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Augmentation du pouvoir d’achat ou approfondissement du racket fiscal ?
©Thibault Camus / POOL / AFP

Politique fiscale

1000 milliards d’euros ! C’est le montant atteint par les prélèvements obligatoires en 2017, un record en la matière.

Les Arvernes

Les Arvernes

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d’essayistes et d’entrepreneurs. Ils ont vocation à intervenir régulièrement, désormais, dans le débat public.

Composé de personnalités préférant rester anonymes, ce groupe se veut l'équivalent de droite aux Gracques qui s'étaient lancés lors de la campagne présidentielle de 2007 en signant un appel à une alliance PS-UDF. Les Arvernes, eux, souhaitent agir contre le déni de réalité dans lequel s'enferment trop souvent les élites françaises.

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Ce montant représente 43,3 milliards de plus qu’2016 (994,7 milliards), 59,6 milliards de plus qu'en 2015 (978,4 milliards) et surtout 368,5 milliards de plus qu'en 2002. Si des diminutions sont prévues pour 2018 et les années suivantes, elles seront compensées par l’augmentation d'autres postes de dépenses alourdissant ainsi la facture pour les contribuables.

Car le sujet du moment, chacun le comprend, c’est la question du pouvoir d’achat. D’un côté, le gouvernement, et en particulier Gérald Darmanin, qui n’est plus ministre du budget mais du pouvoir d’achat, se présente comme le défenseur du porte-monnaie des français. Ceux-ci sont à juste titre exaspérés par le racket fiscal, et estiment à 84%, si l’on en croit un sondage, que leur pouvoir d’achat n’augmentera pas sous le quinquennat d’Emmanuel Macron. D’un autre côté, le gouvernement poursuit le matraquage tous azimuts de ceux qui loin des salons parisiens, pour reprendre l’expression châtiée de Monsieur Grivaux à l’égard de Laurent Wauquiez, « fument des clopes et roulent en diesel ».
Disons-le tout net : si l’on prend un peu de recul, la poursuite de l’augmentation rampante des prélèvements obligatoires, alors que la baisse du chômage atteint son plancher et que le déficit extérieur reste inentamé, signe l’échec de la stratégie économique du gouvernement, étranglée par le manque d’ambition initial, des promesses intenables et le « désalignement des planètes » (remontée des taux d’intérêt avec la normalisation de la politique monétaire, hausse du prix du pétrole, confirmation de l’entrée en fin de cycle américain, difficultés chinoises).
Plus profondément, derrière ce chiffre de 1000 milliards de prélèvements obligatoires et l’entêtement du gouvernement, se profilent les traits de l’ancien monde, à plusieurs égards. 
Premièrement, ce montant astronomique doit être mis en regard du principal problème de notre économie, que les gouvernements clientélistes ont soigneusement évité de traiter au cours des dernières décennies : le poids de la dépense publique, et en son sein, des dépenses de personnel. La vérité, ressassée en vain par la Cour des Comptes, et plus simplement par ceux et celles qui connaissent de l’intérieur le fonctionnement des collectivités publiques est simple : Etat, hôpitaux et collectivités locales se sont pour partie dispensés des efforts de productivité que le secteur privé, ouvert à la concurrence, a dû consentir. Le « nouveau monde » s’inscrit dans cette veine, qui n’a, à ce stade, pris aucune mesure significative de réduction des dépenses publiques et qui, pour équilibrer ses finances, doit continuer à puiser dans les poches des français.
Deuxièmement, la politique fiscale à la petite semaine se poursuit. La simplification fiscale, si urgente, avance à pas de tortue (suppression au compte-gouttes de taxes à rendement souvent inférieur au coût de collecte). Le gouvernement n’a pas non plus renoncé à la déplorable habitude – qu’il n’a pas inventée mais dans laquelle il se complaît – d’habiller l’impôt, qu’il conçoit d’abord et avant tout comme un moyen de colmater les brèches budgétaires, des bons sentiments de politiques publiques. C’est le cas en matière de fiscalité énergétique, où l’on sent poindre le ras-le-bol des français à la pompe. C’est aussi le cas en matière de fiscalité sur le tabac, qui, faut-il le rappeler, rapporte déjà plus de 14 milliards d’euros à l’Etat chaque année. La lutte contre les excès du tabagisme est un objectif qui fait consensus. Pour autant, outre les mesures vexatoires (zèle en matière de transcription de la directive européenne portant sur le paquet neutre), en multipliant les mesurettes techniques mal ficelées (prélèvement d’une nouvelle contribution sur les distributeurs mais à la charges des fabricants ou encore l’avancée d’un mois des hausses fiscales de début d’année 2019 et 2020), le gouvernement a à l’évidence plus en tête le gain de trésorerie de 500 millions d’euros que la protection de la santé publique. Est-il permis de rappeler que dès son arrivée, Margaret Thatcher, à laquelle Jupiter aime qu’on le compare, avait lancé un programme de réduction massive de la fiscalité de l’impôt sur les personnes physiques, notamment par la réduction du nombre de tranches ? 
Troisièmement, et surtout, si l’on s’inquiète un jour du matraquage fiscal, ce n’est jamais pour les bonnes raisons. Jamais parce que le pouvoir en place, quel qu’il soit, finit par se rendre compte que les français ont mieux à faire qu’à se débattre dans les méandres d’une fiscalité à la complexité kafkaïenne. Jamais parce qu’un gouvernement prend la peine de comprendre que le cycle de l’Etat Providence ouvert en 1942, dont l’augmentation de la pression fiscale a été l’une des colonnes vertébrales, doit désormais faire place au retour de l’Etat puissance, dans lequel la dépense publique doit être réduite et concentrée sur les sujets de souveraineté. Jamais parce que nos gouvernements, qui depuis mars 1982 (décentralisation) et 1992 (Traité de Maastricht et principe de subsidiarité) tournent le dos à l’Etat central, n’en tirent la conclusion évidente qui veut que l’argent des français serait mieux utilisé (consommation des ménages, investissement des entreprises) si l’on leur laissait plus la capacité d’en décider à un niveau microéconomique que dans des bureaux à Bercy. Jamais parce qu’un gouvernement, désireux de donner corps à la réindustrialisation, se serait décidé à réduire les impôts de production, ce qui est précisément le contraire de ce que le PLF 2019 annonce (baisse des charges sociales contre refonte du CICE, défavorables aux entreprises, mais destinée à accroitre les ressources fiscales).
Quatrièmement, et c’est sans doute le plus terrible, comment ne pas voir dans l’attitude du gouvernement, l’expression de ce qu’il faut bien appeler un mépris de classe ? Car derrière la logorrhée post-moderne tendance bobo qui veut que les français qui, selon leur bon plaisir, fument, boivent, ne vivent pas dans les métropoles interconnectées, ont l’outrecuidance de ne pas rouler en Tesla, sont finalement des imbéciles, s’exprime, au travers de Benjamin Grivaux, la déconnexion fantastique et délétère entre les élites parisiennes et ce qu’il faut bien appeler le pays réel.
En définitive, en fait de « nouveau monde », le rapport qu’entretient ce gouvernement à l’impôt et au pouvoir d’achat s’inscrit dans la continuité parfaite de l’« ancien monde ». Et, comme dans l’« ancien monde », quand par exemple Laurent Fabius en 1999 s’inquiétait que « la gauche puisse être battue par les impôts », le pouvoir en place ne s’inquiète de l’impôt non pas tant quand il est injuste, excessif, compliqué, désincitateur ... mais bien surtout quand électoralement il ne paye plus ! Car hélas, trois fois hélas pour le gouvernement, les « sans dents » votent quand même…

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