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Vague de froid : ce qu’il faut savoir avant de (renoncer à) sortir
©ALAIN JOCARD / AFP

Glaglagla

En période de grand froid, rien ne vaut la chaleur du foyer. Cependant, il ne faut pas pour autant totalement renoncer au grand air, même si les dangers nous y guettent.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Avec la vague de grand froid qui gagne la France, il peut paraître tentant de ne pas sortir de chez soi, pour éviter le froid et tous les petits tracas qu'une basse température peut occasionner sur notre organisme. Cependant, quelles peuvent être les bonnes raisons de sortir prendre l'air malgré tout ?

Stéphane Gayet : Quand la température extérieure est très basse, on a naturellement tendance à moins aérer l'habitation, voire à ne pas l'aérer du tout, pour économiser la chaleur. De ce fait, l'air intérieur est moins renouvelé que d'habitude. Or, on sait que l'air intérieur de nos domiciles est fortement chargé en polluants, surtout chimiques. Cet aspect a été beaucoup étudié depuis quelques années, étant donné que de nombreux enfants et adultes souffrent de pathologie respiratoire, liée en partie à la pollution intérieure. Les polluants les plus souvent trouvés – bien évidemment parce qu'ils sont recherchés – sont le CO2 ou gaz carbonique ou encore dioxyde de carbone, le CO ou monoxyde de carbone et le formol ou formaldéhyde. Le CO2 provient de la respiration de tous les êtres vivants (humains, animaux et plantes) ; le CO ou monoxyde de carbone provient des installations et équipements de chauffage au fuel, au gaz ou au bois et ses dérivés, qui ne fonctionnent pas convenablement (combustion incomplète et fuites dans l'air intérieur) ; ils émettent bien sûr aussi du CO2. Les cheminées à foyer ouvert et les poêles sont tout particulièrement néfastes à ce sujet. Ce phénomène d’accumulation du CO (et du CO2) a donc deux causes : diminution de l’aération et augmentation du chauffage. Quant au formol ou encore formaldéhyde, il est émis dans l’air par les vernis, peintures, colles, agents de cohésion et les divers produits de finition des revêtements de paroi et des meubles modernes. Mais de plus, il est clair que tous les autres polluants chimiques, physiques et microbiens voient également leur concentration augmenter du fait du manque d'aération ; les acariens des literies, canapés, fauteuils et tapis : ils irritent toutes nos muqueuses respiratoires. De surcroît, il est bien difficile de maintenir l'air intérieur à une température de 20°C par grand froid : il a tendance à être plus froid que d’ordinaire, ce qui contribue à élever l’humidité des parois (murs, sols et plafonds) et facilite dès lors la prolifération des champignons microscopiques, eux aussi irritants pour nos muqueuses. Nous souffrons donc d’une atmosphère confinée en hiver, ce qui est préjudiciable à notre santé.

Par ailleurs, hormis pour ceux qui ont un cycle d’entraînement intérieur, il est bien difficile de faire de l’exercice physique dans son habitation. Le manque d’exercice physique est néfaste pour l’état général et la santé. Le fait de s’aérer en faisant de l’exercice physique à l’extérieur permet d’atténuer les effets délétères des heures passées l’intérieur du domicile. Ainsi, il apparaît crucial de sortir en affrontant le froid, pour maintenir une activité physique minimale et inspirer un air riche en oxygène et moins concentré en polluants - à condition de s’aérer loin des axes de circulation et des usines polluantes par voie aérienne -. On n’insistera jamais assez sur le fait qu’il est capital de faire de l’exercice physique régulièrement, au moins sous la forme d’une marche à une allure rapide. La neige a cela de bon : elle incite aux sorties en plein air et à de nombreuses activités sportives ou semi-sportives.

Quels sont les principaux inconvénients du froid pour la santé ?

Lutter contre le froid demande beaucoup d'énergie. La consommation d'oxygène et celle de glucose augmentent de façon importante, d’où une dette énergétique. Ce travail accru du corps pour faire face au froid s’accompagne d’une élévation de la fréquence cardiaque. Les artérioles de la peau se resserrent (vasoconstriction) pour éviter la perte de chaleur par le tégument (peau) ; il existe une vasoconstriction d’autres organes pouvant faire perdre de la chaleur (tube digestif) et de ceux qui ne sont pas concernés par la lutte contre le froid ; il en résulte une élévation de la pression artérielle. Elle active le fonctionnement des reins qui produisent plus d'urine (le froid est dit « diurétique »). Quand l'air ambiant se refroidit, il devient automatiquement plus sec (la pression de vapeur d’eau saturante diminue quand la température diminue), ce qui a pour conséquence un dessèchement de nos muqueuses respiratoires, parce qu’elles perdent de l'eau qui est attirée vers l’air trop sec. Il existe en fin de compte une perte d'eau par les reins, par les muqueuses respiratoires et tout de même un peu par la peau. Il s’ensuit une concentration du sang (hémoconcentration : le sang devient plus visqueux, plus « épais »). Au total, il faut retenir que l'exposition au froid réalise un véritable état de stress pour l'organisme, qui vient majorer – par l’action des hormones du stress ou catécholamines - la vasoconstriction de certaines artères, dont les artères du cœur (artères coronaires : cas de l’adrénaline) : c’est le spasme des coronaires, particulièrement dangereux sur un cœur fragile.
Ainsi, un froid vif déclenche une activité inhabituelle du corps et concentre le sang. Ce surmenage corporel associé à une hémoconcentration constitue un réel danger pour le cœur et l’on observe plus d'infarctus du myocarde par grand froid. D’après une étude publiée dans le « British medical journal », chaque abaissement de la température extérieure de 1 °C est associé à une élévation de 2 % du risque d’infarctus du myocarde, cela, dans les quatre semaines qui suivent le début de la vague de froid ; la période la plus à risque est celle des deux premières semaines de l’épisode.

Pourtant, on parle assez peu de l'effet du froid sur le risque cardiovasculaire. Or, le nombre d’accidents cardiovasculaires augmente réellement en hiver. Ils sont responsables d’environ la moitié de la surmortalité que l'on observe pendant la saison froide (l’autre moitié est notamment liée à la grippe et aux autres infections respiratoires sévères). Il faut avoir à l’esprit qu’en hiver, la plus petite activité physique fatigue inhabituellement le cœur : on considère que marcher vite dans le froid revient à courir à température douce.

L'hémoconcentration et le spasme des artères coronaires favorisent ainsi l'infarctus du myocarde lorsqu’il fait très froid.

L’hypothermie accidentelle est un accident qui frappe surtout certaines populations : blessés, vagabonds, naufragés ou encore victimes d’avalanche. C’est un abaissement non intentionnel de la température interne du corps (température soit rectale, œsophagienne ou tympanique) en dessous de 35 °C. Le degré de l’hypothermie et sa vitesse de survenue dépendent du type d’environnement (air, eau) et de sa température, de la durée d’exposition et d’éventuelles pathologies qui peuvent réduire ou même inhiber les mécanismes physiologiques de lutte contre le froid (traumatismes crâniens ou vertébraux, épuisement…). Les hypothermies accidentelles comprennent quatre classes : légères quand la température rectale se situe entre 35 et 34 °C, modérées entre 34 et 32 °C, graves entre 32 et 25 °C et profondes si elle est inférieure à 25 °C. On a décrit des températures rectales de 16 et 17 °C chez des sujets qui ont tout de même pu être ranimés, mais c’est exceptionnel.

Les gelures sont des accidents locaux qui atteignent les extrémités, préférentiellement les pieds et les mains. Elles sont la conséquence de l’effet direct du froid au cours d’une exposition plus ou moins longue à une température inférieure à 0 °C (froid négatif). Les séquelles sont des troubles trophiques (diminution de la vitalité des parties gelées) avec hyperhydrose (transpiration excessive), cyanose (coloration bleutée), œdème chronique (gonflement), troubles sensitifs (anesthésie au froid ou au contraire hyperesthésie : sensibilité excessive) ainsi que des troubles vasculaires. Une gelure grave peut dans certains cas nécessiter une amputation.

Les engelures sont également appelées pernion ou érythème pernio. Ce sont des lésions érythrocyaniques (leur coloration est rouge-bleutée) des extrémités, de mécanisme inconnu, qui surviennent surtout chez la femme (dans 90 % des cas). Elles se forment lors d’une exposition prolongée au froid humide modéré, chez les personnes ayant un terrain vasculaire bien particulier (tendance à l’acrocyanose : coloration bleutée des extrémités). Elles donnent lieu à un prurit (démangeaisons) tenace, lors du réchauffement ; elles régressent spontanément en deux à trois semaines, sans trouble résiduel. La récidive est fréquente (80 % des cas) et des antécédents familiaux existent chez plus de la moitié des personnes.

Le froid est une circonstance qui favorise certaines infections. C’est lors de la saison froide que surviennent les épidémies d’infections respiratoires virales et de gastro-entérites aiguës virales. Premièrement, le froid fragilise et rend vulnérable. Deuxièmement, la diffusion des virus respiratoires dans l’air se fait plus facilement quand il fait froid. Troisièmement, les circonstances favorisant la contamination interhumaine sont fréquentes quand il fait froid (tendance au rassemblement dans les endroits chauffés avec une forte densité humaine ; tendance à moins se laver les mains à cause du froid).

Quels sont les bons réflexes principaux à adopter en cas de grand froid ?

Les personnes les plus à risque sont celles qui sont atteintes d’une pathologie cardiovasculaire ou cérébro-vasculaire : hypertension artérielle, angine de poitrine ou « angor », antécédent d’infarctus du myocarde, antécédent chirurgical ou médical de revascularisation coronaire ou artérielle autre (pontage, orthèse artérielle ou « stent »), troubles du rythme cardiaque, maladie concernant les valvules cardiaques, insuffisance cardiaque, antécédent d’accident vasculaire cérébral ou « AVC ».
Les personnes à risque sont également les individus âgés de plus de 70 ans, car, en prenant de l’âge, l’organisme s’adapte moins bien aux variations de température. Le danger est réel, non seulement avec des températures négatives, mais aussi avec des variations de température d’un jour à l’autre, en sachant bien que le vent augmente encore le risque lié au froid (il refroidit les zones découvertes, augmente les efforts nécessaires pour toute activité physique et accentue le dessèchement des muqueuses respiratoires).

Il faut exhorter les personnes fragiles à la prudence, car le danger n’est pas perceptible a priori.

On recommande de se couvrir chaudement, particulièrement les extrémités et la tête. Plus la surface cutanée découverte est grande et plus la vasoconstriction cutanée sera importante. Il existe un risque particulier d’accident cardiaque chez les hommes chauves. En outre, il est recommandé de s’abstenir d’aller dans le froid après avoir consommé de l’alcool.

Les efforts violents doivent être évités dans le froid d’une façon générale (déneigement, pratique sportive du ski…). Si des efforts sont néanmoins effectués, ils doivent être précédés d’un échauffement progressif permettant de s’habituer au froid. Mais cela ne veut pas dire que les cardiaques doivent éviter les exercices physiques en hiver. Bien au contraire, une activité physique régulière est particulièrement importante pour eux. Ils doivent simplement se ménager (gestes assez lents et sans forcer) et s’accorder des pauses.

Si un pic de pollution aux microparticules ou au monoxyde d’azote s’associe à la vague de froid, le danger est vraiment grand. Il est alors crucial de réduire son activité, car le risque d’accident artériel (surtout d’infarctus du myocarde) devient particulièrement élevé. Les microparticules dangereuses sont surtout les PM 2,5 (« particulate matter », c’est-à-dire les matières particulaires – souvent appelées particules fines - dont le diamètre moyen est inférieur ou égal à 2,5 microns) : elles sont surtout produites par les phénomènes de combustion – particulièrement les moteurs diesel - et elles persistent plusieurs jours en suspension dans l’air.

Il est bien sûr essentiel d’écouter son corps et d’être attentif à tout symptôme : palpitations, essoufflement, impression d’oppression ou douleur thoracique à l’effort, sensations vertigineuses… Il faut dans ces cas se décider à consulter sans attendre un médecin.

Enfin, faut-il encore rappeler que le tabac aggrave beaucoup le risque ?

La pire des situations est peut-être la suivante : il s’agit d’une personne qui cumule plusieurs facteurs de risque. Elle est stressée (« tachycardie » : accélération du cœur) pour une raison quelconque ; elle décide d’aller dehors pour fumer une cigarette (tachycardie, vasoconstriction coronaire) et se détendre (effet relaxant de la nicotine) ; mais il a neigé et il fait très froid (vasoconstriction coronaire) ; une marche rapide dans une neige profonde et lourde ou de simples efforts de déneigement peuvent être fatals en déclenchant un infarctus du myocarde.

Concernant maintenant le risque infectieux, il faut se protéger efficacement du froid à l’aide de vêtements étudiés pour lutter contre le froid, bonnets, écharpes et gants épais, éviter les lieux à forte densité humaine et se laver ou se désinfecter les mains par friction avant de les porter à sa bouche ou de toucher quelque chose qui va entrer en contact avec sa bouche.

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