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Gastro ou grippe : pourquoi les antibactériens et les désinfectants ne vous sauveront de rien cet hiver
©MARC LE CHELARD / AFP

Norovirus

Nous arrivons en pleine période hivernale et le norovirus plane comme une menace chaque année. Difficile de s'en protéger, de nouvelles études montrent que parfois de mauvais réflexes sont adoptés

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Un fait peu connu est que la plupart des produits "désinfectants" censés lutter contre les bactéries et les virus sont encore moins efficaces que la Javel ou le peroxyde d'hydrogène. (gel désinfectant pour les mains, produits ménagers, etc.) Pourquoi ces produits sont-ils moins efficaces et quel(s) produit(s) vaut-il mieux utiliser pour désinfecter une pièce après sa contamination par un norovirus ?

Stéphane Gayet : En effet, l’hiver s’approche à grands pas et les épidémies virales frappent inéluctablement chaque année pendant la saison froide : il s’agit des infections virales respiratoires et gastro-intestinales. Concernant ces dernières, deux familles de virus sont principalement en cause : la famille des Réovirus et celle des Calicivirus.

S’agissant des Réovirus, on connaît un virus impliqué dans les gastroentérites aiguës virales (GEAV), c’est le rotavirus. Le rotavirus A est en cause dans la plupart des gastroentérites hivernales des jeunes enfants de moins de 3 ans. Elles sont fréquemment asymptomatiques (sans manifestations) chez l’adulte, qui est souvent porteur méconnu et vecteur inconscient de virus auprès des enfants.

S’agissant des Calicivirus, on connaît deux virus impliqués dans les GEAV : le norovirus et le sapovirus. Le premier est plus souvent en cause que le deuxième : il est le deuxième agent responsable de GEAV après le rotavirus chez l’enfant de moins de 3 ans et le premier chez l’enfant plus âgé et l’adulte. Après une incubation d’une durée de l’ordre de 48 heures, débute de façon plus ou moins brutale une diarrhée aqueuse qui est le signe principal de la maladie. Elle s’accompagne des signes et symptômes suivants : perte d’appétit, nausées, gêne abdominale et parfois douleurs ; les vomissements sont fréquents ; les signes généraux sont une fatigue, parfois une sensation de malaise due à la déshydratation, une fièvre inconstante et le cas échéant habituellement peu élevée ; il peut y avoir également des frissons.

La gastroentérite aiguë virale due au norovirus, bien qu’habituellement bénigne, est redoutable

Cette maladie est d’une extrême contagiosité : la quantité de particules virales nécessaire pour déclencher la maladie est la plus faible connue parmi l’ensemble des virus (entre 20 et 1000 particules virales, ce qui n’est rien). La concentration de la diarrhée en particules virales est phénoménale (entre cent mille et un milliard par gramme de selles). De plus, il est assez fréquent que les personnes rétablies continuent à excréter le virus dans leurs selles, et cela jusqu’à trois semaines après la guérison. Il faut encore ajouter que les vomissures sont également chargées en particules virales infectantes.

Les virus des GEAV sont fort résistants sur le plan physique et chimique et c’est encore plus vrai pour les norovirus.

Ces virus persistent au moins deux mois dans l’eau stagnante (sans désinfectant) en l’absence de lumière (les rayons UV les fragilisent). Le froid ne les inactive pas, au contraire, il augmente leur durée de persistance. Les surfaces lisses (donc, non poreuses) ayant été contaminées par des norovirus peuvent conserver les virus infectieux (en l’absence de nettoyage et de désinfection) pendant presque un mois.

Efficacité des désinfectants sur les norovirus

La vérité n’est pas binaire : tout ou rien n’est pas scientifique. La vérité est toujours nuancée, mais l’esprit humain retient les schémas qui sont une déformation de la réalité.

Étant donné que les norovirus ont une résistance physique et chimique élevée parmi les virus, il faut s’attendre à ce que leur inactivation ne soit pas facile.

Pour les mains

Les produits hydroalcooliques (PHA), qu’il s’agisse de solutions hydroalcooliques (SHA) ou de gels hydroalcooliques (GHA), ont une efficacité très variable selon les produits. Dès l’instant où leur concentration en alcool éthylique (éthanol) est d’au moins 70 %, ils ont une efficacité appréciable sur ces virus. En pratique, il faut s’enquérir de leur efficacité sur les virus des GEAV (petits virus nus ou non enveloppés). On a pour cette raison intérêt à les acheter en pharmacie, car on sera bien renseigné sur leur action antivirale concernant les virus entériques.

En revanche, la chlorhexidine a un effet beaucoup trop faible (antiseptique largement utilisé).

Les antiseptiques iodés (BETADINE et génériques) ont une assez bonne efficacité sur les norovirus.

Le lavage des mains au savon non antiseptique n’a bien sûr aucun effet sur les virus, mais, s’il est effectué ave une bonne technique en sept étapes, permet d’éliminer l’essentiel des particules virales dans l’eau de rinçage.

Pour les objets contaminés

Les lingettes préimprégnées de solution nettoyante et désinfectante sont en général d’une efficacité trop faible (cependant, elles ont le mérite de nettoyer).

Les deux produits courants efficaces pour l’environnement (objets contaminés) sont l’eau chlorée ou javellisée (voir plus loin) et l’alcool ménager. On a souvent dit et écrit que l’alcool était inefficace sur les virus des GEAV et que de toute façon il fixait les protéines, donc emprisonnait les microorganismes sans les inactiver. Cette notion un peu simpliste est assez largement répandue. La vérité est que l’alcool éthylique ou éthanol à une concentration supérieure ou égale à 70 % a une efficacité suffisante sur les virus des GEAV, dont les norovirus. Cette efficacité est même très bonne au-dessus de 85 %. Or, cela correspond à la concentration de l’alcool dit ménager (mélange d’alcool éthylique et d’alcool méthylique ou méthanol).

Ingérer des produits comme du jus de raisin, du vinaigre de cidre ou un soda serait aussi inefficace contrairement à certaines idées reçues. Pourquoi ? Y a-t-il un autre moyen, alimentaire ou pas, (autre que les médicaments) naturel de lutter contre un norovirus ?

Les idées reçues et autres informations erronées circulent vite et bien sur l’internet : elles sont schématiques, interpellent directement les personnes, frappent l’esprit et sont assez faciles à mémoriser. C’est tout le contraire des données issues de la science qui sont complexes, plus difficiles à appréhender et dès lors moins mémorisables. L’esprit humain se nourrit de schémas alors que la science est toute en nuances.

Les virus des GEAV sont résistants sur le plan physique et chimique et particulièrement les norovirus. Le milieu gastrique est hostile aux microorganismes : c’est notre première barrière qui arrête beaucoup de microorganismes. L’hostilité de la cavité gastrique est due à son acidité phénoménale – presque physiologiquement incompréhensible – et aux enzymes que l’estomac sécrète, parmi lesquelles la pepsine qui est une puissante enzyme de dégradation des protéines (sa puissance est telle qu’elle doit être sécrétée sous forme inactive, le pepsinogène, ensuite activé en pepsine).

À côté de l’acidité gastrique, celle du jus de raisin (vitamine C ou acide ascorbique), du vinaigre de cidre (acide acétique) ou du soda ne sont pas grand-chose. L’ingestion de ces liquides n’atténue pas le risque lié à une contamination virale. Aucun liquide ou produit solide ne peut, après ingestion de particules virales, atténuer le risque d’infection, étant donné ce que nous avons vu concernant la résistance physique et chimique de ce virus.

Nous ne pouvons qu’atténuer les signes et symptômes de la maladie, pas plus : l’essentiel est d’éviter de se contaminer.

Lorsque la maladie a commencé avec la diarrhée et parfois les vomissements, on recommande d’adopter un régime qui est équilibré : éviter tous les aliments irritants (la plupart des fruits frais et secs, les jus de fruits, l’alcool et le café) ; ingérer des soupes et des bouillons ; parmi les aliments conseillés, il faut citer les œufs, le riz, les pommes de terre (pas sous forme de frites) et – en fonction de leur tolérance individuelle qui est variable - les carottes et les avocats ; les yaourts et les fromages sont également préconisés ; parmi les fruits, bananes, abricots et figues sont les plus adaptés ; alors que les légumineuses (légumes en gousses) sont à consommer avec modération (pois, lentilles, fèves, flageolets…), de même que les fruits secs (noix, noisettes…) ; enfin, il est capital de bien s’hydrater pour compenser les pertes : on peut boire pour cela une eau riche en chlorure de sodium (eaux minérales de Vals, Parot, Rozana, St-Diéry, Ste-Marguerite, Arvie, Volvic, Cilaos…).

Sur le plan médicamenteux, un produit en vente libre et pratiquement dénué de toxicité – mais relativement coûteux - est d’un grand intérêt : il s’agit de la polyvinylpolypyrrolidone (BOLINAN) ; alors que le chlorhydrate de lopéramide (IMODIUM) est vraiment à éviter, car il ne fait que réduire le flux de diarrhée, ce qui n’est pas la meilleure chose qui soit.

Mais surtout, il faut exhorter toutes les personnes atteintes par cette maladie empoisonnante de faire tout pour éviter de la propager à leur entourage : il est impératif d’éliminer toutes les particules virales se trouvant sur les mains après avoir été aux toilettes.

Quarantaine, nettoyage à la Javel, lavage de main. Avant d'être contaminé, quels sont les bons réflexes à adopter à l'intérieur et à l'extérieur de la maison ?

La quarantaine était justifiée pour des maladies très contagieuses et graves pour lesquelles c’était la principale mesure de prévention applicable de façon systématique.

Il n’est pas justifié de désinfecter l’environnement qui n’est pas en contact avec les mains : la désinfection des sols est une sorte d’habitude obsessionnelle sans intérêt et même nocive (émanations). Les seules choses qui comptent sont les mains et tout ce que touchent les mains.

La prévention de la transmission des virus nécessite de la connaissance et de la réflexion. Il faut retenir que les virus des GEAV sont émis en quantités massives dans les matières fécales et les vomissures (moins contagieuses cependant que les premières). Après avoir été aux toilettes, il est très difficile de ne plus avoir de microorganismes fécaux sur les mains : cela demande une technique rigoureuse (gestuelle du lavage ou de la décontamination des mains en sept étapes). De ce fait, il faut considérer que toute personne sortant des toilettes a des microorganismes fécaux sur les mains, à moins d’être formée à la technique et d’avoir un support ou système d’essuyage des mains adapté. Il est donc essentiel d’apprendre la gestuelle du lavage ou de la décontamination des mains et d’adopter un support ou un système d’essuyage non dangereux (le pire étant l’essuie-mains en tissu à personnes multiples).

Il faut absolument neutraliser les éventuels virus présents sur nos mains avant de les porter au contact de notre bouche ou de toucher quelque chose qui va aller au contact de notre bouche.

La désinfection des éléments préhensibles ou seulement fréquemment touchés par les mains peut être faite grâce à un produit tel que l’alcool ménager qui de plus dégraissant et rapide. L’alternative est constituée par de l’eau chlorée, qui est obtenue en diluant de l’eau de Javel au 1/10e (partir d’eau de Javel pure, c’est-à-dire à 2,6 % de chlore actif, et la diluer 10 fois pour obtenir de l’eau chlorée à 0,26 % de chlore actif) ; mais ce produit est plus lent et présente l’inconvénient d’être entravé par la présence de salissures (graisses, protéines). Les lingettes préimprégnées ne sont pas très performantes vis-à-vis des norovirus.

Certains spécialistes préconisent de "couvrir" le virus, notamment avec du papier toilette. Une fois le virus chez soi, comment éviter qu'il se propage dans la maison et contamine les autres membres de la famille ? Comment se propage-t-il ?

Les virus des gastroentérites aiguës virales (GEAV) comme le norovirus ne sont pas connus pour être dispersés par l’air. Le fait de déposer du papier de toilette sur des matières fécales ou des vomissures n’a pas de réel intérêt, d’autant moins que le papier de toilette a une porosité majeure.

En présence de matières fécales ou de vomissures, il faut écarter toute personne de ce danger, enfiler une paire de gants imperméables (à usage unique de préférence, mais pas obligatoirement) et enlever ces matières organiques contagieuses, soit à l’aide de papier essuie-tout, soit à l’aide d’un support textile ou non tissé de nettoyage (serpillière, lavette). Il est tout à fait crucial d’éviter tout contact cutané direct avec les vomissures et les matières fécales. Mais le risque de contamination par la voie aérienne est négligeable, du moins en l’absence d’aérosol (on peut générer un aérosol en lavant à grande eau un support de nettoyage qui a été souillé, ce qu’il faut donc proscrire ; attention également à la chasse d’eau : il importe que le couvercle de la lunette des w.c. soit bien fermé avant d’actionner la chasse d’eau). Puis les supports de nettoyage souillés et à usage multiple seront soit jetés, soit désinfectés par trempage dans de l’eau javellisée à 10 % (eau de Javel – dont le titre est par définition 2,6 % de chlore actif - diluée au 1/5e, soit une solution dont le titre est 0,52 % de chlore actif) pendant une durée de l’ordre de 30 minutes à une heure (un temps supplémentaire n’apporterait rien, mais dégraderait le support).

Comment est propagé le virus et que faire pour la prévention?

En dehors de la formation d’un aérosol par de l’eau courante, le virus de la GEAV n’est pas propagé par l’air. Il ne se répand que par contact, direct ou indirect. Mais étant donné sa grande contagiosité, il suffit d’assez peu de particules virales.

Dès qu’une personne est atteinte de GEAV, elle est contagieuse par sa diarrhée et donc par ses mains. Ce sont les mains des personnes – malades ou simplement porteuses du virus – qui véhiculent et transmettent le virus. Cette transmission se fait facilement de façon indirecte (poignées, interrupteurs, rampes, mains courantes, télécommandes, claviers, essuie-mains, dos des chaises, etc. : ce sont des vecteurs inanimés de virus). Il est pratiquement impossible de neutraliser en temps réel tous les vecteurs inanimés de virus. Les vecteurs inanimés les plus dangereux sont les essuie-mains en tissu. Il faut donc, soit s’essuyer les mains avec un support jetable ou un sèche-mains électrique, soit individualiser les essuie-mains. Et les vecteurs animés de virus les plus dangereux sont les mains : une personne A serre la main à une personne B qui ensuite va serrer la main à une personne C (la main de la personne B est un vecteur de transmission des personnes A à C).

Alors, comment faire: voici la règle d’or (efficace aussi pour se protéger des virus respiratoires) : avant de toucher même ses lèvres, de porter ses mains à sa bouche, de toucher quelque chose qui va aller dans la bouche ou au simple contact des lèvres (bonbon, chewing-gum, cigarette, vapoteur…), de toucher de la nourriture ou a fortiori de préparer un repas, il faut acquérir le réflexe de se décontaminer efficacement les mains et cela sans la moindre exception. Car il ne s’agit pas de se laver les mains à longueur de journée – ce qui est vain et irritant -, mais il faut le faire exactement au bon moment.

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