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Haute fonction publique : l’autre cible que devraient se donner les Gilets jaunes
©CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Confiscation du pouvoir

Peut-être que les Gilets jaunes devraient tourner leurs regards vers les administrations comme Bercy.

Jean-Marc Boyer

Jean-Marc Boyer

Jean-Marc Boyer est diplômé de Polytechnique et de l’Ecole Nationale de la Statistique et de l’Administration Economique (ENSAE). Il a commencé sa carrière en tant que commissaire contrôleur des assurances puis a occupé différentes fonctions à l’Inspection Générale des Finances (IGF), à la Commission de Contrôle des Assurances et à la direction du Trésor. Il est cofondateur de GLM et de la Gazette de l’Assurance.

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Atlantico : La classe politique actuelle canalise la haine des Gilets jaunes et d'une grande part de la population dans un même cri de "Tous pourris". Mais alors que Bercy s'est opposé à l'exécutif à propos de l'application des mesures de Macron, les manifestants ne se trompent-ils pas dans leur combat en ne visant qu'un seul "ennemi" ?


Jean-Marc Boyer : Les cibles des gilets jaunes sont mouvantes. Aujourd’hui ce sont les politiques, demain peut-être certains médias officiels et subventionnés, ou certaines administrations honnies. Les affaires (Benalla, les ministres qui ont dû ou préféré démissionner, etc) et des dépenses somptuaires ont concentré la remise en cause sur le Président, sa posture et son tropisme vers les riches.
Le ministère de l’Action et des Comptes publics était précédemment passé en force, comme avec la modération des aides aux logements, contre l’avis de l’Elysée. Cette fois-ci, E. Macron a annoncé des mesures sans passer par la validation technique de Bercy. Les responsables politiques devront ramer pour expliciter des mesures non encore cadrées.
Les fonctionnaires de base (infirmières, enseignants, …et même forces de l’ordre) sont proches des revendications de pouvoir d’achat des gilets jaunes. « L’ennemi » serait plutôt la haute fonction publique, supposée déconnectée de la vie réelle.


Quelle est la marge de manœuvre de la classe politique face à la machine administrative française?


La marge de manœuvre budgétaire des politiques est aujourd’hui nulle. Les enveloppes ne permettent pas d’embauches nettes, mais seulement des réaffectations. Les statuts sclérosent la fonction publique et les titulaires sont pratiquement irrévocables. Faute de « lois de dégagement de cadres », l’Etat en est pratiquement réduit à des mobilités forcées (au sens de la loi sur les mobilités du 3 août 2009).
On ne saurait réduire les effectifs des 3 fonctions publiques sans alléger les tâches bureaucratiques. Pour retrouver des marges de manœuvre, il faudrait simplifier les strates de processus fiscalo-administrés de l’administration : supprimer une ou deux couches du millefeuille territorial, abroger les redondances entre les ministères et des « autorités indépendantes » et autres agences, supprimer des niches fiscales et des micro-impôts, etc.


Comment reprendre le contrôle sur ces institutions ? La classe politique est-elle le seul relais possible ?


CAP 2022 aurait pu être une ouverture, mais le pouvoir politique a étouffé ce rapport devant le risque de réactions des fonctions publiques. Une « transformation » de la fonction publique supposerait une nuit du 4 août abolissant les privilèges des corps d’Etat, la féodalité actuellement aux commandes. Or, ces castes tiennent précisément le pouvoir dans toute sa verticalité. 
Du Président, son Secrétaire Général, son Premier ministre, son ministre des Finances, sa Directrice générale du Trésor, ses chefs de service, sous-directeurs, chefs de bureau, etc, tous sont issus du même moule de pensée unique. Celui du pouvoir par la dépense fiscalo-administrée, tel qu’enseigné à l’ENA, et qui mène la France à la faillite avec 44 années consécutives de déficits budgétaires. 
Pourquoi cette caste scierait-elle la branche qui la soutient ? La classe politique ne va pas remettre en cause la haute administration dont elle est largement issue. La reprise de contrôle sur les institutions ne peut venir que d’une hypothétique et hasardeuse révolution, ou au moins de l’instauration d’une sixième république plus moderne. Aujourd’hui, selon les normes européennes et dans un monde digital, le pouvoir vertical d’une caste n’aurait plus lieu d’être.

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