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Et si les démocraties conservatrices étaient plus stables que leurs versions libérales ?
©DANIEL LEAL-OLIVAS / AFP

Disraeli Scanner

Lettre de Londres mise en forme par Edouard Husson. Nous recevons régulièrement des textes rédigés par un certain Benjamin Disraeli, homonyme du grand homme politique britannique du XIXè siècle.

Disraeli Scanner

Disraeli Scanner

Benjamin Disraeli (1804-1881), fondateur du parti conservateur britannique moderne, a été Premier Ministre de Sa Majesté en 1868 puis entre 1874 et 1880.  Aussi avons-nous été quelque peu surpris de recevoir, depuis quelques semaines, des "lettres de Londres" signées par un homonyme du grand homme d'Etat.  L'intérêt des informations et des analyses a néanmoins convaincus  l'historien Edouard Husson de publier les textes reçus au moment où se dessine, en France et dans le monde, un nouveau clivage politique, entre "conservateurs" et "libéraux". Peut être suivi aussi sur @Disraeli1874

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Londres, 
Le 27 janvier 2019


Mon cher ami, 

Pourquoi je n’aime pas Oxford

Je ne me rends pas volontiers à Oxford. D’abord parce que je me suis frayé un chemin dans la vie sans véritable formation académique. Comme vous le savez, je n’ai jamais terminé mon bachelor à King’s College London. Et je n’ai qu’un diplôme en entrepreneuriat - de Babson College, il est vrai.  Surtout, je n’aime pas Oxford parce que cela fait longtemps que l’Université et ses collèges ont abandonné l’essentiel d’une position conservatrice. Peut-être ne se sont-ils jamais remis de la conversion de John Henry Newman au catholicisme. Tant qu’il restait anglican et chapelain de St Mary, il procurait aux Tories l’aliment spirituel sans lequel leur culte de la tradition et de la continuité nationale s’étiole vite. Mais aujourd’hui, Newman est un Bienheureux aux yeux de l’Eglise catholique. Il est l’auteur d’une oeuvre substantielle que je n’ai pas besoin d’aller à Oxford pour comprendre. Et l’architecture, me direz-vous? Oui, Oxford, comme Cambridge, sont magnifiques; les deux cités universitaires témoignent de l’ancienneté de nos libertés et de notre capacité à conserver des traditions. Je conçois bien que notre pays offre, dans ces deux endroits, des conditions remarquables pour la la recherche scientifique. Et j’admire le rayonnement de ces deux centres académiques, véritables foyers d’innovation pour la recherche du XXIè siècle et la troisième révolution industrielle. Mais je déplore que la vie de l’esprit, que les sciences humaines et sociales oxoniennes soient aussi conformistes, impossibles à distinguer de ce qui se fait à Cambridge. 

Il me fallait donc un motif majeur pour surmonter mes habituelles préventions et me rendre à Oxford - malgré la neige. Peut-être aucun de mes compatriotes ne serait-il arrivé à me convaincre. C’est une personnalité française que je suis allé écouter à l’Oxford Union: Marion Maréchal. Je ne sais pas si vous vous rendez compte de ce que je suis en train de vous avouer: le club de débat des étudiants d’Oxford fut présidé au XIXè siècle par William Gladstone, le grand adversaire politique de Benjamin l’Ancien. Dans la maison de l’Union, on peut voir, aujourd’hui encore, le bureau du grand premier ministre libéral. Son portrait est accroché dans la salle des débats ! On ne peut pas imaginer plus symbolique de la trahison du conservatisme par les élites oxoniennes que le parcours de Gladstone, qui commença conservateur et finit progressiste. Quand je pense que Boris Johnson aussi a été le président de l’Oxford Union sans prendre le temps d’y installer un portrait de Benjamin Disraëli,   je comprends mieux pourquoi je l’estime aussi peu - Eh bien, c’est dans cette maison qu’il me fallait entrer pour aller écouter l’oratrice ! 

Il m’a fallu d’abord franchir un petit attroupement de manifestants qui brandissaient un drapeau rouge et criaient « No pasaran! ». Quand je leur ai demandé contre qui ils manifestaient, ils avaient l’air moins sûr de la personnalité du jour que de leurs slogans antifascistes. Mais voilà, un véritable rituel s’est mis en place, depuis quelques années, à chaque fois qu’une personnalité considérée par les progressistes comme un peu trop à droite pour eux est invitée par l’Oxford Union, le bal des protestataires se met en place: le maire de la Ville écrit pour se plaindre d’avoir à mobiliser la police et demander aux étudiants de renoncer. La presse, locale ou nationale, produit quelques articles convenus. Les étudiants de l’Union répondent poliment mais fermement qu’ils tiennent à la liberté d’expression plus que tout. Et l’événement se tient, non sans quelques tentatives de ralentissement des entrées par les manifestants, quelquefois. Apparemment, le face à face entre les antifascistes et les membres de l’Union venus écouter la conférencière est resté bon enfant, cette fois: lorsque je suis entrée dans la salle, elle se remplissait vite et elle fut finalement pleine à craquer. 

Le plaidoyer conservateur d’une oratrice venue de France

Je ne connaissais rien d’autre de Madame Maréchal que ce qu’en disent les médias. J’avais bien remarqué son discours, voici un an, à Washington, pour le congrès des conservateurs américains et noté qu’Emmanuel Macron avait soudain de la concurrence, lui qui est si fier de pouvoir s’adresser à un public international en anglais. Et bien Marion Maréchal avait décidé de récidiver. Et nous avons eu le plaisir, cette fois, d’entendre longuement l’oratrice: un discours de 25 minutes puis une longue série de questions/réponses. Au risque de vous étonner, je vous dirai que non seulement la jeune Française a rapidement dominé l’acoustique de cette grande salle. Mais elle a aussi conquis le public. Je ne vous parle pas seulement du noyau d’étudiants lecteurs de Chesterton ou authentiques conservateurs qui, visiblement, s’étaient donnés le mot et étaient d’emblée déterminés à applaudir la conférencière. Non, je vous parle de la majorité, évidemment libérale ou progressiste, qui lui a prodigué ses applaudissements, alors même qu’elle ne faisait aucune concession pour défendre ses idées - qu’elle parlât de souveraineté française, de contrôle de l’immigration ou du droits de l’enfant à avoir un père et une mère. Peut-être l’arrogance de l’intervieweur, plus progressiste oxonien que nature, lors du débat, a-t-elle aidé à ce dénouement inattendu. Mais je pense que ce sont surtout la franchise de la conférencière et le fait qu’elle n’est pas besoin de la vulgarité trumpienne ni de quelques outrances que ce soit pour faire passer un discours conservateur. 

Je dis bien conservateur, mon cher ami. Aucun doute là-dessus. Marion Maréchal a certes analysé le « moment populiste »; elle a fait le parallèle entre les Gilets Jaunes et les électeurs qui ont voté Brexit. Mais c’est une réponse conservatrice qu’elle a proposé. Sur son portrait, William Gladstone a soudain eu l’air encore plus blafard que d’habitude lorsqu’il a entendu déclamer par l’oratrice, pour décrire l’affrontement entre les macroniens et les Gilets Jaunes, la célèbre formule de Benjamin l’Ancien: 
« Two nations  between whom there is no intercourse and no sympathy; who are as ignorant of each other’s habits, thoughts and feelings, as if they were dwellers in different zones or inhabitants of different planets.... ». 

Oui, le drapeau des Tory democrats était soudain planté au coeur d’une Maison dans laquelle, à part la défense farouche de la liberté de parole, on a oublié l’essentiel de la tradition conservatrice ! Ce que Marion Maréchal propose, c’est le contraire de la lutte des classes que pratique actuellement votre gouvernement en faisant sauvagement réprimer les Gilets Jaunes. Le conservatisme français qu’elle imagine est fondé sur une réconciliation entre la bourgeoisie française et la France périphérique. Elle pense que la droite est plus à même de proposer un nouveau pacte fondateur de ce type - par lequel les individus de toute classe sociale et de toute région de France redeviendraient entrepreneurs de leur destin grâce à la protection que leur apporteront communautés et corps intermédiaires reconstitués. Dans la devise de votre république, elle a mis en valeur le mal-aimé, la fraternité. Sur l’Europe, elle a suggéré de commencer par réaffirmer un leadership français, une volonté française; et d’en tirer les conséquences si les partenaires ne veulent pas accepter des positions qui respectent les intérêts français (par exemple une politique de change active pour l’euro). Enfin, le maître mot de la dernière partie de son discours a été la démocratie: elle a demandé que l’on rende au niveau approprié le pouvoir de décider sur les questions qui le concernent. Elle a longuement argumenté pour une démocratie conservatrice, appuyée sur une identité française forte, sur la souveraineté reconquise et sur le respect de la famille, cellule fondatrice de la société. Au lieu de faire comme la démocratie libérale, qui a tendance à considérer la famille, les solidarités locales et la nation comme des résidus du passé, la démocratie conservatrice s’appuie sur toutes ces réalités qui fabriquent du lien social. 

Mon cher ami, comme je n’avais pas d’idées préconçues sur Marion Maréchal, j’ai tout simplement accueilli avec grand intérêt un discours qui se situe dans la grande tradition conservatrice. Je conçois que d’autres observateurs soient surpris. ils s’attendaient peut-être à un discours plus populiste ou plus dans la tradition du parti dont vient l’oratrice. Quand la vidéo du discours et du débat sera mise en ligne, vous pourrez vous faire une idée plus précise. Pour ma part, ce qui m’intéresse, c ‘est le plaidoyer explicite pour une démocratie conservatrice. Non seulement pour le dialogue qu’il rend possible entre la tradition anglophone et la philosophie politique de votre pays. mais aussi parce que si la France était capable de créer un conservatisme démocratique, cela ferait beaucoup de bien à la tradition démocratique en général. 

La France n’a jamais pu forger durablement un conservatisme démocratique

Je m’explique. Dans votre pays, au XIXè siècle, l’affrontement entre conservateurs et libéraux, au XIXè siècle, a d’abord été un affrontement entre monarchistes et républicains. C’est ce qui explique que vous n’ayez pas de grand auteur conservateur, au sens où nous l’entendons, exception faite de Chateaubriand qui, dans les mémoires d’Outre-Tombe, a des formules qui ressemblent beaucoup à celles du jeune Disraeli. Ensuite, au XXè siècle, le gaullisme n’a pas été analysé pour ce qu’il est: la première expression aboutie d’un conservatisme démocratique français. L’histoire du mouvement et de son chef ont été trop vécues comme une histoire exceptionnelle, liée à la guerre et au sauvetage de la République. Et Georges Pompidou étant mort prématurément, le gaullisme n’a pas eu le temps de connaître l’ultime métamorphose que de Gaulle n’avait pas pu ou pas voulu mettre en oeuvre: celle de la création d’un grand rassemblement à droite, qui réintègrât, au-delà des fractures de Vichy et de la Guerre d’Algérie; celle du renforcement de la face parlementaire des institutions, pour contrebalancer l’influence croissante de la haute fonction publique. Après la mort de Georges Pompidou, on a assisté à une double dérive: le parti gaulliste a trahi le conservatisme de son fondateur au profit du progressisme et de l’européisme; tandis que la gauche a essayé d’éliminer systématiquement de l’histoire du gaullisme tout ce qui en faisait l’aboutissement original du meilleur de la droite française. 

En fait, vous vivez, vous autres Français, qui avez la réputation de penser clairement, avec une grande macédoine de concepts dans la tête. Vos dirigeants ne cessent de se réclamer des valeurs républicaines. Mais la République est historiquement inséparable de la Nation. Or la plupart de vos partis qui se disent républicains - y compris le parti héritier de l’UMP - ne croient plus que la nation soit le socle immuable de la République. Et vous avez, pendant des années, refoulé la nation à l’extrême droite de l’échiquier politique, abandonnant sa défense au Front/ Rassemblement National. A gauche, pour compenser l’abandon de la nation, ceux qui refusent de la mondialisation se sont lancés dans une grande croisade contre le néolibéralisme. 

A première vue, cela faisait du sens puisque le libéralisme contemporain, en matière économique, a été relancé par Margaret Thatcher et Ronald Reagan, qui décrivaient leur mouvement comme une « révolution conservatrice ». En fait, le tableau s’est compliqué lorsque la révolution néo-libérale a échappé à leurs initiateurs. Le reaganisme a cédé la place, sous Bush, père et fils, au mouvement « néoconservateur », en fait un mouvement ultralibéral et mondialiste. Et ce sont Bill et Hillary Clinton qui ont le mieux incarné le néolibéralisme de la mondialisation triomphante. Margaret Thatcher, elle,  a été marginalisée, dans son propre parti, par le courant européiste puis le parti travailliste, emmené par Tony Blair, a repris à son compte la révolution néolibérale. Cette migration du néolibéralisme vers la gauche était assez logique puisque le libéralisme, au fond, est, dans tous les domaines, un individualisme absolu. La révolution néolibérale a pris complètement son essor lorsqu’elle a réuni le capitalisme financier et la révolution des moeurs issue de 1968. De Tony Blair à Emmanuel Macron en passant par Gerhard Schröder, la révolution néolibérale s’est stabilisée à gauche. On a retrouvé, dans les quinze dernières années, l’usage répandu du mot libéralisme en milieu anglophone: Liberalism est un terme qui renvoie à la gauche, assez aisément assimilable au progressisme (Progressivism).  

Crise de la démocratie libérale

Nous sommes cependant confrontés à une véritable crise de la démocratie dans la mesure ou cette gauche libérale n’a pas toujours d’adversaire à droite. Dans de nombreux cas, la droite, elle aussi adhère, aux principes du néolibéralisme: c’est le parti républicain d’avant l’irruption inattendue de Donald Trump; le parti conservateur britannique incapable de se défaire de sa passion libre-échangiste; la démocratie chrétienne de Madame Merkel; ou les Républicains de Laurent Wauquiez. Lorsque la droite est plus libérale que conservatrice, lorsqu’elle adhère aux fondements du mondialisme, lorsqu’elle rejette le caractère fondamental de la nation et de la famille, elle laisse monter des forces populistes et contribue à un affrontement politique entre les milieux dirigeants et les classes populaires. C’est la situation dans laquelle vous vous trouvez, celle d’un affrrontement dur entre les Gilets Jaunes et le gouvernement d’Emmanuel Macron, sans que la droite, divisée entre un parti libéral, Les Républicains, et un parti populiste, le Rassemblement National, réussisse à modifier la donne politique. 

Dans d’autres pays, comme les Etats-Unis, la Pologne, la Hongrie ou l’Italie, une droite différente a émergé, qui cherche à canaliser le populisme et à mettre en place une politique conservatrice. Il n’est pas étonnant que l’affrontement entre ces nouveaux conservateurs et les libéraux cristallise sur la question de la démocratie: les libéraux, désarçonnés par une opposition qu’ils n’avaient pas vu venir ou qu’ils avaient sous-estimée, accusent les conservateurs de mettre en danger la démocratie, de vouloir porter atteinte aux libertés, par exemple en limitant l’immigration. Les conservateurs se défendent en disant qu’ils sont les porte-paroles d’une part oubliée de la nation. Et ils dénoncent toutes les instances, en particulier supranationales, qui ont, disent-ils, confisqué la décision aux parlements nationaux ou à la démocratie locale. 

Quand le conservatisme se porte au secours de la démocratie

Je ne vous étonnerai pas en disant que, selon moi, les conservateurs ont raison. Qu’est-ce que le Brexit, sinon une volonté de rendre au parlement britannique l’essentiel de sa souveraineté? Qu’est-ce que le mouvement des Gilets Jaunes sinon le soulèvement d’une France des communes rurales et des villes petites et moyennes qui ne supportent plus la recentralisation du pouvoir qui a eu lieu depuis dix ans ni une fiscalité qui, au-delà d’être écrasante, ne sert ni la nation ni ses composantes locales? Dans son discours d’Oxford, Marion Maréchal a pris l’exemple très parlant de la défense de l’environnement. Elle critique l’approche « globaliste » du sujet, consistant à fixer des objectifs technocratiques, qui sont dignes du Gosplan de la grande époque et qui, s’ils étaient atteints, n’auraient que peu d’impact réel sur la réalité environnementale; mais, loin de faire comme une certaine droite libérale, qui ignore la protection de l’environnement, elle met l’accent sur une écologie concrète, locale, maîtrisée par les citoyens, fondée sur la protection des terrroirs; elle propose qu’au lieu de pressurer ces acteurs de l’écologie que sont les citoyens, en particulier les paysans, on dirige le contrôle de l’Etat vers la maîtrise des grands flux commerciaux et des entreprises du secteur agro-alimentaire. 

Au fond, mon cher ami, si nous réfléchissons bien, la faiblesse de la démocratie libérale tient au fait qu’elle tend à s’appuyer avec le temps sur la minorité des individus qui accaparent le pouvoir et la richesse dans un monde sans frontières, c’est-à-dire sans limites. Contrairement à ce que nous disent les libéraux, les frontières ne sont pas un obstacle, elles sont une protection pour les plus faibles et pour tous ceux dont la croissance est encore fragile. Or, y a-t-il rien de plus fragile que la démocratie? La démocratie vit en permanence sous la menace d’être confisquée. Rien ne la protège mieux que la « séparation des pouvoirs ». Il ne faut pas seulement penser à la distinction entre exécutif, législatif et judiciaire; mais aussi au fait que bien des sujets doivent être remis à la démocratie locale; et très peu de sujets, au bout du compte, sont utilement traités au niveau européen. Les libéraux ont tendance à refuser le référendum, parce qu’il contrôle les pulsions de puissance des dirigeants; ils n’hésitent pas à vider de sa substance le parlementarisme au profit d’organes d’experts ou d’instances supranationales. Les conservateurs, au contraire, protègent la démocratie dans la mesure où ils cherchent à pratiquer une dévolution de la décision au niveau régional et local; où ils pensent que le parlement est le lieu fondamental du débat public, structuré selon des confrontations claires entre deux ou plusieurs partis; et où ils savent que le référendum est l’outil des pauvres et des faibles pour contenir l’éventiuelle démesure des puissants. 

Plus j’y réfléchis, mon cher ami, plus je pense que la démocratie ne peut être que conservatrice: le libéralisme tend au fond à limiter l’impact de la démocratie, à lui retirer les décisions dans des domaines jugés cruciaux. Au contraire, le conservatisme est protecteur des libertés, il encourage la subsidiarité, il est ami des petits et moyens entrepreneurs. Partout où il le peut, il encourage l’initiative. Mais il ne tombe pas dans l’utopie de l’autogestion ou de tout autre mythe libertaire porté par une gauche respectable mais naïve. Les conservateurs savent que la souveraineté de l’Etat est la garante de toutes les libertés et de leur épanouissement. 


Pourquoi le monde a besoin que la France construise une démocratie conservatrice

J’ai parcouru les articles parus dans les médias sur la conférence de Marion Maréchal. Il semble que la seule question qui passionne vos gazettes est de savoir si l’ancienne représentante du peuple s’est durablement retirée ou pas de la vie politique. On spécule pour mesurer ce que serait l’impact - à droite - d’un retour en politique de la directrice de l’Institut des Sciences Sociales Economiques et Politiques. Mais ces chroniqueurs de l’éphémère ne voient-ils pas ce qui est en jeu? Votre pays n’a t-il pas tiré les leçons de l’échec de Nicolas Sarkozy, lui qui a bâti une tentative de politique conservatrice sur le sable d’une réflexion fondamentale quasi inexistante ? Ne voyez-vous pas, vous autres Français, que toute votre vie politique est à reconstruire? Le libéralisme mérite mieux que le prêt-à-porter idéologique d’Emmanuel Macron. Et la tâche est peut-être encore plus ardue pour construire le projet concret d’une démocratie conservatrice. Marion Maréchal en propose une formulation. Trouvera-t-elle du répondant dans le monde politique, chez les intellectuels, chez les entrepreneurs, chez les hauts fonctionnaires? 

C’est toujours en France que se nouent les grands débats pour l’Europe, pour l’Occident et pour le monde. Nous autres anglophones pouvons bien dominer culturellement le monde, grâce à notre dynamisme économique et notre prosélytisme politique, nous ne savons pas parler de grand chose d’autre que la liberté. C’est essentiel, mais cela ne suffit pas. Vous autres Français portez la valeur d’égalité: elle nous rappelle que les institutions politiques de la Grande-Bretagne ou des Etats-Unis courent toujours le danger de se transformer en oligarchies; or la démocratie n’est durable que si elle est une isocratie - un gouvernement des égaux. C’est aussi vous les Français qui, dans les meilleures périodes de votre histoire, enseignez au monde la valeur de la fraternité - c’est elle que Lyautey sut si bien mettre en oeuvre au Maroc, infiniment supérieur, en cela, à tous les colonisateurs britanniques; c’est pour elle que le grand Jaurès mourut, essayant en vain d’arrêter l’engrenage infernal de juillet 1914; c’est au nom de la fraternité que de Gaulle encourageait l’émancipation des nations. Même si je me réjouis, aujourd’hui, de voir le conservatisme s’installer dans un certain nombre de pays, je vois bien les dangers d’étouffement qu’il court, partout où une pratique autoritaire du pouvoir est la solution la plus facile dans un monde incertain. C’est pourquoi nous avons absolument besoin que vous autres Français, réussissiez dans la construction d’une authentique démocratie conservatrice. Ce sera un modèle pour le monde. 

Bien fidèlement

Benjamin Disraëli

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