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Open d’Australie : nouvelle ère pour les dames, âge d’or du tennis mondial pour les messieurs
©Jewel SAMAD / AFP

Tennis

Du sang neuf chez les dames et un grand classique chez les messieurs, voilà ce que nous a offert cette belle édition de l'Open d'Australie.

Olivier Rodriguez

Olivier Rodriguez

Olivier Rodriguez est entraîneur de tennis et préparateur physique. Il a coaché des sportifs de haut niveau en tennis. 
 
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Politesse française oblige, nous commencerons par les dames. A l'ouverture du tournoi, les prétendantes étaient si nombreuses que désigner une favorite relevait de l'art divinatoire. Songez qu'avant le début de la compétition, une dizaine de joueuses (!) pouvaient prétendre à la première place mondiale... Songez qu'avant le déclenchement des hostilités, les huit dernières levées en Grand Chelem avaient consacré huit joueuses différentes... Tout ceci en disait long sur l'absence de leadership au sommet du tennis féminin. Pour tout dire, le circuit ressemblait de plus en plus à une boîte de chocolats au moment des fêtes. On a toujours hâte de l'ouvrir, mais on ne sait jamais vraiment ce que l'on va y trouver. Naomi Ozaka qui a donc décidé de mettre un peu d'ordre dans tout ça. C'est cette joueuse de 21 ans qui a remporté une finale inédite à l'enjeu majeur, car, en décrochant son premier Open d'Australie, elle accède également à la première place du classement mondial. Un coup double pour un autre doublé car elle empoche également son second titre du Grand Chelem de rang, ce qui est une confirmation rare chez une joueuse aussi jeune. Après avoir laissé échappé trois balles de matchs et quelques larmes avant d'entamer la manche décisive, elle a montré au monde entier ce que reprendre le contrôle de ses émotions voulait dire. En se remobilisant spectaculairement, elle a mis en évidence que, parfois, les signes diffèrent du sens. Cette force mentale et un style de jeu rappelant Novak Djokovic pourraient bien faire d'elle la future patronne du circuit et nous verrons dans les prochains mois comment elle confirme sa nouvelle autorité... S'il est toujours douloureux de perdre une finale au bout du troisième set, Petra Kvitova peut néanmoins repartir de Melbourne la tête haute. La talentueuse joueuse Tchèque entame désormais, ni plus ni moins, une seconde carrière. Victime d'une agression au couteau qui a mutilé sa main gauche en 2016, exemplaire par sa résilience, elle est en passe de réussir là où Monica Seles a échoué. Armée de son tennis d'attaque et forte de deux victoires en Grand Chelem, elle peut rêver, légitimement, d'autres trophées. A l'inverse, c'est cette quête effrénée de succès et de titres qui semble désormais guider autant que contraindre Serena Williams. Cette immense championne qui a tout gagné n'a plus désormais qu'un but: dépasser le record de Margaret Court et ses 24 victoires en majeurs. Cette quête d'absolu semble être devenue pour elle un remède autant qu'un poison. Victime des circonstances, de sa morphologie, de ses adversaires et du temps qui passe, on jurerait que les deux titres qui lui manquent pour être consacrée sans discussion comme la meilleure joueuse de tous les temps seront les plus difficiles à obtenir. Elle est la preuve criante que, quel que soit le talent, plus l'envie est grande, plus les freins sont puissants.

Côté tableau masculin, il y eut deux tournois. Un concernant Nadal et Djokovic et un pour les autres tant le niveau de jeu affiché par les deux premiers classés à l'ATP était hors de portée de leurs soit-disant rivaux. Après avoir concassé et émietté tous leurs adversaires, en les réduisant à l'état de spectateurs avec toute l'impuissance que cela suggère, la finale qui les opposait avait tout du match idéal. On a beau nous présenter les nouvelles étoiles montantes comme des challengers de valeur, une chose est désormais certaine: la nouvelle génération ne surpassera ces deux extraterrestres que lorsque ceux-ci déclineront. Ce match que toute la planète tennis attendait et qui cristallisait toutes les espérances n'aura finalement pas tenu ses promesses. Puisqu'il fallait une victime, il fallait un bourreau. Et Djokovic fut le bourreau... Récitant un tennis total dès les premiers points, il a complètement dominé un espagnol qui n'aura pas pu saisir les moitiés d'occasions qui se sont présentées. Nadal, faute d'avoir été testé lors des ses premiers tours, aura finalement payé très cher ses quatre mois sans compétition. La démonstration fut limpide: il est évident qu'aucun entraînement ne remplace les moments de tension maximale qui caractérisent les grands matchs. Ce septième titre à Melbourne (!), ce troisième majeur remporté consécutivement, Djokovic a été le chercher en gérant tranquillement ses premiers tours et en se s'employant totalement qu'à partir des demi-finales (ce qui donne une idée de sa marge). Les changements tactiques de Nadal n'eurent que peu d'effet au regard de la qualité du tennis pratiqué par le numéro un mondial. Cherchant à avoir le contrôle de tous les échanges, jouant à l'intérieur du terrain, prenant la balle tôt et profitant d'une couverture de terrain sans faille, il ressembla à un serpent constricteur étouffant sa proie progressivement et la laissant sans solution. Tout en contrôle, privant de temps l'espagnol, jouant trop vite pour que celui-ci s'organise, il a placé la barre trop haut lors de ce récital. Si cette première levée du Grand Chelem donne le ton de la saison qui commence, le meilleur est à venir. Les trois joueurs les plus titrés de l'histoire sont en activité et en concurrence directe car le 15ème titre du Grand Chelem de Djokovic le replace au pied du podium dans la course ultime. Une course pour l'histoire menée pour l'instant par Federer (20 titres) et Nadal (17). La lutte promet donc d'être aussi belle que l'enjeu pour ce qui s'annonce comme un magnifique repas de fauves au coeur de l'âge d'or du tennis.

Un mot maintenant sur le bilan du tennis français à Melbourne. S'il faut se réjouir du retour surprise, au plus haut niveau, de Lucas Pouille, il faut aussi souligner le désert qui l'entoure. Déprimé et en déshérence pendant une saison 2018 semblable à un long chemin de croix, il s'est remarquablement relancé en s'entourant d'une nouvelle équipe et en trouvant en Amélie Mauresmo une nouvelle source d'inspiration. Délesté de 5 kilos et chargé d'une confiance toute neuve, il a signé cinq succès probants pour atteindre le dernier carré. Nul ne savait alors qu'il affichait la beauté d'un ange avant la chute, car, en ne marquant que quatre petits jeux en 1h20, il a fini néantisé par le numéro un mondial. Nous verrons d'ici peu comment il digérera le fait de finir un aussi beau tournoi sur une raclée pareille. Puisque Lucas Pouille est le seul tricolore à avoir joué en deuxième semaine, cette réelle satisfaction sera la seule. Et il nous faut nous alarmer de la débâcle quasi générale du reste du contingent. Si Herbert repart avec les encouragements, pour tous les autres, c'est l'étreinte du vide. Un résultat malheureusement conforme aux impressions laissées par la saison passée. Pour le tennis français, les vrais problèmes sont ceux qui se voient, même quand on essaie de les cacher. Nous nous consolerons tant bien que mal avec la magnifique victoire en double messieurs de la paire composée par Nicolas Mahut et Pierre-Hugues Herbert. En remportant le seul majeur qui manquait à leur palmarès, ils réalisent le grand Chelem en carrière et rentrent dans la légende de leur sport aux côtés de paires mythiques comme les frères Bryan ou les Woodies. Une consécration rare.

Pour finir, nous évoquerons un quatuor hors normes, composé de Serena Williams, Roger Federer, Rafael Nadal et Novak Djokovic. Des champions immenses et en avance sur leur temps. En donnant une nouvelle dimension au sport qui les a consacrés, ils ont changé le tennis plus que quiconque. Si Nadal (32 ans) et Djokovic (31) ont encore quelques années devant eux pour ancrer plus encore la trace déjà indélébile qu'ils laisseront, le temps est désormais compté pour Roger et Serena (37 ans chacun). Pour leurs plaisirs et celui de tous, les deux derniers cités ne sont plus dans le temps règlementaire de leurs carrières puisqu'ils en jouent les prolongations. Ces champions qui inspirent, en alliant talent et génie, entament leurs derniers tours de pistes comme d'autres partiraient en pèlerinage. Ces monstres, aux palmarès invraisemblables, auront déployé une énergie inouïe à obliger les circonstances à se plier à leur volonté, à condamner l'aléatoire. Hélas, ils sont aussi la preuve vivante que si la durée d'une carrière est maîtrisable, le temps qui passe, lui, est subit. Un temps hémophile qui s'écoule pour eux comme pour nous, spectateurs heureux de leurs exploits... Aussi, une fois leurs carrières achevées, nous deviendrons immanquablement les comptables des émotions qu'ils ne nous donneront plus. Ils ne nous restera plus que la nostalgie et la mélancolie, c'est à dire un désespoir élégant, une sorte de partage équitable entre le sourire et la tristesse. Parce qu'ils suggèrent plus qu'ils ne disent, parce que leurs frappes sont plus que tout ce qu'elles expriment et parce que toute écriture est une déperdition, il nous faut savourer sans modération leurs dernières représentations. 

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