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François Ruffin / Marion Maréchal : génération gagnante pour le populisme ?
©ALEX WONG / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Mélenchon-Le Pen à Zombieland

Selon un sondage BVA pour RTL paru vendredi 26 octobre, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, sont respectivement dépassés en popularité dans leur propre camp par Marion Maréchal et François Ruffin.

Christophe Boutin

Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009) et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017), le Le dictionnaire des populismes (Cerf 2019) et Le dictionnaire du progressisme (Seuil 2022). Christophe Boutin est membre de la Fondation du Pont-Neuf. 

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Atlantico: Que symbolise cette montée de Marion Maréchal et de François Ruffin par rapport aux figures historiques de leur parti ?

Christophe Boutin: Prenons, si vous le voulez bien, un tel sondage avec une certaine prudence, car il ne faut pas oublier que l’on compare ici des chefs de partis, qui, comme tels, sont nécessairement contestés, puisqu’ils ont à faire des choix entre les diverses positions programmatiques et à intervenir sur l’actualité, à d’autres personnalités qui sont elles dans la politique de manière plus marginale, ou moins présentes dans la politique nationale : Marion Maréchal a clairement quitté la politique pour se consacrer à son école, François Ruffin, cinéaste avant tout, a su rester un peu en marge du clan mélenchonien même s’il siège dans ses rangs, et Xavier Bertrand, que vous citiez en introduction, affirme ne se consacrer qu’aux Hauts-de-France.

Il est vrai que les chefs de partis peuvent sembler contestés pour des raisons différentes. Marine Le Pen subit d’une part les attaques politico-judiciaires de l’Union européenne et de la justice française, et, d’autre part, semble décevoir jusqu’à certains de ses anciens soutiens quant au fonctionnement interne de son parti, facilement clanique dit-on. Quant à Jean-Luc Mélenchon – simple hasard du calendrier, sans doute -, il subit les mêmes attaques de la justice de son pays et des institutions européennes, et se voit, lui aussi, critiqué en interne sur la gestion de son parti.

En fait, c’est sans doute le second point qui est le plus problématique pour eux. Les attaques politico-judiciaires en cours sont certes importantes en ce qu’elles peuvent obérer les capacités des formations ou des personnes qui les dirigent à participer aux prochaines joutes électorales. Mais cela ne conduira à pas à l’éloignement de leur électorat, au contraire même, ce qui serait peut-être plus le cas si ce dernier avait l’impression d’être utilisé à seule fin de permettre au leader concerné et à ses proches de continuer à bénéficier des prébendes des mandats politiques.

Dans ce cas d’éloignement, d’autres figures peuvent en effet émerger, qui sembleront « plus proches », et ce seront volontiers, comme nous le voyons ici, celles de personnalités moins impliquées dans la vie quotidienne du parti, avec ses côtés forcément un peu déplaisants de « main dans le cambouis ».

Est-ce un phénomène de « mode » du aux déboires de Marine Le Pen et Mélenchon ou la confirmation de leur ligne plus « populiste » ?

Phénomène du à leurs déboires – je pense que vous évoquez leurs actuels déboires politoco-judiciaires -, encore une fois je ne le pense pas. Quant à l’évolution de la ligne souhaitée par les électeurs de ces formations, plus ou moins « populiste », la question peut en effet être posée.

Après des années de ligne farouchement et prioritairement « souverainiste », destinée à rassembler derrière elle une hypothétique « France du Non », celle du rejet du traité dit constitution de 2005, la « ligne Philippot » pour faire simple, Marine Le Pen se repositionne c’est vrai sur une ligne populiste. Mais elle conserve pour y être pleinement efficace trois faiblesses : une méfiance envers les questions identitaires d’abord, qui lui semblent trop dangereuses à manier en termes de conséquences juridico-politiques potentielles, quand tous les mots employés seront pesés au trébuchet de la plus extrême mauvaise foi ; l’incapacité à définir clairement ensuite son positionnement économique, non seulement par rapport à l’euro mais plus aussi de manière plus globale, quand, avec elle à sa tête, le FN, très libéral à l’origine, est devenu très étatiste ; enfin son positionnement très progressiste sur certains sujets sociétaux, sans que l’on sache bien très ici aussi ce qui le fonde et où en sont les limites…

Face à cela, Marion Maréchal campe sur une ligne libérale-conservatrice clairement définie, conservatrice sur le sociétal sans être pour autant « ringarde », libérale sur l’économique sans être « ultra-libérale », et, surtout, clairement identitaire, c’est-à-dire posant cette question identitaire au centre même des choix politiques actuels. Or on doit noter que le courant idéologique qui porte les divers « populismes » européens qui secouent aujourd’hui notre continent sont eux aussi positionnés de manière prioritaire sur cette question identitaire.

Pour Jean-Luc Mélenchon on retrouve la même pierre d’achoppement touchant à l’identitaire, aggravée cette fois par son positionnement par rapport au phénomène migratoire récent, qui déstabilise la part de son électorat qui doit faire face dans son quotidien aux conséquences de ce phénomène. Certes, Ruffin pâtit lui aussi de tels choix, mais dans d’autres domaines le réalisateur de Merci patron est peut-être mieux placé que le vieux sénateur pour incarner la lutte contre les oligarchies…

Peuvent-ils séduire au-delà du vivier « classique » de la FI et du RN ?

Pour Marion Maréchal, c’est certain : elle est placée, dans un autre sondage récent, devant Laurent Wauquiez chez les électeurs de LR, on peut penser qu’elle pourrait séduire aussi une partie de l’électorat de DLF de Dupont-Aignan… et, preuve de sa personnalité, elle n’est pas si mal placée que cela, par rapport à d’autres personnalités de droite, dans l’électorat de LFI ! Mais encore faut-il préciser, une fois de plu,s qu’il ne s’agit que de sondages, et de sondages dont les résultats sont rendus plus difficiles à interpréter du fait que l’on mélange des chefs de partis et des personnalités en marge de la politique.

Pour répondre à la même question pour François Ruffin, il faudrai voir d’abord comment la gauche – LFI, mais aussi les écologistes ou les restes du PS et du PC - va évoluer. Les positionnements actuels sur la question migratoire, par exemple, mais aussi sur celle de l’Union européenne, semblent fluctuants à écouter des déclarations récentes. Par ailleurs, la question de la réforme des institutions reste posée, et l’on aurait presque envie de dire que c’est celle du rapport au peuple – central dans la thématique de gauche, ou dans sa mystique – qui est directement touchée. Il faudrait donc encore quelque temps de décantation pour savoir si François Ruffin peut jouer un rôle plus important dans cette famille de pensée, mais il est en tout cas permis de penser qu’il serait plus difficile à quelqu’un qui reste, comme lui, extérieur aux cadres politiques et aux jeux d’appareil, de renverser la table à gauche, que ce le serait pour Marion Maréchal à droite.

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