sans que la loi pour le moment l'impose. C'est donc ailleurs que gît le détail important. Peut-être dans la volonté de renommer — et surtout de reprendre en main — les ex-ESPE ex-IUFM, où ce sont les mêmes pédagogues qui tiennent le haut du pavé depuis trente ans, et qui forment (et déforment) les enseignants qui leur sont confiés. Mais il n'est nulle part dit qu'ils seront remplacés par des gens compétents? renvoyés devant les élèves, ou priés de prendre une retraite mal méritée.

Il y a aussi le désir de regrouper les rectorats en super-structures correspondant aux super-régions — un désir qui a fait long feu et sur lequel le ministre est revenu lui-même, tant l'opposition des syndicats les mieux disposés (le SNALC par exemple) était forte. Il y a enfin la volonté de reprendre en main le "devoir de réserve", le désir de ne plus être dérangé par les vociférations. On peut le comprendre, on peut s'en inquiéter : si cet article passe tel qu'il a été rédigé, je ne sais pas si dans trois mois je pourrai répondre à vos questions.

L'amendement porté par Eric Ciotti qui prévoit la présence du drapeau français, du drapeau européen et les paroles du refrain de l'hymne national dans les salles de classes suscite la grogne des enseignants qui ont l'impression que cela se fait au détriment de leurs demandes de moyens supplémentaires. Cette critique est-elle compréhensible ?

La demande de moyens n'a rien à voir avec la présence ou non du drapeau français. Eric Ciotti a désiré laisser une trace dans cette loi — c'est son problème. L'alignement des classes françaises sur les classes américaines (le drapeau, et l'hymne) est un eu puéril. Nous susciterons bien davantage un élan national en privilégiant l'étude de l'Histoire de France (une vraie Histoire de France, pas le ramassis mondialiste dont certains enseignants font leurs délices) et celle des grands textes français — et non celle d'auteurs de la "diversité". C'est en apprenant aux élèves les français tel qu'il doit se parler, et non l'argot tel qu'ils l'ânonnent, que l'on reconquerra les territoires perdus de la République.

Au final, que manque-t-il  à cette loi sur "l'école de confiance"?

Il manque la volonté pédagogique. Il manque la volonté de former les maîtres dans leurs disciplines, au lieu de les recruter — pour moins cher — dès la fin de la Licence. Blanquer est partagé entre le désir de faire des économies substantielles, et la volonté de sonner la fin de la récré. De même, pourquoi ne pas avoir profité de la loi pour anéantir ce qui, dans la loi Peillon ou dans le collège version Vallaud-Belkacem, clochait si manifestement qu'une immense majorité d'enseignants y étaient opposés ? J'entends bien que Blanquer se concentre sur le Primaire — la réforme du lycée n'est qu'un attrape-couillon qui permet, pendant ce temps, de remettre au pas les instituteurs et les inspecteurs adeptes depuis si longtemps de méthodes délétères. J'avoue que le ministère, pour lequel j'ai eu des sentiments très positifs au commencement, m'inquiète un peu : ce sont les mêmes qui forment des profs toujours en mauvais état, et dont on me dit qu'on ne peut pas les révoquer d'un trait de plume : alors, à quoi bon une loi ? L'Ecole est en si mauvais état qu'il fallait une loi d'exception. Et on accouche d'un petit arsenal administratif. C'est nettement insuffisant, par rapport aux attentes et par rapport aux besoins.

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