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2019, quelle transition pour passer aux solutions ?
©WALTER DIAZ / AFP

Réchauffement climatique

2018, l’année de tous les ravages… Une actualité climatique affolante qui livre sans répit, mois après mois, semaine après semaine, jour après jour, son lot de catastrophes et de désolations, combinant en strates successives un millefeuille d’émotions : de l’impuissance à la frustration nait un bruit sourd de colère et de rage de voir notre planète se délabrer à petit et à grand feux …

Emma Haziza

Emma Haziza

Emma Haziza est docteur de l’École de Mines de Paris Conférencière – Hydrologue Référente en Adaptation au Changement Climatique - Présidente Fondatrice de Mayane.

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Déjà, l’actualité fin 2017 annonçait des signes avant-coureurs d’une ère nouvelle, passant fin novembre d’un record historique de sécheresse à un mois de décembre où se succèdent des tempêtes dévastatrices et meurtrières. Ana, Bruno, Carmen et Eleanor annoncent les prémices climatiques que nous préparait l’année 2018.

Alors que l’actualité s’inquiète encore des chiffres extrêmement bas du niveau des nappes souterraines, en raison des sécheresses record ayant touché l’ensemble de la métropole, Janvier annonce une nouvelle série de perturbations qui se positionnent dangereusement sur le bassin de la Seine. Après 3 semaines de pluies sans discontinuer, le Zouave prend l’eau et enfile un gilet orange, signe prémonitoire d’un genre nouveau de revendication planétaire. Les images historiques de la grande crue de 1910 refont surface, et laissent imaginer le pire : une telle crue engendrerait plus de 30 milliards d’euros de dégâts. Ce scénario catastrophe est évité de peu, notamment grâce aux grands lacs réservoirs situés en amont qui retiendront au total plus de 810 millions de m3 d’eau, juste de quoi réduire de 50 cm max la hauteur de la Seine à Austerlitz et éviter à la goutte d’eau de faire déborder le vase sur la capitale. La facture est alors réduite à 200 millions d’euros.

Après cette période de remous, le printemps est celui de records d’un genre nouveau : des centaines de milliers d’impacts de foudre, 40 cm de neige à Montpellier et des crues éclair dévastatrices se succèdent. La situation excédentaire en eau permet d’aborder l’été et le risque de sécheresse sous un jour plus favorable. C’est sans compter l’arrivée d’une canicule record et 88 jours à + de 25 degrés, l’homologuant comme second été le plus chaud de l’histoire. En quelques semaines, une nouvelle sécheresse historique s’abat sur la France : les sols souffrent, le bétail aussi, et l’image de citernes d’eau vides ne fait désormais plus partie d’un scénario de sciencefiction. La France a soif et les agriculteurs commencent à comprendre que, depuis 2014, cette succession répétée de records de sécheresses annonce la tendance pour demain. Il semble évident qu’il faille réagir, se réinventer. Mais comment ? Quelles solutions mettre en œuvre, et… Existent-elles seulement ?

Octobre nous rebascule dans des visions de scènes apocalyptiques dans le Var, avec des images tant insolites que dramatique de voitures qui finissent en mer emportées par les eaux. Les scientifiques planétaires se réunissent au même moment et viennent, avec le nouveau rapport du GIEC, confirmer cette tendance : celle d’un monde nouveau.

Le matin du 15 Octobre va sonner le glas d’un monde qui ne sera sans doute jamais plus comme avant : le territoire meurtri de l’Aude, ses 14 nouvelles victimes noyées au cœur de la nuit et ses milliers de personnes anéanties, traumatisées, nous fait trembler. Nous attendons des réponses concrètes d’actions. Les décisions prises ne nous conviennent pas, les messages politiques ne sont pas clairs, et nous ne pouvons plus faire avec le discours habituel du « tout est sous contrôle », car s’il y a bien quelque chose que nous avons perdu, c’est justement le contrôle de ce qui se trame devant nous.

Prise de conscience citoyenne

Durant tous ces mois, de nouvelles voix s’élèvent, le spectre du réchauffement climatique, dont nous avions vaguement entendu parler comme d’un problème un peu lointain, et qui pouvait potentiellement nous concerner en fonction des mouvances climatoseptiques, nous embarque dans une nouvelle ère : nous le ressentons dans notre propre chair, trop humide, trop chaud. Des scènes de désolation répétées s’accumulent dans notre subconscient. Il ne s’agit plus d’un problème de température planétaire : nous basculons en terre inconnue.

 Du réchauffement, qui est l’une des conséquences de l’évolution de notre planète, nous abordons là une transformation globale. Désormais, c’est bien le terme de « changement climatique » qu’il faut utiliser, car cette transformation dans le continent des imprévus laisse entrevoir de multiples conséquences dont la température moyenne globale n’en est qu’une parmi tant d’autres.

Le monde scientifique a sa part de responsabilité dans la perception des populations : « 1,5 degré », ce fameux scénario de réchauffement planétaire issu des travaux du GIEC est l’un des termes les plus utilisés pour nous faire comprendre ce vers quoi nous tendons. Sauf qu’en réalité, la population n’y comprend rien : - 40°C pendant 3 semaines au Canada, + 33°C en Scandinavie et des températures caniculaires à + 40° C dans toute l’Europe… Du coup, 1,5°C, qui comprend ? Vulgariser, éduquer, sensibiliser et s’adapter à la perception du grand public seront les grands chantiers à venir pour le monde scientifique, s’il veut rendre son message audible.

Quand un grand quotidien français titre le 21 novembre dernier « Comment le chaos climatique va affecter nos vies », « Des catastrophes climatiques en cascade », ou « Décès, famines, pénuries, migrations : la vie humaine touchée dans sa totalité », il nous reste peu d’espoir : vaste programme… On voit bien çà et là des voix s’élever pour nous expliquer que la solution passera par nous, que nous n’avons pas encore compris ce qui nous arrive, que nous devons devenir de parfaits éco-citoyens car il s’agit de notre avenir et celui de l’humanité. Les techniques de culpabilisation battent leur plein, seulement voilà, nous, individus lambda, n’avons ni les clés pour transformer nos habitudes, ni la marge de manœuvre requise pour les modifier, et tout ça sur fond sonore d’un discours incompréhensible. Consommer différemment, ok, mais que proposent les grandes enseignes ? Quelles solutions nous offre-t-on ? De la fabrication chinoise à tout va, des pesticides à gogo, des méthodes de fabrication et de transformations alimentaires dénoncées par moments mais qu’on laisse faire, le glyphosate ou encore le Dioxyde de Titane qui semblent encore avoir de belles heures devant eux, la voiture électrique pas vraiment au point pour aller au-delà de 150 km, et ses batteries dont l’obsolescence programmée prépare de nouveaux défis à venir… Les grandes firmes alimentaires, agricoles industrielles et pharmaceutiques, ainsi que nos dirigeants, tous ont pourtant les clés en main pour assurer cette transition. Quels devoirs ont-ils envers l’humanité ?

Quant à nous, que pouvons-nous faire pour sortir de cette culpabilité dans laquelle on nous consigne, pour enfin prendre part activement à un réel réveil citoyen ? Lorsque l’on joue avec les émotions des populations, il faut s’attendre à un réveil brusque : colère et rage transforment nos samedis de préparatifs de Noël mettant les rues de la capitale à feu et à sang. Les gilets jaunes voient rouge quand on leur impose d’impacter leur pouvoir d’achat au nom d’une conscience environnementale de nos politiques. Mais voilà, cette rage se transforme en haine et au milieu, le message de protection planétaire s’en retrouve bien mal en point. Or, nos pensées et émotions relèvent de processus biochimiques et de réactions émotionnelles en chaîne, ce que le marketing « émotionnel » a bien compris : savoir nous vendre un peeling pour femme sur une musique sensuelle et des couleurs suaves nous focalise sur les moments de bonheurs à venir en prenant notre douche, mais pas vraiment sur les milliers d’espèces empoisonnés par les microbilles plastiques dans les océans. Heureusement pour nous, elles viennent d’être interdites.

Et si nous décidions de faire en sorte que ces fêtes de fin d’année se terminent sur une note de joie et d’enthousiasme, en reprenant le pouvoir sur ce que nous consommons, et en s’impliquant dans tous les projets que nous pouvons développer à notre échelle ? Notre détermination à vouloir changer le monde, et la conviction qu’un avenir meilleur existe pour demain nous donnent une force inébranlable. Oui, nous détenons le pouvoir, celui du choix de tel acte de consommation plutôt que tel autre, de ce produit plutôt que celui-là, de cette marque plutôt qu’une autre car ce sont nous les consommateurs d’aujourd’hui et de demain.

Et dans cette quête de sens consumériste, de nouveaux outils viennent nous apporter une aide précieuse : des applications qui nous avisent sur ce que contient le produit que nous nous apprêtions à acheter, des initiatives citoyennes qui se multiplient pour mieux nous faire consommer sans impacter notre pouvoir d’achat... Les exemples éclosent, mais c’est sans doute à nous d’inventer ceux de demain. Les solutions restent en nous car en réalité, c’est nous qui créons notre avenir : celui de choisir ce que nous voulons, et valoriser les initiatives qui mettront de la conscience dans chaque geste.

 Les neurosciences nous apprennent combien nous sommes notre propre réalité, construisant notre monde à chaque instant. A nous de devenir « super-conscients », à accepter le passé, à ne pas se projeter dans un avenir incertain mais à agir dans le présent : chaque jour, dans notre quotidien, rajouter un sourire, passer de vrais moments avec ceux qui comptent pour nous, prendre conscience de ce que nous possédons sans nous focaliser sur ce que la société de consommation veut nous vendre, visualiser nos rêves et imaginer l’avenir que nous souhaitons.

Réapprendre à communiquer sur les enjeux du climat en passant par des programmes scolaires adaptés, changer nos modes de consommations pour ne plus subir le dictat des grands groupes, transformer nos maisons pour qu’elles puissent se prémunir de potentielles futures sécheresses et d’inondations, préparer la protection des populations et donner des outils concrets d’action pour les décideurs… Tant de choses restent à mettre en œuvre !

En cette fin d’année, il n’est pas inutile de se rappeler que nous ne possédons qu’une seule Terre. Même si un plan B est en train de se dessiner sur Mars, il semble qu’il nous reste encore de belles actions à mener sur notre planète bleue : il nous faut pour cela apprendre à élever nos consciences dans nos choix, à comprendre les risques qui menacent nos maisons et nos vies, à éduquer nos enfants en les reconnectant à leur territoire de vie et son fonctionnement… Ce grand défi d’harmonie et d’optimisation qui rendrait notre monde plus viable et plus vivable, je suis convaincue que nous pouvons le relever, si l’humanité entière se réveille, et qu’ensemble nous travaillons pour tendre vers ce but suprême. Que 2019 soit cette nouvelle étape vers la concrétisation de cette œuvre collective. A l’heure du Big Data, de l’Intelligence Artificielle et des dictatures digitales, nos cerveaux ont encore de belles heures devant eux.

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