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Pourquoi Bruno Le Maire a raison de vouloir rétablir une juste concurrence fiscale entre acteurs économiques mais quasiment aucune chance d’y parvenir par la méthode choisie...
©LUDOVIC MARIN / AFP

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Alors que le ministère des Finances défend des baisses d'impôt, la taxe française sur les GAFAM annoncée par Bruno Le Maire est la cible de critiques.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Malgré les critiques, ne peut-on pas voir dans cette décision une forme de mesure cohérente, en ce qu'elle vise à rétablir une équité fiscale ?

Philippe Crevel: Aujourd'hui, les GAFAM, vu leur taille et leur secteur d'activité, ont la possibilité d'optimiser leur situation fiscale en logeant leurs bénéfices dans des pays qui ont des taux d'imposition sur les sociétés très faibles, en particulier l'Irlande, qui propose un taux de 12,5%. Dans ce cas-là, les pays comme la France, mais aussi l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, etc. subissent des pertes de recettes conséquentes. D'autant plus que ces entreprises enregistrent de fortes croissances. Et qu'elles sont les piliers de la nouvelle économie. Ces compagnies prennent donc la place de ce qu'était autrefois l'industrie automobile, ou la sidérurgie dans un passé plus lointain. 

Or, tout État a besoin de recettes pour financer les dépenses publiques. Et de tout temps, les États se sont adaptés à l'évolution de l'économie : autrefois, sous l'Ancien Régime, on taxait le sel. Un peu plus tard, on a taxé les portes et les fenêtres. Après la Seconde Guerre mondiale, on a taxé la consommation. Le cœur de l'économie, aujourd'hui, est sans doute le digital, et il faut donc oser un gros mot et dire qu'il faut taxer le digital et, de ce fait, prendre les mesures nécessaires, faute de quoi les États-nations pourraient être mis en danger par l'érosion de leurs ressources. 

En suivant la logique de Bruno Le Maire de restaurer une certaine forme d'équité fiscale, ne pourrait-on pas également inclure dans cette réflexion les différences fiscales qui subsistent entre PME, et grands groupes en France ? 

La question est multiple. Rappelons d'abord qu'en France, il y a un impôt sur les sociétés qui est différent pour les PME (qui bénéficient d'un taux réduit) par rapport aux grandes entreprises. D'autre part, la France présente le taux d'imposition sur les sociétés le plus élevé d'Europe. Mais évidemment, ce qui diffère entre les PME et les grands groupes, c'est la possibilité de pratiquer l'optimisation fiscale en jouant sur les différents abattements et niches fiscales qui peuvent exister dans le système fiscal français. Ou encore en logeant à l'international (Pays-Bas ou Irlande notamment) les bénéfices réalisés à l'échelle mondiale. 

Là, cela dépasse le seul cadre de la France. Des progrès ont été réalisés au niveau de l'OCDE mais peu au niveau de l'Union européenne, du fait de l'opposition de l'Irlande, voire de l'Allemagne dans certains cas, pour différentes raisons. Pour l'Irlande, les raisons résident dans le fait que son faible taux d'imposition est sa principale force d'attraction. Pour l'Allemagne, il s'agit de la peur des rétorsions commerciales.

Quelles seraient les mesures à adopter pour permettre une restauration de cette équité fiscale ? 

Existe l'idée de taxer non plus les bénéfices, qui sont extrêmement volatiles, mais de taxer plutôt le chiffre d'affaires. C'est un peu l'idée avancée par Bruno Le Maire. Il s'agira alors, pour certains, d'un retour en arrière, puisque les taxes sur le chiffre d'affaires existaient avant la TVA. 

Il faut en revanche inventer de nouvelles formes de taxation qui reposeraient sur les données collectées par les entreprises du digital, ces informations valorisées et monnayées. Ces entreprises ne pourraient-elles pas, en fonction des données qu'elles utilisent, payer de l'impôt ? 

L'objectif de ces nouvelles formes de taxation serait de retrouver de l'équité. De sortir des schémas classiques (impôts sur les bénéfices, TVA, etc.) et faire preuve d'innovation fiscale. La France a inventé la TVA en 1954 avec Maurice Lauré (alors inspecteur des Finances, ndlr). Peut-être faut-il trouver un nouveau créateur d'impôts qui soit en phase avec la nouvelle économie et permette une plus grande équité en fonction de la taille des entreprises et de leurs activités. 

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