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Européennes : Debout la France pourrait-il décoller en 1ère division maintenant qu’il est numéro 1 de la 2ème ?
©ERIC PIERMONT / AFP

DLF

Un sondage IFOP pour la Lettre de l'Expansion, mesurant les intentions de vote recueillies par les différentes listes pour les prochaines élections européennes place Nicolas Dupont-Aignan et Debout la France à la 5e position du classement, avec 7%

Christophe Boutin

Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009) et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017), le Le dictionnaire des populismes (Cerf 2019) et Le dictionnaire du progressisme (Seuil 2022). Christophe Boutin est membre de la Fondation du Pont-Neuf. 

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Atlantico : Que manque-t-il au parti pour celui ci puisse se glisser dans le peloton de tête constitué par le RN, LREM, LR et la FI ?

Christophe Boutin : Cela fait maintenant vingt ans que Nicolas Dupont-Aignan laboure les terres du gaullisme, du gaullisme social d’abord, du gaullisme souverainiste et intransigeant ensuite. Le courant qu’il a créé en 1999, au sein de ce qui était alors le RPR, Debout la République, participa à l’aventure de cette fameuse liste du Rassemblement pour la France, menée par Charles Pasqua et Philippe de Villiers, qui allait se classer seconde aux élections européennes de cette année-là, avec 13,06% des suffrages, battant la liste « officielle » du RPR menée par Nicolas Sarkozy (12,86%)…
Le courant qu’il crée ne réussit pas ensuite à s’imposer au sein d’une formation qui allait évoluer en réunissant la droite RPR et le centre UDF. Dupont-Aignan obtient bien près de 15% des suffrages (14,91%) au congrès fondateur de l’UMP en 2004, et même près de 20% (19,7%) lors d’un débat sur la défense de la souveraineté française face à l’Union européenne, mais il ne dépose pas en 2005 de motion interne sur le « non » au traité dit Constitution, même s’il fait campagne pour ce « non ».
Résolu à sortir de cette ambiguïté, il quitte en 2007 l’UMP, mais ne parvient pas à obtenir les parrainages nécessaires pour se présenter à l’élection présidentielle et se rallie à Nicolas Sarkozy au second tour. Aux européennes de 2009, il obtient 1,77% des suffrages et n’a pas d’élus, restant dans le même étiage en obtenant 1,79% des suffrages aux élections présidentielles de 2012.
Depuis, les choses ne cessent de s’améliorer. DLR devient DLF en 2014 et obtient 3,82% aux élections européennes de la même année, quand Dupont Aignan arrive à 4,7% des voix au premier tour des présidentielles de 2017. L’annonce de son alliance avec Marine Le Pen entre les deux tours secoue l’équipe dirigeante du parti, qui pâtit ensuite de l’absence d’alliances avec le RN aux législatives qui suivent, mais ces déboires n’empêchent pas qu’en avril 2018 un sondage crédite Nicolas Dupont Aignan de 6% d’intentions de vote à une élection  présidentielle, ou que la liste de DLF soit créditée dans un nouveau sondage, selon les configurations examinées, de 6,5 à 7% d’intentions de vote aux élections européennes de 2019.
Si l’on retient le seuil des 5% des suffrages exprimés, celui qui permet d’avoir accès à la répartition des sièges à ces élections européennes, ou de se voir remboursé de ses frais de ses fais de campagne aux élections présidentielles, comme étant le seuil d’entrée dans la « cour des grands », avec des élus et un financement, le pari risqué de Nicolas Dupont Aignan, celui d’oser exister politiquement seul, en claquant la porte de son parti d’origine, est en passe d’être gagné. Avec ses 7%, il pourrait être devant la liste du PS, créditée elle de 6 à 7,5% des votes selon les hypothèses. Il n’y bien toujours devant lui deux forces moyennes, LFI à 11% et LR à 13%, et les deux poids-lourds, LaREM à 19% et du RN à 21%, mais il fait clairement partie de la petite dizaine de formations qui comptent sur l’échiquier politique français.
À partir de là, la vraie question est celle des alliances. Nicolas Dupont Aignan doit-il se contenter de gérer son capital de voix en devenant un allié obligé pour des formations qui arrivent devant lui mais ont besoin, lors d’élections à deux tours, ce qui n’est pas le cas des européennes, de son appui ? Doit-il s’allier en dehors des élections avec un autre parti dont il deviendrait une composante, un courant, pour constituer une force politique de premier plan ? Ou doit-il rester en marge, espérant continuer sur sa pente ascendante pour voir ensuite les autres chefs politiques, dépassés, se rallier à lui ? Des choix difficiles, certes un peu différents selon les échéances électorales considérées, mais auxquels sont confrontés tous les leaders politiques, qui y répondent en fonction des partenaires possibles comme de leurs propres personnalités.

Que manque-t-il à la personnalité de NDA pour parvenir à un changement de statut du parti ?

Son parcours politique le montre bien : Nicolas Dupont Aignan, ego ou tactique on ne sait, agit seul. Confronté aux blocages internes du RPR puis de l’UMP, il en claque la porte. Il ne rallie ensuite aucune autre formation de droite avant son alliance surprise avec Marine Le Pen en 2017, une alliance qui prend fin dès la proclamation des résultats de la présidentielle.
Certes, il parle parfois d’union. Il était de ceux qui lancèrent en octobre 12017 la plateforme « Les Amoureux de la France », bâtie justement pour faciliter les passages entre formations et les alliances, avec Jean-Frédéric Poisson, Emmanuelle Ménard, Julien Rochedy ou Nicolas Dhuicq. Mais il n’est pas quelques mois à peine plus tard, le 27 mars 2018, parmi les signataires de l’Appel d’Angers, sorte de programme commun de cette alliance à droite, où l’on retrouve pourtant Jean-Frédéric Poisson, Emmanuelle Ménard et Nicolas Dhuicq…  
Quelle était la limite de cette initiative de 2017 ? Si Dupont Aignan tablait sur les éventuelles difficultés internes de la présidente du RN pour siphonner une partie de son électorat, ou pour attirer à lui des transfuges venus d’autres formations et qui auraient pu être tentés par le RN, l’essai n’est que très partiellement réussi : non seulement l’édifice RN ne vacille pas mais il est en tête des sondages. S’il espérait une liste commune derrière lui aux européennes, c’est là encore un échec puisque seront aussi présentes dans la course les listes des Patriotes de Florian Phillipot et de l’UPR de François Asselineau…
Mais, plus largement, on peut se demander au vu de cela si Nicolas Dupont Aignan arriverait à envisager une alliance qu’il ne dirigerait pas, dont il ne maîtriserait pas le programme, dont il ne serait pas le porte-parole privilégié. On le comprend : parti de rien il dépasse maintenant les 5%. Reste que ce n’est pas en 2019 que nous aurons la réponse à cette question, mais en 2020, avec des élections locales qui verront peut-être naître des alliances, à droite ou à gauche. En notant d’ailleurs qu’en cas de blocage au sommet des formations, de telles alliances pourraient bien se faire à la base, entre militants, voire autour de personnalités nouvelles enracinées localement… Ne pas s’allier, c’est peut-être aussi courir le risque de décevoir.

Quelles sont les causes de ce plafond de verre actuel qui pourraient être liées directement aux tendances actuelles des partis qui entourent DLF sur l'échiquier politique, des LR au RN ?

Le sondage que nous commentons ici montre une quasi égalité entre les deux blocs définis par le Chef de l’État lorsqu’il évoque ces élections européennes à venir : 45% de souverainistes, dont 15% de souverainistes de gauche et 30% de souverainistes de droite, et 52% de partisans de l’Union – mais en comptant dans ces 52% des eurosceptiques présents à LR -, quand 3% des Français sont en proie au doute.
Le créneau politique de Nicolas Dupont Aignan se situe entre le RN et LR. Il peut encore attirer des eurosceptique de LR – il faut attendre la composition de la liste LR et son programme pour voir si ces derniers auront alors plus de motifs d’insatisfaction qu’ils n’en ont aujourd’hui. Il peut encore attirer l’électorat des très petites listes, Patriotes ou UPR, qui se diraient, que sans élus, leurs votes seraient perdus. Il peut encore attirer un électorat RN déçu. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait partiellement si l’on examine ce qu’avaient voté en 2014 ceux qui s’apprêtent à voter pour lui en 2019, comme il a attiré aussi d’anciens électeurs de l’UMP et de l’UDI - mais, contrairement au RN, aucun transfuge du Front de Gauche de 2014.
Que nous apprend ensuite ce sondage sur l’électorat de DLF par rapport à ceux de ses deux voisins LR et RN ? D’abord que c’est un électorat âgé, un peu moins que celui de LR mais plus que celui du RN. Ensuite que c’est un électorat nettement plus rural que celui de LR, peu présent en région parisienne. Enfin qu’il est principalement présent dans la région Sud-Est, qui accueille traditionnellement nombre de retraités, et où le vote RN est important, mais aussi, et surtout, dans une région Nord-Ouest où le RN est cette fois souvent à la peine.
En 1999, un parti remportait 6,77% des suffrages exprimés aux européennes, en étant présent principalement dans le Nord-Ouest de la France et dans les zones rurales : c’était Chasse, Pèche, Nature et Tradition, CPNT. DLF en retrouve, partiellement au moins, les contours en 2019. Comme CPNT, il doit, pour se développer d’ici 2020, prendre deux choses à ses principaux rivaux : la jeunesse au RN et les notables locaux à LR. Le pourra-t-il ?

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