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De Space X à la Nasa, les lancements de fusées ou de vaisseaux spatiaux commencent à poser un problème d’encombrement pour le trafic aérien commercial
©DAVID MCNEW / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Effet collatéral

Les fenêtres de lancement des lanceurs obligent à fermer régulièrement l'espace aérien de certaines régions.

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy est spécialiste de l’astronautique et rédacteur en chef du site d’actualités spatiales de la Cité de l’espace à Toulouse.

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Atlantico : Aux États-Unis, l'intensification des tests et lancements de fusées entraîne une certaine inquiétude chez les compagnies aériennes qui se retrouvent de plus en plus souvent obligées de faire de longs détours pour éviter des zones interdites définies lors du lancement des fusées. Quelles sont les normes de sécurité existantes aujourd'hui qui régissent le partage du ciel entre engins spatiaux et avions de ligne ou autres ? Qui autorise le lancement d'une fusée ?

Olivier Sanguy : Le principe de base est très simple : aucun avion ne doit se trouver dans la zone aérienne où un lanceur (nom techniquement plus correct que fusée pour ce genre d’activité) va évoluer avant d’atteindre l’espace. Avec l’essor des lanceurs partiellement récupérables, comme le Falcon 9 de SpaceX dont le premier étage revient soit au sol soit sur une barge en mer, la zone d’exclusion aérienne tient compte aussi des trajectoires de retour. D’ailleurs, selon les activités spatiales privées qui se développeront, on devra de plus en plus intégrer les couloirs de retour. Il y a bien évidemment des marges. Mais ce qui peut être le plus gênant est la notion de fenêtre de lancement. Cette fenêtre est la période de temps durant laquelle le lancement peut voir lieu pour que l’orbite visée soit atteinte. Elle est parfois instantanée, ce qui signifie que le décollage doit se dérouler pile au moment prévu, ou alors, il faut reporter, le plus souvent au lendemain. Généralement, une fenêtre de lancement dure de plusieurs minutes à parfois plusieurs heures. C’est bien évidemment les fenêtres de lancement étendues qui posent problème car alors on condamne sur une longue période de temps toute une zone qui pourrait servir au trafic aérien.  Sur le plan légal, un pays est responsable des lancements qui se déroulent sur son territoire. Un État a donc autorité à délivrer, ou refuser, les autorisations y compris pour les sociétés privées. Aux États-Unis, la FAA (Federal Aviation Administration), l’agence chargée de la réglementation et des contrôles de l’aviation civile, est désormais capable de délivrer les autorisations pour les lancements commerciaux privés.

Les projets spatiaux devraient entraîner une très forte augmentation du lancement de fusées dans les prochaines années, et une augmentation du nombre de bases de lancement. Doit-on s'attendre à un encombrement de certaines portions du ciel ? Quels problèmes cette "sur-fréquentation" pourrait-elle poser ?

C’est pour le moment assez relatif. Récemment, le 3 décembre 2018, on a atteint le chiffre symbolique de 100 lancements spatiaux sur l’ensemble de la planète pour l'année en cours ! Et ça n’était pas arrivé depuis quelques années. L’encombrement ne résulte pas pour le moment de la fréquence, mais plutôt de cette logique de fenêtre de lancement qui oblige parfois à condamner une partie conséquente de l’espace aérien sur une période de plusieurs heures. Toutefois, si les lancement se multiplient sous l’impulsion d’un essor commercial comme l’annoncent SpaceX ou d’autres acteurs du spatial, il est clair, qu’avant tout, les autorités chargées de délivrer les permis vont être débordées.

Quelles sont les solutions envisageables ?

Simplifier les procédures pour l’obtention d’un permis de lancer est déjà une démarche engagée aux États-Unis avec le transfert de la responsabilité de cette tâche à la FAA pour les lancements commerciaux privés. Mais au regard des risques qui sont pour le moment toujours bien plus élevés que pour l’aviation commerciale, il sera impossible de baisser les procédures à l’excès. Il faudra que la FAA soit donc dotée des moyens, en personnel notamment, nécessaires à faire face à cette éventuelle augmentation de demandes. Des évolutions techniques pourraient aussi aider. On peut envisager qu’avec une augmentation de la fiabilité, les fenêtres de lancements n’aient pas besoin, du moins pour certaines missions, d’être aussi étendues qu’actuellement. Il faut comprendre qu’un lanceur sur un pas de tir prêt au décollage peut connaître des «rouges» techniques qui obligent à interrompre la séquence et à la reprendre. C’est là qu’on apprécie une fenêtre de lancement la plus large possible. Réduire volontairement une fenêtre de lancement pour ne pas mobiliser trop longtemps l’espace aérien s’oppose aussi au coût d’un report au lendemain. Il y aura certainement des arbitrages à faire. Autre piste : une meilleure modélisation des conséquences de l’explosion en vol d’un lanceur permettrait de réduire la zone d’exclusion aérienne qui reste basée sur des marges assez grandes. Une communication efficace (probablement informatisée avec des protocoles de sécurité) entre les sociétés spatiales privées et le trafic aérien peut aboutir à libérer la zone réservée plus vite une fois que le lancement a eu lieu. Mais gardons à l’esprit qu’en dépit de progrès remarquables, un lanceur n’offre pas la fiabilité d’un avion de ligne et qu’il reste donc prudent d’éviter que ces deux partagent l’espace aérien au même moment. Si les avions de ligne se croisent régulièrement à des altitudes différentes dans une zone commune, on n’envisage pas encore de faire passer un avion sous la trajectoire d’un lanceur !​

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