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Participation : un nouveau modèle de partage des richesses doit s’inviter dans le débat national
©LUCAS BARIOULET / AFP

Fiscalité

Avec la crise des gilets jaunes sont remontées de nombreuses revendications liées au pouvoir d’achat. Celles-ci ne sont pas nouvelles, mais n’en demeurent pas moins légitimes.

Manon Laporte

Manon Laporte

Manon Laporte est avocate fiscaliste, docteure en droit.

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A cet égard, les mesures annoncées par Emmanuel Macron semblent n’avoir répondu que partiellement à l’ensemble des Français, tant le besoin de considération qu’ils éprouvent à l’égard des représentants politiques est grand depuis trente ans.
S’il y a un élément à retenir de la contestation, c’est bien ce refus de la dépendance à la solidarité publique et l’envie de pouvoir vivre décemment de son travail sans avoir nécessairement recours aux aides sociales.
Ainsi, les salariés ne souhaitent donc plus que l’État agisse pour eux uniquement à travers un système de « redistribution » – à condition néanmoins de le maintenir à un niveau raisonnable – mais qu’il propose des solutions concrètes pour que les salariés puissent vivre davantage du fruit de leur travail.
Mais la revalorisation des salaires, les baisses d’impôts et les baisses de prix sur les produits du quotidien suscitent des difficultés liées au financement de la dette et des services publics. La baisse de la dépense publique est alors inéluctable et il faut la poursuivre.
Néanmoins, il est un moyen acceptable par tous, me semble-t-il, d’agir vite et concrètement en faveur du plus grand nombre : la participation aux bénéfices, perçue par les salariés de l’ensemble des entreprises françaises.
Chère au Général de Gaulle, qui l’avait mise en place dès 1968, et reprise par Emmanuel Macron lors de ses Vœux pour l’année 2018 en vue de l’élaboration de la Loi Pacte, la participation, cette idée d’union entre capital et travail, est un moyen rapide et efficace de redonner du sens à l’action économique tout en partageant un peu plus équitablement les fruits du travail des salariés.
En plus de favoriser l’épargne et l’investissement salarial dans les entreprises, le renforcement de la participation apporterait en contrepartie un gain de pouvoir d’achat aux salariés. L’État donnerait un signal fort à la fois sur le plan social puisque les salariés gagneraient davantage à la fin du mois. De plus, sur le plan de la compétitivité, un salarié intéressé travaillera et participera mieux au développement de son entreprise ; et, étant mieux rémunéré, il consommera plus entraînant ainsi l’ensemble du marché dans un cercle vertueux.
La Loi Pacte, telle qu’elle est rédigée actuellement, traite, sur ce sujet, uniquement les petites et moyennes entreprises, pour les dispenser du forfait social sur la participation. Pour ces entreprises, le développement d’un tel dispositif ne poserait aucun souci dans la mesure où, la plupart du temps, ce sont les chefs d’entreprises qui détiennent le capital.
Celui-ci leur apporterait en outre un levier supplémentaire pour mieux rémunérer leurs salariés en évitant d’avoir à mettre en place des hausses brutes de salaires, problématiques quand le chiffre d’affaires fluctue, et en les remplaçant par des primes de participation.
Je propose d’aller encore plus loin et plus vite : d’une part, en revoyant la formule légale de calcul de distribution annuelle de participation aux salariés qui date de 1968.
D’autre part, en étendant la baisse du forfait social à l’ensemble des entreprises et non plus seulement aux plus petites.
En effet, ce forfait social est aujourd’hui fixé à 20% alors qu’il n’était que de 2% à la création.
Par ailleurs, l’avantage fiscal donné aux entreprises qui promeuvent la participation – 1€ de participation équivaut à 1€ de baisse de l’assiette de leur Impôt sur les Sociétés – pourrait également être temporairement renforcé pour inciter les entreprises à développer de telles politiques de rémunérations. Une large part des bénéfices réalisés en France pourraient ainsi profiter aisément aux salariés français, ce qui serait d’autant plus juste que la France reste l’un des pays qui redistribue le plus de dividendes, alors pourquoi ne pas en faire profiter un peu plus ceux qui les génèrent – les salariés -, en plus des actionnaires ?
Secteur privé comme secteur public pourraient le mettre en œuvre dès le début 2019. Quant aux fonctionnaires, un intéressement lié aux économies, réalisées dans la fonction publique, gagnerait à être développé.
Pour les entreprises plus conséquentes, dont le capital est souvent fractionné entre des actionnaires français et étrangers, ce dispositif pourrait également revêtir un caractère responsable et solidaire, qui favorise la réputation et l’image de l’entreprise.
En effet, de nombreux investisseurs, sont, de nos jours, en quête de sens pour leurs placements, en lien avec la volonté du gouvernement de redéfinir le concept d’entreprise dans le Code Civil visant à donner davantage de responsabilité sociale à l’entreprise. Ainsi, même si la participation pourrait avoir un impact sur le rendement des actions, la dimension sociale engendrée par la redistribution d’une partie des bénéfices pourrait au contraire attirer un nouveau genre d’investisseurs, sensibles à un meilleur idéal social.
De plus, une entreprise dont les salariés bénéficient de façon directe et concrète du fruit de leur travail verra s’installer un meilleur climat social, des négociations facilitées, moins de tensions, moins de grèves. Tout ceci est très rassurant, tout particulièrement pour les investisseurs étrangers.
Ainsi, une telle mesure ne nuirait pas à l’investissement étranger :  les capitaux étrangers viennent aussi en France pour d’autres raisons que le simple rendement. La France conserve en effet un certain leadership en ce qui concerne la recherche et l’innovation, l’ingénierie de pointe, l’image de marque de ses entreprises.
Plus de participation et des relations plus étroites entre les salariés et les profits qu’ils réalisent serait ainsi un premier pas pour proposer à nos voisins européens une convergence de l’ensemble des salariés européens sur ces dispositifs. Soyons précurseurs.
L’ultralibéralisme a montré ses limites en Europe ces dernières années, en témoignent les poussées nationalistes qui n’épargnent aucun pays membre. A l’occasion de la grande consultation citoyenne, nous devons débattre de façon constructive et ouverte sur des solutions envisageables pour en réduire les impacts négatifs et redonner une vraie dimension sociale à notre Union. C’est ainsi que la démocratie pourra se réinventer et retrouver tout son sens.
Les manifestations des gilets jaunes nous offrent l’opportunité de mettre à l’épreuve un nouveau modèle de partage des richesses à travers la participation au niveau national mais aussi auprès de nos partenaires européens.
En dépit du désordre engendré, c’est ainsi une véritable chance qu’il nous faut saisir de façon humaine et avec du bon sens.

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