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Yann Moix & les femmes de 50 ans ou le concentré des contradictions et des illusions de la société françaises
©FRANCOIS LO PRESTI / AFP

Le politiquement correct ne rend pas heureux

« À 50 ans, je suis incapable d'aimer une femme de 50 ans … Je préfère les corps des femmes jeunes, c'est tout. Point. Un corps de femme de 25 ans, c'est extraordinaire" Des propos condamnés vertement et jugés discriminatoires.

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely est philosophe et théologien.

Il est l'auteur de plusieurs livres dont La Mort interdite (J.-C. Lattès, 2001) ou Une vie pour se mettre au monde (Carnet Nord, 2010), La tentation de l'Homme-Dieu (Le Passeur Editeur, 2015).

 

 

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Atlantico : Cette situation n'est-elle pas le révélateur d’un échec du politiquement incorrect dont le pouvoir  est sans effet sur le désir des individus, pas plus qu'il ne permet de réconforter les peurs intimes ? 

Bertrand Vergely : Les propos de Yann Moix sont sans intérêt aucun. Ses goûts en matière de femmes qu’est-ce qu’on en a affaire ? Quel besoin d’aller faire des déclarations publiques à ce sujet ? Que de banalité en outre dans ce scoop. C’est ce qu’on  ne cesse d’entendre chez le quinquagénaire  moyen. Que justice toutefois lui soit rendue. Il s’en excuse lui-même en expliquant que cela ne regarde que lui. 
     Les mouvements féministes s’insurgent. Leur réaction est ambigüe. D’un côté ces mouvements n’ont effectivement pas tort. Il est bien évidemment extrêmement méprisant d’entendre dire qu’une femme de cinquante ans, qu’on me pardonne cette expression, n’a qu’à aller se rhabiller, celle-ci n’étant plus consommable. Mais, d’un autre côté,  sauf erreur de ma part, ces mouvements féministes ne remettent pas en question le fond de la question.
      Quand ces mouvements expliquent que toutes les femmes sont consommables et doivent pouvoir l’être, qu’elles aient vingt-cinq ou cinquante ans, elles discutent sur les femmes comme objets de consommation. Ce qui veut dire qu’elles sont d’accord avec Yann Moix. Les femmes sont des objets de consommation. Ensuite trois possibilités s’offrent : les femmes de vingt-cinq ans uniquement (Yann Moix). Les femmes de cinquante ans uniquement. Ou les deux (les mouvements féministes).  
     Là est le problème. Personne ne parle d’amour. Personne ne parle d’une femme en particulier avec un visage et un prénom. Personne ne parle de l’âme de la femme, de son cœur, des émotions liées à l’âme et au cœur. Tout le monde parle de sexe. Tout le monde parle « des femmes ». Tout le ponde parle du corps de la femme. La femme est noyée dans l’anonymat des femmes qui ne sont plus que des corps sans âme et sans visage. 
      Y a-t-il un échec du politiquement correct ? Curieusement non. Il y a le résultat du politiquement correct. Depuis sa création pour quoi lutte-t-il ? Pour que l’on puisse avoir la sexualité que l’on veut, avec le sexe que l’on veut et le partenaire que l’on veut sans discrimination aucune. Pour que p’on puisse être son corps en jouissant de son corps avec tous les corps possibles. Par ses propos Yann Moix s’inscrit dans ce projet et le politiquement correct s’inscrit dans la vision de Yann Moix. 
     Les mouvements féministes s’insurgent. Quand on est en colère on est toujours en colère contre soi. Ces mouvements s’insurgent parce qu’inconsciemment ceux-ci sont furieux d’apercevoir ce qu’ils ont semé. À force de ne parler de la femme qu’en termes de femmes au pluriel, de sexe et de corps pour que tout soit décomplexé, un jour ces mouvements rencontrent ce discours mais pas sous la forme qu’ils aveint imaginée. 
     Certes Yann Moix a dit ce qu’il ne faut pas dire. Mais, à part ça son propos est très politiquement correct et c’est cela qui lui est reproché. Il n’est pas assez correctement politiquement correct.  

Comment comprendre cette injonction paradoxale d'une société qui fait la promotion de la diversité des désirs des uns et des autres, mais qui condamne Yann Moix pour l'expression de ses choix personnels  ? 

Bertrand Vergely. Quand la société permissive entend défendre la liberté du désir et de ses expressions, il s’agit d’une fausse diversité. Derrière cette diversité qui paraît libre, il y a en vérité une diversité très normée. Ainsi, quand on est divers il importe de ne pas avoir de limites dans la diversité. Il importe d’être dans l’ouverture universelle, la tolérance universelle, l’acceptation universelle de tout. Que quelqu’un se mette à être dans la diversité avec une limite. Immédiatement jugé discriminant, il fait l’objet de remontrances afin qu’il change de discours tout en d’abord flagellé puis mis à l’écart, exclu, en un mot discriminé. Paradoxe. Pour lutter contre toute discrimination, l’antiracisme passe son temps à discriminer tous ceux qui sont jugés ne pas être assez anti-discriminants. Yann Moix en a fait les frais. 
     En osant exprimer une réserve dans l’amour qu’io porte aux femmes, en osant préférer la femme de vingt-cinq ans à la femme de cinquante ans. Il a beau dire aimer les femmes, ne les aimant pas toutes de vingt-cinq ans à cinquante ans, il a été jugé discriminant. Et c’est au nom de la lutte contre la discrimination qu’il a été discriminé. 
     On se demande comment, quand on est un adepte de l’amour universel, on peut soudain se fâcher, exclure, ostraciser. On n’a pas compris qu’il n’y a pas plus intolérant que l’amour universel, le propre de l’amour universel étant de haïr tous ceux qui ne font pas preuve d’amour universel`. 

Plus largement, que révèlent  ces propos, cette polémique, son ampleur et l’état de la société ?

Cette polémique révèle trois choses. 
     D’abord que nous avons du temps à perdre en nous passionnant et en polémiquant pour des choses qui n’ont aucun intérêt. 
     Ensuite, que nous sommes en train de faire le plus mauvais usage qui soit de la démocratie. Il y a deux moyens de considérer la liberté d’expression. La première est celle qui consiste à permettre à l’intelligence de s’exprimer. La seconde, celle qui consiste à permettre à la bêtise de s’exprimer. 
     La liberté d’expression a été inventée pour permettre à l’intelligence de s’exprimer face aux tyrans qui veulent l’étouffer. À ce titre, elle n’a jamais été inventée pour parler de tout et de rien n’importe comment en permettant au premier venu de monopoliser la parole. 
     La liberté d’expression est aujourd’hui confisquée par ceux qui expliquent qu’en démocratie toutes les paroles doivent pouvoir se valoir et s’exprimer et notamment la bêtise et la vulgarité. Quand la liberté d’expression est conçue de la sorte, la bêtise prenant le pouvoir on assiste à ce à quoi on a affairez aujourd’hui. 
     La malignité qui ne pense qu’à semer le chaos pour prendre du pouvoir a toujours l’art de susciter des petites phrases et de les attiser. Dès qu’elle découvre dans le langage qui se tient un mot soupçonné de porter des mauvaises intentions, elle déclenche un esclandre en désignant  le coupable afin qu’il soit lapidé. 
     Aujourd’hui, les medias, les politiciens, les mouvements de libération et les extrémismes ont  ne cessent de susciter et d’attiser des petites phrases afin d’en faire des affaires d’État et ainsi de prendre de l’importance. L’affaire Yann Moix en est l’illustration. En disant une petite phrase qu’il ne fallait pas dire, les medias et les mouvements de libération se sont empressés de sauter dessus pour lancer un tollé et ainsi occuper la scène politico-médiatique. 
     Tocquevile dans La démocratie en Amérique avait prédit que la démocratie serait le triomphe de l’opinion et son pouvoir. Il a été prophétique. En partie du moins, il n’a pas vue que la démocratie ne serait pas simplement le triomphe de l’opinion ais l’enfer de l’opinion. 
     Enfin, la démocratie est actuellement dévorée par les minorités hurlantes qui abrutissent les esprits en faisant régner un véritable climat de terreur. Il ,ne s’agit pas là d’un accident mais d’une technique de contrôle social. Pendant que le peuple s’étripe à propos de petites phréqes, les puissants qui dominent le onde vaquent à leurs trafics en toute quiétude. 

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