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Chute d’Apple : la réponse de la bergère Xi au berger Trump ?
©NICOLAS ASFOURI / AFP

Dommage collatéral

Bourse, technologie, marketing ou bien politique : qui est donc le responsable de ce qui se passe sur le Nasdaq, même si l’économie américaine embauche 312 000 personnes en décembre, faisant exploser les pronostics qui annonçaient 170 000 ?

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Apple baisse en effet, de 232 dollars début octobre à 147 maintenant, Amazon de 2 203 à 1 576, Microsoft de 115 à 102 et Alphabet de 1 206 à 1 071. Respectivement : – 37 %, - 29 %, et – 11%. Il fut un temps où la capitalisation boursière d’Apple dépassait 1100 milliards de dollars, c’était début octobre 2018 ; il faut compter moins de 700 aujourd’hui : un tiers s’est évanoui. Les chutes sont moindres pour les autres valeurs, mais quand même : en trois mois !

Tout tourne autour d’Apple, l’icône américaine. C’est la preuve de la domination technologique et commerciale des États-Unis, avec son message d’ouverture au monde, de qualité et d’élégance, dans la lignée de Steve Jobs. Que veut donc dire sa chute ? Qui la provoque ?

Les raisons liées à Apple sont nombreuses, mais risquent de devenir secondaires. D’abord, Apple a opté pour une stratégie de haut de gamme, en faisant de son Iphone un produit cher, connu comme tel. Bien sûr, sa qualité est excellente, son packaging raffiné, ses magasins luxueux. Mais il s’agit d’un produit technologique et industriel, pas d’une voiture de luxe qui bénéficie d’experts pour la mettre au point, moins encore d’un sac Vuitton, fait main, donc en stock et niveau de production limité. Faire payer cher un produit fait à la chaîne, suppose que l’avantage technologique est tel que le surprix sera accepté et, plus encore, que les acheteurs continueront à acheter les nouveaux modèles, encore plus avancés et plus chers. C’est là un pari de double positionnement, technologique et social, pour éviter la concurrence par les prix bien sûr, et plus encore se positionner en haut de gamme dans les marchés émergents qui s’ouvrent : Chine, Inde ensuite.

Mais ce double pari, technologique et marketing, est en train d’échouer pour deux raisons. D’abord, les nouvelles générations d’Iphone ne surclassent pas assez leurs prédécesseurs pour déclencher un achat de renouvellement. Ensuite et surtout, les produits chinois (Huawei) sont moins chers et au moins aussi bons, tandis que Apple, sous pression chinoise, supprime des milliers d’applications (sur les jeux d’argent notamment) et s’engage, même si iMessage reste cryptée, à davantage filtrer ses contenus sur l'App Store. Le « contrôle parental » devrait être renforcé, de sorte que, en fonction de son âge, l'utilisateur de l’appareil pourra (ou non) avoir accès à certaines applications et recherches. Bref Iphone reste cher et perd de son aura de liberté dans l’espace chinois.

Ce qui arrive à Samsung est le signe d’un plus grand risque : partie d’une part de marché dominante, à 20 % en 2013, la marque a pratiquement disparu aujourd’hui en Chine. Pendant ce temps, la part de marché d’Apple baisse de 15 à 10 % sur la période, mais Huawei passe de 10 à 25 %, Oppo et Vivo de 5 % en 2015 à un peu moins de 20 %. Samsung a été remplacé et Apple s’efface, même s’il continue sa politique de prix (affichés) à 800 dollars l’unité, soit le double des concurrents (Samsung compris). Et on dit qu’Apple fait des rabais à ceux qui changent leurs anciens modèles pour le plus récent. Baisser le prix est le début avoué du problème.

Le pire serait la mésaventure politique de Samsung, quand Séoul a défié Pékin, acceptant l’installation sur son sol de batteries américaines antimissiles. Le nationalisme chinois a parlé, contre Samsung, qui a fermé une de ses deux usines sur le pays et disparu des rayons.

Nous n’en sommes pas là avec Apple, plus cher et snob, mais moins indépendant du pouvoir politique qu’avant, américain bien sûr, mais faisant réaliser dans le pays une large part de ses produits. Cet « équilibre » peut accompagner un freinage de la baisse de sa part de marché. Mais ce qui se passe sur le titre montre à quel point il est sensible à l’économie chinoise, dont le moindre signe de ralentissement est accentué. Surtout tout mouvement politique pèsera. La fille du fondateur de Huawei est détenue au Canada, sur demande des États-Unis qui veulent la juger chez eux, tandis que les échanges entre Xi et Trump ne sont pas finis. La politique, et cette arrestation, ont leur poids.

Le maximum de valorisation d’Apple, pour des raisons technico-commerciales, et surtout politiques, est derrière. L’avenir est politique. Désormais, une valeur ne peut être mondiale que si elle est, aussi, bien implantée sur le marché chinois. Xi a une arme décisive sur Trump : le nombre (qui suit).

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