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Noel sans cadeaux, le phénomène qui monte
©Reuters

Angoissés du sapin

De plus en plus de familles renoncent à s'offrir des cadeaux pour Noël. Au-delà des considérations économiques, d'autres critères peuvent expliquer ce choix.

Dominique Desjeux

Dominique Desjeux

Dominique Desjeux est professeur émérite à la Sorbonne, université de Paris. Il est le directeur de la Formation doctorale professionnelle en sciences sociales et responsable du Centre de Recherches en SHS appliquée aux innovations, à la consommation et au développement durable. 

Il est aussi notamment co-auteur, avec Fabrice Clochard, de "Le consommateur malin face à la crise. : le consommateur stratège" (juillet 2013) aux éditions de L'Harmattant

Il vient de publier L’empreinte anthropologique du monde. Méthode inductive illustrée, Peter Lang

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Atlantico: Le phénomène des Noël sans cadeau, adopté par certaines familles, a-t-il cours en France également ?

Dominique Desjeux: Je n'ai personnellement jamais constaté de Noël sans cadeaux, et j'ai du mal à croire qu'il s'agisse d'un phénomène très massif. Mais on constate, dans certaines familles, une baisse du nombre de cadeaux. Je pense que fête Noël sans cadeaux est ultra marginal en France. Puisque même les gens qui s'inscrivent dans l'extrême pauvreté vont recevoir des cadeaux provenant d'associations solidaires, par exemple. Ces Noël sans cadeaux ne me paraissent pas un phénomène social très important, même si je n'ai pas de preuves de cela. Si cela existe, c'est très religieux ou très militant, ou encore sous des contraintes énormes de pouvoir d'achat. 

Que recherchent les personnes, les familles, qui s'orientent vers ce type de célébrations ? Est-ce lié à une réduction du pouvoir d'achat ?

Le premier facteur pouvant expliquer que certains s'orientent vers des Noël sans cadeaux sont des contraintes de pouvoir d'achat. Et le contexte actuel, la crise des "gilets jaunes" s'inscrit parfaitement dans la nécessité de rappeler ces contraintes, pour une partie de la population. C'est quelque chose que l'on observe dans le monde entier depuis, à peu près, 10 à 12 ans. Ce n'est pas du tout un phénomène nouveau et c'est un phénomène massif.

Dans le cadre de cette baisse de pouvoir d'achat, le mouvement qu'on constate aujourd'hui, celui des "gilets jaunes", adhère des populations qui sont confrontés à cette problématique et qui ne sont pas politisés (mais qui peuvent le devenir). Au sein de cette population, une partie n'abandonnera pas les cadeaux, quoi qu'il arrive. Parce que pour ces derniers, c'est important. Et une partie d'entre eux n'arrivera pas à en acheter.

Quelles autres raisons pourraient expliquer que des familles se passent de cadeaux ?

Une des raisons est liée à un phénomène global constaté dans nos sociétés : la montée du divorce. C'est un phénomène mondial lié à l'urbanisation, à la transformation de la famille, à la baisse de la démographie. Cette hausse du nombre de divorces devient une fête compliquée : certaines personnes ne savent plus très bien ne veulent plus fêter Noël : elles ne l'associent plus au bonheur, mais plutôt à la destruction de leur couple ou de leur famille. Il n'y aura donc pas de cadeaux. 

Une troisième raison, plus récente, peut également être identifiée. Pour des considérations écologiques, certaines familles s'offrent moins de cadeaux pour lutter contre un gaspillage constaté. Cela peut aussi amener à changement dans les présents qui sont offerts. 

La question des raisons religieuses est très compliquée à manier. Parce que ce que j'ai toujours constaté en France est une autre bataille : la bataille de la crèche et de l'enfant Jésus contre le père Noël. Puisque que ce dernier est associé aux cadeaux - et toute la publicité tourne autour de cette figure -, on peut imaginer que pour certaines raisons religieuses, on arrête les cadeaux pour ne pas associer cette fête au père Noël et aux cadeaux et garder ce côté religieux de la fête. Il est possible que cela pousse des familles à renoncer aux cadeaux, même si on n'a aucune preuve que cela existe massivement. 

Mondialement, aujourd'hui, toutes les classes moyennes basses sont touchées par les problèmes de pouvoir d'achat. À l'inverse d'autres mouvements sociaux, comme ceux auxquels j'ai assisté au Brésil, les "gilets jaunes" n'évoquent pas de revendications sur l'école, par exemple, ou sur l'accès à la santé, mais seulement des revendications consuméristes : elles concernent la mobilité et le pouvoir d'achat. À ce titre, le cadeau de Noël s'inscrit dans cette tendance consumériste.

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